vendredi 27 mai 2011

Quand le poème "Les Corbeaux" a-t-il été composé ? Par David Ducoffre


La datation des Corbeaux n’est pas négligeable lorsqu’il s’agit de se faire une idée de l’évolution de la poésie rimbaldienne. Cette pièce a été publiée le 14 septembre 1872 dans la revue La Renaissance littéraire et artistique. Il s’agit d’un poème en octosyllabes dont les rimes sont plutôt riches et qui ne pose pas de problème de lecture, du moins au premier degré (c.-à-d. au plan littéral). Pourtant, au cours du printemps et de l’été 1872, Rimbaud semblait avoir renoncé à la versification traditionnelle et il avait composé des poèmes dont il était désormais difficile d’appréhender les césures ou les rimes. Quelques hiatus ou vers faux apparaissaient, la mesure même des vers posait problème dans Bonne pensée du matin, et les strophes de Fêtes de la faim devenaient assez peu littéraires. La dernière provocation vint des refrains de chanson avec le poème « Ô saisons, ô châteaux ! » et la version de Chanson de la plus haute Tour incluse dans Une saison en enfer. En septembre 1872, l’œuvre Les Corbeaux a donc bien quelque chose d’anachronique. La reprise de l’expression « chers corbeaux délicieux » laisse pourtant deviner un rapprochement dans le temps avec La Rivière de Cassis. Tel est l’énigme à résoudre.
Le faible hermétisme du poème et sa versification régulière ont amené les anciens éditeurs de l’œuvre de Rimbaud à considérer qu’il s’agissait d’un texte de jeunesse qui devait avoir été composé durant l’hiver 70-71 et ils l’inscrivirent chronologiquement entre les lots de feuillets recopiés à Douai qui furent remis à Demeny en septembre-octobre 1870 et les lettres « du voyant » de mai 1871. Les « morts d’avant-hier » évoquent à l’évidence les morts tout récents de la guerre franco-prussienne. Ceci dit, nous avons fait remarquer dans un article paru en 2007 que les octosyllabes ne supposent pas de césures. Par conséquent, qu’un poème pratique les rejets entre les vers (comme dans Les Mains de Jeanne-Marie) ou pas, il est délicat de parler de la plus ou moins grande régularité de ses octosyllabes. Doit-on rappeler que les césures de Voyelles ou des Chercheuses de poux sont plus régulières que celles des Assis, d’Accroupissements, de Paris se repeuple, voire de Rêvé pour l’hiver ? Quant aux rimes des Corbeaux, elles sont régulières comme le sont celles de compositions tardives tels que Tête de faune ou Le Bateau ivre, comme le sont celles du poème Les Mains de Jeanne-Marie que Verlaine a scrupuleusement daté du mois de février 1872. En résumé, il est aberrant de considérer que ce poème témoigne d’une versification si sage qu’il doive être antérieur aux lettres « du voyant ». En nous penchant plus soigneusement sur la versification, il devient même vraisemblable qu’il s’agisse bien d’une composition plus tardive. Jacques Bienvenu a insisté sur l’augmentation des rimes avec consonne d’appui entre 1870 et 1871. Sur les 12 rimes de ce poème, 7 recourent à la consonne d’appui (« prairie » :: « défleurie », « abattus » :: « tus », « cieux » :: « délicieux », « sévères » :: « calvaires », « nids » :: « jaunis », « chêne » :: « enchaîne », « charmé » :: « mai »). L’absence de consonne d’appui ne concerne que le troisième sizain (« France » :: « repense », « avant-hier » :: « hiver », « devoir » :: « noir ») et les dernières rimes du second et du quatrième (« trous » :: « ralliez-vous », « fuir » :: « avenir »). Toutefois, les assonances internes compensent quelque peu cette absence dans l’avant-dernier sizain : « champs de France », « avant-hier », « chaque passant repense » ou « avant-hier », « hiver » (voire « dorment des morts »). Seule la rime « trous » :: « vous » ne se fonde que sur le seul écho d une voyelle finale.
Surtout, ce poème est en sizains de type ABBACC, type de strophe que, d’après nos recherches, Banville n’a jamais employé. Dans le chapitre VIII de son Petit traité de poésie française, le poète parnassien commente la construction des strophes. Il critique alors les fausses apparences de la présentation typographique. Les Ïambes d’André Chénier proposent une alternance continue d’alexandrins et d’octosyllabes, mais il s’agit en réalité d’une suite de quatrains à rimes croisées ABAB. Banville critique quelques autres exemples, mais il revient sur la question en dénonçant les tercets du poème Aux feuillantines des Contemplations de Victor Hugo (livre cinquième En marche, X). En effet, la dernière rime du premier tercet rime avec la dernière du second, et les tercets riment ainsi de suite deux par deux. Ce ne sont pas de vrais tercets et il s’agit simplement d’un poème en sizains de la forme AABCCB. Pourtant, le procédé n’est pas propre à Hugo et Verlaine l’a exploité dans le mince recueil des Fêtes galantes : Pantomime, Fantoches et Les Indolents se composent de sizains AABCCB, bien que la mise en page nous présente des tercets. Seul le poème hétérométrique Colombine est présenté sous forme de sizains AABCCB, le vers plus court de rime B permettant toutefois de distinguer les deux parties du sizain, les deux modules de la strophe pour reprendre la terminologie de B. de Cornulier. Or, Rimbaud s’est épris du recueil Fêtes galantes en août 1870 et il s’en est visiblement inspiré pour la mise en page des Effarés un mois plus tard. Steve Murphy a relevé que la présence du mot « tremblotte » à la rime rend discrètement hommage au recueil Fêtes galantes, puisque le verbe « tremblot(t)e » est à la rime du premier vers du poème En bateau aux provocants tercets monorimes (AAA BBB CCC…). Ainsi, en lisant la critique par Banville des faux tercets du poème Aux feuillantines, Rimbaud a-t-il pu se sentir à nouveau jugé.

Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond,

A genoux, cinq petits, – misère ! –
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…

Ce ne serait pas une mauvaise explication pour la présentation du poème Les Effarés dans Les Poètes maudits, où les vers sont ramassés sous la forme de sizains et non plus de tercets. Verlaine aurait récupéré une copie parisienne tardive du poème. Toutefois, la raillerie pour les strophes était elle aussi dans l’air du temps, comme l’illustre précisément le recueil Fêtes galantes en fait de tercets. Justement, les rimes d’une strophe répondent en principe à une certaine loi. C’est la dernière rime de la première partie qui doit rimer avec la dernière rime de l’autre partie de la strophe. A l’exemple de deux vers qui riment par la fin, deux parties d’une strophe doivent rimer par leurs fins communes. Depuis Sainte-Beuve et Musset, la loi n’est plus tant respectée. Dans le poème Cythère des Fêtes galantes, Verlaine présente deux sizains sous forme de tercets, mais il les oppose symétriquement, l’un est rimé en AAB CCB, l’autre en ABB ACC. Si nous n’étudions que la structure des rimes formant la strophe, nous avons donc le retournement du modèle **A **A en sa forme inversée A** A** (présentation abrégée efficace inventée par B. de Cornulier). Il est évidemment moins facile d’identifier spontanément une strophe sur ce mode inversé. On peut songer à un quatrain à rimes embrassées suivi d’un distique de rimes plates (ABBA puis CC). C’est ce que les analyses du XXe siècle ont souvent proposé sans autre forme de réflexion, et l’origine de ce sizain inversé chez Sainte-Beuve pourrait bien se ressentir de l’influence du sonnet anglais qui est formé de trois quatrains plus un distique. Banville admet la distribution à peu près libre des rimes dans les sizains des Stances à la Malibran de Musset, mais l’étude du sonnet dans son traité montre que la relation des tercets du sonnet à la forme sizain lui échappe, sans doute dans la mesure où le sonnet français classique décale la structure pure AAB CCB en structure pourtant peu dérangeante AAB CBC. Or, Banville ne peut ignorer les libertés dans la distribution des rimes des sonnets de Sainte-Beuve, du tout jeune Gautier, de Musset et de Baudelaire, ainsi que les audaces plus récentes de Mendès, Mérat, Valade, Verlaine et d’autres. La structure inversée du sizain ABB ACC apparaît ainsi dans de nombreux sonnets. C’est d’ailleurs le cas dans les sonnets suivants de Rimbaud : Le Mal, Rages de Césars, Paris et Les Douaniers. Le procédé était peut-être associé à une intention satirique, vu la teneur des quatre sonnets en question et étant donné le recours à un sizain de rimes plates dans Le Châtiment de Tartufe. Je ne me rappelle plus avoir vérifié pour les sonnets de Banville, mais j’ai passé en revue tous les sizains du maître parnassien et je n’ai pas trouvé de poème en sizains ABBACC. B. de Cornulier s’est étonné de la présence de cette forme dans Les Corbeaux et il considère que le débat est légitime : a-t-on affaire à un quatrain suivi d’un distique ou à un sizain retourné ? Précisons tout de même un fait étonnant. J’ai parlé plus haut de mon sentiment selon lequel le sizain inversé ABBACC dans les sonnets trahissait l’influence des traductions anglaises de Sainte-Beuve. Il devient intéressant de noter que c’est sous la forme d’un poème en sizains retournés ABBACC que Musset a osé sa célèbre réponse à Sainte-Beuve :

Ami, tu l’as bien dit : en nous, tant que nous sommes,
Il existe souvent une certaine fleur
Qui s’en va dans la vie et s’effeuille du cœur.
« Il existe, en un mot, chez les trois quarts des hommes,
Un poète mort jeune à qui l’homme survit. »
Tu l’as bien dit, ami, mais tu l’as trop bien dit.

Pour remercier Musset d’avoir cerné des vers dans son article en prose et d’avoir réveillé le poète endormi en lui, Sainte-Beuve a produit une réponse en quatrains. Les deux poèmes se retrouvent tant dans les œuvres complètes de Musset que dans les œuvres complètes de Sainte-Beuve. La formule du « poète mort jeune » a connu un large succès jusqu’aux compères du Chat noir, mais, entre-temps, elle a alimenté une rubrique particulière de la revue La Renaissance littéraire et artistique. Dans nombre de livraisons, Valade épluche les publications de vers de jeunesse de poètes ratés ou de notoriétés qui s’en sont détournés pour la politique, le roman, etc. C’est bien sûr à cette rubrique que songeait Verlaine quand il disait perfidement de Rimbaud qu’il fut un poète mort jeune. Il n’avait pas écrit de vers au-delà de 1872… et il n’était plus poète ! A l’évidence, les éléments historiques que nous venons de rappeler prêtent une profondeur insoupçonnée à la forme sizain du poème satirique Les Corbeaux. Mais, encore une fois, le poème semble bien dater de l’année 1872, puisque Rimbaud semble l’avoir composé après la lecture des derniers chapitres du Petit traité de poésie française de Banville dont Jacques Bienvenu a établi la parution à la fin de l’année 1871. Qui plus est, il est tentant de songer à des échanges entre Valade et Rimbaud au sujet du sizain de Musset. La convergence est réelle, puisque Les Corbeaux va être publié dans la revue même où paraît la rubrique sarcastique des Poètes morts jeunes.
Ecrit en 1872, le poème Les Corbeaux peut dès lors impliquer une allusion à la Commune, ce que nous étudierons prochainement. Ce qui nous intéresse ici, c’est la question de la datation. Ce que nous venons de montrer, c’est que la pièce Les Corbeaux donne tous les gages d’un texte en vers réguliers, mais plutôt de l’époque parisienne de Rimbaud. En bonne logique, on peut penser qu’il s’agit d’une de ses dernières compositions en vers première manière, contemporaine de Voyelles, des Mains de Jeanne-Marie ou des dix vers en supplément dans L’Homme juste. Dans un tel cas de figure, le célèbre rapprochement de la mention récurrente « chers corbeaux délicieux » entre Les Corbeaux et La Rivière de Cassis n’a plus rien d’étonnant. Le poème La Rivière de Cassis est daté du mois de mai 1872. Il peut très bien reprendre une formule d’un poème en vers première manière encore récent. Les Corbeaux peut dater de janvier, février ou mars, peu importe. Mais, ce n’est pas l’avis de Steve Murphy qui est décidé à croire que le poème a été composé après La Rivière de Cassis. Yves Reboul recense cette possibilité dans son ouvrage Rimbaud dans son temps, visiblement impressionné par l’hypothèse (p.86). La thèse de S. Murphy, c’est que des vers seconde manière n’auraient pas pu être publiés dans la revue d’Emile Blémont. Notre poète aurait donc dû réécrire La Rivière de Cassis sous une forme versifiée acceptable. Mais, est-ce soutenable ?
Passons sur le fait que les poèmes La Rivière de Cassis et Les Corbeaux sont suffisamment distincts que pour exclure l’idée que l’un soit une variante de l’autre. Admettons, à tout le moins, qu’une publication des vers seconde manière ne devait pas être possible sans longs débats avec la direction de la revue. Oublions que les participations de Verlaine et Rimbaud à la revue n’eurent justement aucune suite. Néanmoins, pour placer un poème en vers première manière dans une revue, il restait loisible de sortir de l’ombre un des nombreux poèmes que nous admirons tous aujourd’hui. Il est vrai que plusieurs sont obscènes, tendancieux, voire clairement communards. Même Voyelles ou Tête de faune auraient fortement déconcerté le lecteur. Prétextera-t-on aussi que Le Bateau ivre aurait été trop long dans une quelconque livraison ? Cela est fort douteux. Seule la jalousie aurait pu motiver le refus sérieux de publier des poèmes saisissants tels que Voyelles ou Le Bateau ivre dont les visées communardes étaient peu transparentes. L’histoire l’a montré : Les Effarés était publiable. Et d’ailleurs, à supposer que la revue ait boudé son plaisir pour des œuvres aussi splendides et rafraîchissantes que Larme, La Rivière de Cassis ou Bannières de mai, il est difficile de croire que, malgré quelques défauts à la rime, Chanson de la plus haute Tour et L’Eternité n’auraient pas pu être publiés. C’est une pétition de principe que de supposer qu’il fut nécessaire pour Rimbaud de composer un poème régulier afin d’être admis dans la presse.
Dans tous les cas, le contexte ne favorise pas une telle hypothèse et nous ne comprenons pas pourquoi Christophe Bataillé croit pouvoir étudier les titres des divers poèmes de la livraison du 14 septembre 1872, puisqu’ils furent réunis là, bien évidemment, sans aucune concertation avec les auteurs. Rimbaud ne pouvait pas savoir que son poème allait côtoyer tel autre, à moins d’être à Paris au moment de la préparation de la maquette de la revue. Rappelons les faits. Le 14 septembre 1872, il n’y a pas une semaine que Rimbaud est arrivé en Angleterre avec son compagnon Verlaine qui va se plaindre longtemps encore dans sa correspondance avec Blémont de ne justement plus recevoir ses exemplaires de la revue (sans jamais parler qui plus est de son désir de lire l’œuvre de son ami). Auparavant, Rimbaud et Verlaine ont passé deux mois en Belgique, ils ont quitté Paris sans crier gare le 7 juillet. Leur séjour en Belgique a consisté à fréquenter les milieux communards dans un premier temps (environ du 10 au 22 juillet). Par son titre vraisemblable Juillet, le poème dont l’incipit est « Plates-bandes d’amaranthes… » témoigne de l’esprit des deux poètes célébrant leur nouvelle vie. Cela s’est poursuivi par l’ultime rencontre mouvementée entre les époux Verlaine. Vingt jours durant, les deux poètes ont ensuite erré entre Charleroi et Bruxelles, en perpétuel état d’ébriété, ce qu’illustrent les poèmes Walcourt et Charleroi dans les Romances sans paroles. De retour à Bruxelles pour un mois, ils ont encore visité Liège et Malines. Comment en ce cas prendre au sérieux l’hypothèse d’une composition exprès pour la revue de Blémont ? Nous savons qu’au mois de juin Rimbaud éprouve de la rancœur et demande à Delahaye de « chier » sur La Renaissance littéraire et artistique. Il est clair qu’il est vexé de ne pas être publié et, si tel est le cas, c’est qu’il a déjà proposé quelque chose, donc que la direction de la revue a sans doute un ou quelques manuscrits en sa possession : Les Corbeaux et Voyelles apparemment.
Il est plus vraisemblable que Rimbaud ait communiqué des manuscrits du temps qu’il était à Paris. Pourquoi le ferait-il après s’être enfui (véritablement enfui) en Belgique avec Verlaine ? Quel intérêt ? Quelle logique dès lors à sa fuite qu’il envisage bien différemment de Verlaine ? Pourquoi un projet polémique de vers seconde manière, s’il cède à la nécessité de composer en vers réguliers à des fins de publication ? La thèse de Murphy ne résiste pas aux problèmes de contexte. Elle relativise sans convaincre la portée provocatrice de la nouvelle expérience en vers d’Arthur. Pour quel gain ? Serait-ce pour seulement montrer que Les Corbeaux peut être postérieur à La Rivière de Cassis ? Voilà qui est incompréhensible, à moins qu’il ne s’agisse d’une obsession éditoriale : la publication en revue impose une date dans la distribution des œuvres de Rimbaud et il serait bon que le poème ait été composé au plus près de sa parution pour ne pas rendre compliquée toute édition chronologique des Poésies. Néanmoins, même si dans l’absolu un retour à la première manière n’est pas impossible, l’hypothèse se heurte ici à un problème de contexte que seule l’imagination surmonte. Vu le nombre de poèmes seconde manière datés du mois de mai, il faudrait croire que Rimbaud a composé ce poème en juin, au moment même où il critique la revue auprès de Delahaye, au moment où il envisage de s’exiler. L’hypothèse est peu sérieuse et n’est appelée par aucune nécessité. En outre, ce que nous savons du caractère entier de Rimbaud ne permet guère de songer à une concession. La vraisemblance impose l’idée d’une composition des premiers moments hivernaux de l’année 1872, saison d’hiver qui ne saurait avoir été innocemment actualisée par le poème et qui jure dans une publication de fin d’été, un 14 septembre 1872 ! La rencontre dans le poème entre « l’hiver » et les « fauvettes de mai » coïncident avec une très plausible datation en mars ou avril : transition entre l’hiver et le printemps, imminence des débuts de la revue. Rimbaud a posé pour le Coin de table de Fantin-Latour avec tous les futurs dirigeants de La Renaissance littéraire et artistique en janvier 1872. Il les fréquentait et était leur ami du temps qu’ils préparaient leur projet de revue, et cela avant que l’incident Carjat ne nuise à la réputation du carolopolitain, avant même que celui-ci n’accepte d’être éloigné un temps de Paris pour laisser une chance à Verlaine de sauver son ménage. Pourquoi dès lors s’obséder à croire Les Corbeaux du mois d’août à Bruxelles, plutôt que des mois de janvier, février ou mars à Paris ? C’est ce qu’il nous est impossible de comprendre. Nous ne sacrifierons pas ici le sentiment naturel à une théorie alambiquée et artificielle qui ne s’appuie sur rien de tangible.
Un dernier argument de Murphy est censé toutefois donner l’illusion que le poème Les Corbeaux est postérieur à La Rivière de Cassis : ce serait une réponse parodique au recueil L’Année terrible de Victor Hugo, paru en avril 1872 (Valade en fera la recension dans une des premières livraisons de La Renaissance). Mais le recueil de Victor Hugo est cette fois-ci entièrement composé d’alexandrins, aucune allusion au recueil L’Année terrible ne s’impose et nous donnerons dans une prochaine étude sur Les Corbeaux un intertexte essentiel qui révèle que la cible est un tout autre poète d’actualité qui ne devrait pas surprendre : François Coppée.

Bibliographie :

Christophe Bataillé, « Rimbaud et La Renaissance : quelques hypothèses linguistiques et biographiques », Parade sauvage, N° 20, 2004, p.83-92 ; « Les Corbeaux, chef-d’œuvre anticlérical », Parade sauvage, colloque N°5, p.170-182.
Jacques Bienvenu, « Ce qu’on dit aux poètes à propos de rimes », Parade sauvage, colloque N°5, p.247-272.
David Ducoffre, « L’énigme des ‘corbeaux délicieux’ », Rimbaud vivant n°46, 2007, p.109-128.
Steve Murphy, Rimbaud et la Commune, « Le goût de la charogne : Les Corbeaux », classiques Garnier, 2010, p.771-841.

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