samedi 28 juillet 2012

Gide et Gid, suivez le guide, par Alain Tourneux


            En consultant le blog de Jacques Bienvenu il y a de cela un mois, j'ai pris connaissance de l'article consacré aux photographies d'Arthur Rimbaud, j'ai alors beaucoup mieux compris que ce dont nous parlions depuis plusieurs mois pouvait enfin trouver une meilleure explication. Certes, Jacques Bienvenu avait établi le contact avec la Fondation Catherine Gide et nous ne pouvions que lui en  être reconnaissant, en effet deux photographies attestées par Isabelle venaient enrichir le musée Rimbaud grâce à lui et à la générosité de Madame Catherine Gide et de la fondation qui porte son nom. Toutefois, pour ma part, je n'oubliais pas pour autant la très belle photographie qui figure dans nos collections depuis 1995, en effet cette photographie de couleur sépia, présentée dans de nombreuses expositions apparaît toujours  pour nous comme d'une qualité remarquable, il s'agit d'un contretype de la photographie de Carjat, épreuve qui jusqu'à présent a toujours été citée comme ayant été réalisée dans les années vingt; cette formulation, nous allons le voir nous autorisant  peut-être à lui donner quelques années de plus.
        
    Notons que cette photographie a été très bien reproduite dans l'ouvrage consacré aux manuscrits autographes des Illuminations édité chez Ramsay en 1984, ouvrage publié sous la direction de Roger Pierrot et préfacé par Alain Gourdon, Administrateur général de la Bibliothèque Nationale (voir notre photographie ci-dessous) ; plus récemment Jean-Jacques Lefrère l'a également montrée à la page 37 de son ouvrage "Face à Rimbaud" (Editions Phébus, 2006).




            Lorsque l'on se reporte à ce que Jacques Bienvenu écrit l'on se rend alors compte que les informations qu'il donne et tout particulièrement le texte de Julien Green apporte un éclairage déterminant, en effet lorsque l'on s'attache à lire ces lignes l'on comprend certes que la photographie qui figure alors sur la cheminée chez André Gide est bien celle qui est désormais à Charleville et qui nous a été très généreusement offerte par la Fondation Catherine Gide, mais en poursuivant la lecture l'on relève qu'André Gide précise alors à Julien Green que "le cliché en appartient à Mme Van Rysselberghe", ce qui peut laisser supposer que l'un des clichés originaux a été utilisé pour tirer cette épreuve noir et blanc ensuite attestée par quelques lignes de la main d'Isabelle décédée en 1917.

            A noter également qu'André Gide évoque l'existence d'une excellente reproduction de ce cliché dans les locaux de la N.R.F. , André Gide précise  d'ailleurs que Jean Cocteau de passage à la N.R.F. s'est approprié cette même photographie …
       
        Mais reprenons le fil de l'histoire et intéressons-nous à la photographie qui est entrée au musée en 1995, cette photographie nous a été vendue par M. Raymond Gid, grand affichiste de cinéma, qui est selon l'expression figurant au colophon de l'ouvrage publié chez Ramsay le "maître d'œuvre" de cette édition. Notons qu'à la page des remerciements l'éditeur précise que la seule photographie reproduite, celle montrant le portrait réalisé par Carjat a appartenu à Jean Cocteau et qu'elle a été confiée par Raymond Gid pour la présente édition (1984).

            Cette même photographie a ensuite été présentée en 1991 au musée d'Orsay et au musée Rimbaud à l'occasion de l'exposition "Arthur Rimbaud, portraits dessins et manuscrits", les recherches préliminaires  ayant alors  été effectuées par Hélène Dufour et André Guyaux, à noter que cette même photographie avait déjà été présentée au sein de l'exposition Carjat organisée au musée Carnavalet en 1982.

           Il est toutefois  intéressant de préciser comment cette photographie est entrée par la suite dans les collections de Charleville, c'est en effet en 1993 qu'un appel téléphonique de M. Raymond Gid nous a permis de prendre réellement contact ; M. Gid, qui avait alors presque  90 ans,  me demandait si nous pouvions agir au plus vite, en effet l'ouvrage auquel il tenait tant, celui pour lequel il avait mis tout son savoir-faire était menacé du pilon ! en effet il n'en restait qu'une cinquantaine d'exemplaires et M. Gid nous demandait si nous pouvions l'aider à sauver ces ouvrages qui n'intéressaient plus les diffuseurs… dès le lendemain nous étions à Paris pour prendre ce stock en charge et M. Gid nous en a été très reconnaissant, cela au point d'aborder le sujet de la photographie de Carjat  et de bien vouloir proposer qu'elle rejoigne nos collections, ce qui s'est fait dans de très bonnes conditions pour Charleville et son musée Rimbaud ; M. Gid précisait alors que cette photographie avait miraculeusement échappé à l'incendie de son appartement et qu'il était vraiment temps de régler tout cela, parallèlement lors de nos conversations il m'a alors confirmé que cette photographie avait bien appartenu à Jean Cocteau, mais il n'a pas souhaité m'en dire plus.

        Toutefois ces échanges amicaux nous avaient amenés à envisager l'organisation d'une exposition des affiches de Raymond Gid, et c'est ainsi qu'avec de nombreux prêts émanant de grandes institutions, en particulier de  la bibliothèque Forney, nous avons alors pu présenter une importante rétrospective du travail de Raymond Gid dans le tout nouveau musée de l'Ardenne, sur la place Ducale, cela en décembre 1995. M. Raymond Gid venait alors de fêter ses 90 ans, il était très fatigué et n'a pu alors faire le déplacement depuis Paris, mais pour lui cette exposition était très importante qu' elle "scellait" à ses yeux le retour de la photographie de Rimbaud par Carjat  à Charleville, sachant que  les Ardennes lui étaient d'autant plus chères que son père avait dirigé une fonderie aux portes de la ville au début du siècle.

         Ainsi la photographie qui a tout d'abord figuré à la NRF avant d'être conservée chez Jean Cocteau a désormais pris place au musée Rimbaud, à ses côtés se trouve une autre épreuve à peine plus récente authentifiée par la  main d'Isabelle et  récemment offerte au musée par la Fondation Catherine Gide ; voici ces deux photographies à nouveau réunies grâce à toutes les personnes évoquées dans le présent article, à n'en pas douter la photographie de couleur sépia est antérieure au tirage attesté par Isabelle, cela n'avait certes pas échappé à Jean Cocteau.






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