Mathilde, quarante ans après. Ancienne collection Matarasso |
François Porché dans sa biographie « Verlaine
tel qu’il fut » publiée en 1933,
expliquait dans son avant-propos qu’il avait eu le privilège de
découvrir un document inédit d’un exceptionnel intérêt : les Mémoires de Mme Delporte, ex-Mme
Verlaine. Il avait appris l’existence de ces mémoires dans un article de
Fernand Vandérem intitulé Quarante ans
après, paru au Figaro, le 31 mai
1912. Il précisait que Vandérem avait été le premier à révéler l’existence de ce document. Celui-ci
avait eu l’occasion de rencontrer à un déjeuner chez le poète Franc-Nohain l’ex-épouse
de Verlaine. François Porché, au moment où il travaillait à sa biographie, demanda
à Fernand Vandérem s’il savait où se
trouvait le précieux manuscrit. Celui-ci lui conseilla de s’adresser à Franc-Nohain
qui permit à Porché de consulter les feuillets dactylographiés de Mathilde
qu’il possédait. Voilà donc le lien qui existait entre Fernand Vandérem et
l’histoire verlainienne et rimbaldienne. (Fernand Vandérem, né à Paris le 24 juin 1864, mort en 1939, s'appelait en réalité
Fernand-Henri Vanderheym et avait une ascendance belge.)
L’article de F. Vandérem est très
intéressant car il nous met en présence de l’ex-femme de Verlaine. Il
l’interroge sur ses souvenirs et il apprend au lecteur du Figaro l’existence d’un manuscrit de ses Mémoires qu’elle a bien l’intention de publier. C’était la première
fois que l’on donnait publiquement cette nouvelle sensationnelle pour ceux qui
s’intéressaient à Verlaine, notamment lorsqu’il était en présence de Rimbaud.
Vandérem révélait d’ailleurs dans son récit des anecdotes inconnues à l’époque.
On peut lire son article en ligne sur Gallica.
. On trouve dans « Sur Rimbaud, correspondance posthume » de M. Lefrère une lettre de Mathilde Delporte adressée le 12 octobre 1910 à Fernand Vandérem. La date est un peu surprenante puisque les relations entre Mathilde Delporte et Vandérem ne sont formellement attestées qu’en 1912. M. Pakenham est le premier à l’avoir transcrite dans son édition commentée des Mémoires de Mathilde publiée en 1992. Elle était alors inédite et fut transmise au chercheur britannique par le conservateur honoraire de la bibliothèque de Charleville, Gérard Martin, car cette lettre - qui est en fait une carte postale - se trouvait à la bibliothèque de Charleville. Je choisis la transcription de M. Pakenham, celle de M. Lefrère étant légèrement différente [1].
Monte-Carlo 12 octobre.
Cher monsieur,
Je
suis très heureuse que mon livre vous ai plu.
J’accepte
votre proposition que je trouve juste et loyale nous sommes d’accord.
En
ce qui concerne les retouches je me fie entièrement à vous et à celui qui veut
bien les faire, je suis à sa disposition s’il a besoin de détails ou
explications.
J’ai appris avec plaisir que vous aviez pris
de bonnes vacances
et j’espère que votre santé est tout à fait
bonne maintenant.
Quand le livre sera paru je désirerai avoir
une 30e d’exemplaires pour mes parents et amis.Je
quitte le délicieux Monte-Carlo et vous envoie la vue qu’on
a de mon balcon je pars contente car Nice me
plaît beaucoup
je vais habiter 1 Place Massena Nice. Je vous
demande
d’avoir bien soin de mes photos.
Croyez
cher monsieur à mes meilleurs sentiments
Mathilde
Delporte
Comme on ne possède pas l’enveloppe,
le destinataire n’est pas identifié. C’est ce que précise prudemment M.
Pakenham en se contentant de dire qu’elle est adressée à un homme de lettres. En
fait, la seule chose dont on soit sûr est que le destinataire n’est pas F.
Vanderem. L’article qu’il écrit dans le Figaro
montre qu’il a fait la connaissance de
Mathilde Delporte à un déjeuner chez Franc-Nohain et on lit que cette rencontre vient d’avoir lieu, donc en
1912. Néanmoins, c’est la preuve que Mathilde envisageait déjà de publier ses
Mémoires en 1910. Il est avéré que c’est la parution de la biographie d’Edmond
Lepelletier en 1907, très critique concernant l’ex-épouse de Verlaine, qui a
déclenché la volonté chez cette dernière de rétablir une vérité. La publication
de 1910 n’ayant pu être réalisée, j’observe que c’est un autre évènement qui va
relancer pour Mathilde l’idée de publier son livre. En avril 1912 Berrichon venait
de publier sa biographie de Rimbaud dans laquelle il critiquait aussi Mathilde.
C’est bien dans ce sens qu’il faut comprendre la visite de Fernand Vandérem en
mai 1912, après la publication du livre de Berrichon. Nous avons vu que la lettre de Vandérem du 8 février 1914 au journaliste du Figaro,
concerne précisément le beau-frère posthume de Rimbaud. Le problème des Mémoires
de Mathilde est-il lié au « gros
incident Rimbaud » ?
Nous
le verrons dans une deuxième partie.
[1 ] Par exemple, M. Lefrère écrit
« bateau » et M. Pakenham « balcon » ; à la fin de la
carte M. Lefrère écrit « ma photo » et M. Pakenham « mes photos ». Le fonds
Rimbaud étant inaccessible en ce moment je n’ai pu lire l’original. La
référence que donne M. Lefrère doit être rectifiée en « AR 282/63 ».
Communication de Madame Catherine Borot Alcantara, Conservatrice de la
Médiathèque Voyelles, que je remercie.
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