Le poème latin Tempus
erat…, composé par Rimbaud en classe de rhétorique, a paru deux fois en 1870.
Publié, sans titre, dans le Moniteur de l’enseignement secondaire. Bulletin de
l’académie de Douai, 2e année, n° 8, 15 avril 1870, p. 62-63, avec trois autres
compositions du même élève (Invocation à Venus, Olim inflatus… et Verba
Apollonii de Marco Cicerone), on le retrouve, pourvu d’un titre : « Le jeune
charpentier de Nazareth », dans un périodique de Montpellier, Le Cahier
d’honneur. Revue de l’enseignement secondaire, 3e année, n° 56, du 15 juin
1870, p. 47. Les vers sont signés « A. Rimbaud, élève de M. G. Izambard, au
Collège de Charleville (Ardennes) ».
Le Cahier d’honneur a paru entre 1868 et juillet 1870 et de 1872 à 1874, sous la direction de Jean-Alexis Marion dit Marion-Werner, professeur à Montpellier puis inspecteur d’académie. À la différence d’autres périodiques pédagogiques, la revue ne contient pas de partie officielle et ne publie pas de circulaires ou de textes de lois. Elle s’adresse en priorité aux élèves, en publiant des leçons ou des sujets à traiter, classés par niveau. Les vers latins y occupent une place centrale. Les bonnes copies tenaient lieu de corrigés. « Les manuscrits destinés à l’insertion », lit-on dans un cadre placé près du titre, devaient être « signés et garantis par le visa d’un professeur ». Ce visa, qui s’accompagnait à l’occasion de commentaires imprimés en notes, est la manifestation d’un contrôle autant que d’un lien privilégié entre un professeur et un élève.
La présence des vers d’un collégien de l’académie de Douai dans une revue du midi de la France s’explique par la diffusion nationale de ce Cahier d’honneur, qui publiait ou, en l’occurrence, republiait des compositions d’élèves de la France entière. À cet égard, il convient d’interpréter la présence du collégien de Charleville comme une forme de consécration.
Le texte du poème, dans la version du Cahier d’honneur, comporte des variantes de ponctuation qui clarifient certaines articulations narratives : aux vers 1 et 3, des alinéas isolent un segment introductif ; au vers 15, un point-virgule placé en fin d’hexamètre, à la place d’un point dans le Moniteur, rétablit une structure énumérative. D’autres corrections, dont la signification syntaxique n’est pas claire, traduisent vraisemblablement un usage souple des signes : aux vers 15 et 25, les deux points remplacent respectivement un point-virgule et une structure plus complexe, composée de points de suspension et d’un point-virgule. Cette dernière correction procède sans doute également d’une volonté de clarification.
Le poème de Rimbaud est surtout privé des seize derniers vers, c’est-à-dire de la dernière partie de la fable, où le Christ se blesse avec une scie. La coupe coïncide avec la matière de l’exercice, en vers français, qui avait paru dans le Cahier d’honneur, 2e année, n° 43, 1869, p. 4. Les treize numéros et les quelque six mois qui séparent la publication du sujet et du poème laissent penser que les vers ont été insérés pour leur qualité et parce qu’ils servaient, quoique tardivement, la cohérence éditoriale. Il n’est donc pas certain que Rimbaud ou Izambard soient intervenus dans cette publication : la note accrochée au titre du poème permet de faire l’hypothèse d’une reprise sans intermédiaires ; par ailleurs, la revue montpelliéraine n’adressait pas d’exemplaires aux élèves dont la copie était publiée.
La matière du Jeune
Charpentier de Nazareth avait été proposée par un enseignant du lycée
Napoléon-Vendée (à la Roche-sur-Yon), Eugène Louis, à la mémoire d’un collègue
du même établissement, Eugène Mordret (1830-1856), professeur de philosophie et
neveu d’une figure de la cause républicaine, le député Jacques Dupont, dit
Dupont de l’Eure (1767-1855). Son poème « Le Christ à la scie, légende » avait
paru l’année de son décès, dans un recueil intitulé Récits poétiques (Paris,
Ledoyen, 1856, p. 217-219).
Le texte de Mordret
reproduit dans Le Cahier d'honneur est conforme à l’original, ce qui n’est pas
le cas dans le Moniteur de Douai, où la
ponctuation tend à souligner les pauses, à la rime : au vers 1, un
point-virgule remplace une virgule ; aux vers 6, 13 et 20, un point remplace un
point-virgule ou les deux-points. Elle donne, ailleurs, une plus grande
fluidité à certains vers : aux vers 6, 15 et 19, les virgules d’encadrement
disparaissent autour du complément circonstanciel ou derrière la conjonction ;
au vers 14, un point-virgule remplace les deux points. Le texte du Moniteur
comporte trois autres variantes : « Il croissait en douceur » au lieu de « Et
croissait en douceur » (vers 2) ; « un beau rayon d’argent » pour « un doux
rayon d’argent » (vers 10) ; « un regard attendri » au lieu de « ses yeux
attendris » (vers 23).
* Romain Jalabert est doctorant de l'Université Paris-Sorbonne. Il rédige actuellement une thèse intitulée "La poésie néo-latine au XIXe siècle : pédagogie, publication, poétique". Il enseigne actuellement à l'Université de Bologne, en qualité de lecteur d'échanges.
© Rimbaud ivre
* Romain Jalabert est doctorant de l'Université Paris-Sorbonne. Il rédige actuellement une thèse intitulée "La poésie néo-latine au XIXe siècle : pédagogie, publication, poétique". Il enseigne actuellement à l'Université de Bologne, en qualité de lecteur d'échanges.
© Rimbaud ivre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire