Début mai 1868 : Épître en vers
latins félicitant le jeune Prince Impérial de sa première communion. Texte perdu.
(Rimbaud est
alors en classe de troisième. Les 60 hexamètres n’ont jamais refait surface, mais
cet envoi audacieux qui fit scandale peut éclairer certains aspects de
créations ultérieures : la nouvelle Un
cœur sous une soutane, Les Premières
communions ou L’Eclatante victoire de
Sarrebrück. Il est impossible de déterminer en quoi cette épître a pu
déplaire : insolence de la démarche, propos peu ou prou déplacés, ou
critiques. Nous ne savons pas.)
6 novembre 1868 : « Ver erat… »
(Parution le 15
janvier 1869 dans Le Moniteur de l’Enseignement secondaire,
spécial et classique : Bulletin officiel de l’Académie de Douai.
« Imitation libre » en temps limité (trois heures et demie) en classe
de seconde sur quelques vers d’Horace (Ode IV, livre III)[1]. Symbolique
essentielle de l’élection du poète qui va marquer l’écriture de Rimbaud. Les 59
hexamètres de la composition et leur publication sont très en avance sur la
production rimbaldienne en vers français qui nous est connue.)
Janvier-mai 1869 : « Jamque novus… »
(Parution le 1er
juin 1869 dans Le Moniteur…
Composition en classe de seconde, développement à partir du poème en
octosyllabes L’Ange et l’enfant de
1828 du nîmois Jean Reboul, boulanger qui s’adonnant à la poésie fut encensé
par les poètes romantiques : Lamartine, etc. Le poème latin de Jean Reboul
et cette composition latine même, 55 hexamètres, sont des sources du poème Les Etrennes des orphelins, mais en
avance de plusieurs mois, d’un an peut-être.)
Vers le milieu de l’année 1869 : « Olim inflatus… »
(Parution le 15
avril 1870 dans Le Moniteur… 46
hexamètres, traduction libre en classe de seconde d’un extrait de 41
alexandrins du poète Jacques Delille (L’Homme
des champs, chant II) : récit du combat d’Hercule et du fleuve
Acheloüs d’après Les Métamorphoses
d’Ovide.)
2 juillet 1869 : Jugurtha
(Parution le 15
novembre 1869 dans Le Moniteur… 83
hexamètres sur le sujet « Jugurtha », composition en temps limité, de
six heures du matin à midi, dans le cadre d’un Concours de Vers latins de l’Académie
de Douai. L’idée d’une charge ou non contre l’Empire dans ce poème est débattue
parmi les critiques rimbaldiens. Le barrage de la langue et la difficulté qu’il
y a à mettre à jour des intentions ironiques rendent les conclusions délicates,
d’autant que le poème a reçu le premier prix et que le sujet était imposé. Il
faudrait encore songer à distinguer l’ironie et les signes d’insincérité de la
part de Rimbaud, ce qui n’est pas la même chose. Un lycéen peut vouloir se
démarquer politiquement, à ses risques et périls, dans un écrit scolaire, mais,
malgré les traductions des partisans d’une lecture polémique de la composition
latine, il reste qu’il n’est pas possible d’en affirmer le caractère subversif.
Les conditions ne sont donc pas réunies pour clore le débat.)
(juin-juillet ou) Octobre-décembre 1869 : Invocation à Vénus
(Parution le 15
avril 1870 dans Le Moniteur…
Traduction des 25 premiers vers du De
rerum natura de Lucrèce. Seule l’année 1869 est précisée. Rimbaud est alors
soit en classe de seconde, hypothèse d’une composition en juin-juillet, soit en
classe de première, hypothèse d’un exercice d’octobre-décembre 1869. Ce sont
les premiers vers français connus de Rimbaud, mais ils ont la double
particularité de relever de l’exercice scolaire et du plagiat. Rimbaud a
démarqué la traduction en alexandrins du premier livre du De rerum natura de Sully Prudhomme, éditée par Alphone Lemerre à la
date du 22 mai 1869 (ce qui invite à considérer la seconde hypothèse de
datation comme plus plausible). La supercherie est passée inaperçue. Ce poème a
joué un rôle déclencheur pour certaines images des Etrennes des orphelins et pour la composition de Credo in unam. Mais il faut rappeler que
seul le début de l’œuvre de Lucrèce est d’une telle poésie. L’auteur latin
témoigne ensuite d’une philosophie matérialiste incompatible avec l’idéalisme
romantique, le dualisme même, de Credo in
unam. Le plagiat d’hémistiches et de vers de Coppée des Etrennes des orphelins pourrait être de
très peu postérieur au plagiat de Prudhomme.)
Septembre-décembre 1869 : Les Etrennes des orphelins
(Parution le 2
janvier 1870 dans La Revue pour tous.
Bien qu’il soit difficile d’imaginer que Rimbaud ait anticipé de quatre mois le
nouvel An, il s’inspire du poème de Victor Hugo Les Pauvres gens dont certains vers sont réécrits. Paru
initialement dans la première série de La
Légende des siècles en 1859 (soit dix ans auparavant), le poème Les Pauvres gens figure dans la
livraison du 5 septembre 1869 de La Revue
pour tous. Les réécritures et plagiats du poème Les Etrennes des orphelins invitent à penser que Rimbaud possède
alors personnellement tous les recueils de François Coppée parus jusque-là,
mais aussi sa pièce Le Passant, et la
traduction de Lucrèce par Sully Prudhomme. Un entrefilet de La Revue pour tous adressé à « M.
Rim…, à Charleville » demande une réduction d’un tiers du poème adressé
avant publication, ainsi que la correction d’un vers faux. Le très court espace
de temps entre le 26 décembre et le 2 janvier pose une énigme : la version
que nous connaissons a-t-elle été remaniée par Rimbaud lui-même ? L’idée
d’un courrier personnel adressé à Rimbaud avant le 26 décembre n’est pas à
exclure, mais nous ne saurions trancher.)
Janvier-mars 1870 : « Tempus erat… »
(Parution le 15
avril 1870 dans Le Moniteur…, puis
réédition le 15 juin 1870 dans un périodique de Montpellier Le Cahier d’honneur, Revue de l’enseignement
secondaire. 43 hexamètres, traduction de 40 vers du poème Le Christ à la scie, légende d’Eugène
Mordret (Récits poétiques, Ledoyen,
1856). L’emploi, au demeurant anachronique, par George Hugo Tucker de l’ouvrage
de J.-N. Adams The Latin Sexual
Vocabulary (Duckworth, Londres, 1982) pour déterminer une lecture obscène
des vers latins de Rimbaud ne nous paraît ni raisonnable, ni probant. Il
faudrait présupposer une connaissance du latin argotique par Rimbaud, ce qui
relève de l’enchantement. Comme dans le cas du Dictionnaire érotique moderne de Delvau, beaucoup de mots d’usage
courant peuvent, selon le contexte, être employés avec une connotation
sexuelle, par jeu. Il ne suffit pas de brandir des manières de définitions
érotiques de mots courants pour parler d’obscénités cachées dans un poème.
C’est le poème qui doit amener à l’interprétation sexuelle, pas les mots d’un
dictionnaire. En revanche, l’idée de comparer les expressions latines de
Rimbaud et celles érotiques d’auteurs tels que Catulle, Horace, pourrait
apporter des résultats ponctuels, sous réserve d’investigations plus
approfondies. Quant à la relation entre la mère et son enfant, elle est commune
à « Tempus erat » et aux Poètes de sept ans, ce qui peut servir à
opposer la figure de Jésus à celle du poète
de sept ans.)
Voir aussi l’article de Romain Jalabert sur le blog Rimbaud ivre à propos d’une réédition
de ce poème latin.
Janvier-mars 1870 : Verba Apollonii de Marco Cicerone
(Parution le 15
avril 1870 dans Le Moniteur… Discours
en prose latine.)
[Nota Bene : 15 avril 1870, parution
dans la même livraison du Moniteur…
de quatre textes de Rimbaud : Invocation à Vénus, « Olim inflatus… »,
« Tempus erat… », Verba
Apollonii de Marco Cicerone.]
(février ou) Avril 1870 : Charles d’Orléans à Louis XI. Datation resserrée en fonction d’un
argument d’autorité.
(Il s’agit d’un
devoir scolaire conservé par Izambard, professeur de Rimbaud de janvier à
juillet 1870 seulement, mais celui-ci considère que cet exercice n’a pu être
soumis à l’élève qu’en février ou en avril 1870, le mois de mars étant
peut-être exclu du fait de l’investissement dans les productions latines,
plutôt qu’en fonction d’une période de vacances… d’un mois ! Il s’agit
d’une épître teintée de rhétorique judiciaire, ce qui la rapproche du déploiement
rhétorique de Verba Apollonii de Marco
Cicerone. Le texte est un pastiche relatif des écrits de langue française
des XVe et XVIe siècles. Quelques pièces sont à ajouter
au dossier. Izambard a conservé également la fin d’un travail de recherche sur
Léopold Robert, avec la fin d’un texte de Musset et une note de Jules Claretie,
mais aussi un mot écrit adressé au professeur afin de solliciter le prêt de
divers ouvrages probablement liés à la confection d’un devoir autour du XVe
siècle, il est notamment question de « Roi des Ribauds », de
« Francs-Taupins » et des « fous des rois de France ». Ces
documents ne sont pas datés malheureusement. Néanmoins, une lettre de la mère
de Rimbaud du 4 mai 1870 au professeur Izambard nous apprend que celui-ci a
prêté quelques jours auparavant un exemplaire des Misérables de Victor Hugo à son fils et qu’il est question de
contrôler désormais les ouvrages qui lui seront communiqués. Le mois d’avril
semble bel et bien avoir été déterminant dans l’évolution poétique de Rimbaud.)
Mars-20 avril 1870 : « Par les
beaux soirs d’été… » (Sensation)
(Envoi d’une
version sans titre de ce poème dans une lettre à Banville datée du 24 mai. Mais
la transcription est accompagnée d’une date de composition « 20 avril 1870 ».
La version de septembre transmise à Demeny porte un titre (Sensation), mais la date de composition alléguée est contradictoire :
« Mars 1870 ». La lettre envoyée à Banville a le mérite d’être plus
proche des faits et la datation fournie s’inscrit à cinq jours de distance de
la consécration pour Rimbaud que fut la publication de quatre de ses textes
primés dans Le Moniteur…, le 15
avril. Mais Rimbaud a pu vouloir resserrer les dates de composition des trois
poèmes envoyés à Banville, autrement dit alléguer un rythme de production plus
soutenu. Rimbaud n’avait-il pas conservé la mention du « 20 avril »
sur sa copie personnelle du poème, avant de le remanier en septembre ?
Plusieurs versions de ce court poème se seraient-elles succédé de mars à avril
1870 ? Cela semble de peu d’importance. Le fait de ne pas trancher entre
ces deux dates ne devrait pas gêner la réflexion critique rimbaldienne. Sensation développe le motif de la
Nature possédée comme une Femme, lequel ne pouvait s’appliquer à la figure
maternelle de Vénus dans Credo in unam,
le poème dont ces deux quatrains sont idéologiquement solidaires.)
29 avril 1870 (mai 1870) : Credo in unam (Soleil et Chair)
(Envoi du poème
dans la lettre à Banville datée du 24 mai 1870. La date précise du « 29 Avril »
ne précède que de deux jours le début du mois de mai, ce qui nous amène à la
considérer comme fiable. La version qui nous est parvenue, comme pour Ophélie ou « Par les beaux soirs
d’été… », date objectivement de sa transcription autour du 24 mai, mais
Rimbaud a pu remanier au cours du mois de mai un poème qui connut une première
forme aboutie le 29 avril. Les datations « 20 » (« Par les beaux
soirs d’été… ») et « 29 Avril » ont un caractère scrupuleux, et
suggèrent une composition rapide du poème Credo
in unam. Le plagiat de Prudhomme a été publié le 15 avril avec trois
compositions latines, ce qui a dû précipiter la composition de Credo in unam qui porte significativement
un titre latin, comme s’il s’inscrivait dans le prolongement des pratiques
scolaires. L’approche d’Izambard quant à ce poème qu’il confond avec une œuvre
non terminée en juillet (Le Forgeron,
voir plus bas) tend à exclure l’idée que Credo
in unam soit lié à une préparation plus poussée en classe, latine ou non.
Précisons par ailleurs que la traduction du début du De rerum natura de Lucrèce est une source problématique au poème Credo in unam, puisque ce dernier poème exprime
une pensée incompatible avec la philosophie matérialiste de Lucrèce. Credo in unam est par ailleurs un texte
essentiel pour comprendre toute la symbolique poétique ultérieure de Rimbaud.
Les nombreuses réécritures qu’il comporte ne permettent pas de le mésestimer et
de le réduire à un centon parnassien.)
15 mai 1870 : Ophélie
(Trois versions
nous sont parvenues du poème. Celle, peut-être antérieure, remise à Izambard et
celle de septembre 1870 remise à Demeny ne sont pas accompagnées d’une mention de
date. En revanche, le poème est daté du « 15 mai 1870 » dans la
lettre du 24 mai adressée à Banville, ce qui nous fait considérer cette date
comme fiable.)
[Nota Bene : envoi d’une lettre à
Banville le 24 mai 1870 avec trois poèmes, et ces trois poèmes seulement :
« Par les beaux soirs d’été… », Credo
in unam et Ophélie. Il convient
d’insister sur la visée, pleine de culot, du poète débutant. Rimbaud espère que
ces trois poèmes en vers français seront publiés dans une prochaine livraison
du second Parnasse contemporain, dans
la livraison ultime de préférence. Credo
in unam est une réponse positive au poème L’Exil des Dieux de Banville qui se situait à peu près au début du
premier Parnasse contemporain de
1866, mais aussi au poème Les Cariatides
du premier recueil homonyme de Banville, dont il reprend le symbole de paix des
oiseaux sur les colonnes ou cariatides d’un temple. Mais cet ensemble de trois
poèmes est tout autant symétrique de la consécration des quatre devoirs parus
ensemble dans Le Moniteur du 15
avril.]
Avril-Juin 1870 : Bal des pendus. Datation resserrée hypothétique, mais fort plausible.
(Il est
impossible de dater avec précision le poème Bal
des pendus dont la seule version connue, remise à Demeny, est de septembre
1870. En écartant le bouclage par un quatrain d’octosyllabes répété au début et
à la fin du poème, celui-ci se compose toutefois de neuf quatrains
d’alexandrins à rimes croisées ABAB, tout comme Ophélie et A la Musique,
tandis que le sujet quelque peu médiéval nous rapproche du devoir scolaire Charles d’Orléans à Louis XI qui a été remis
à Izambard, en février ou avril selon le témoignage de ce dernier. Le poème
pourrait dater de cette période février-avril, sinon dater de juillet-août, à
moins qu’il ne date de septembre même. L’énigme est posée. Notre datation
hypothétique présente la fenêtre la plus plausible, étant donné la forme du
poème, son substrat médiéval et un pic probable des prêts de livres par
Izambard en avril 1870. Izambard ne semble pas avoir possédé de manuscrit de ce
poème, ce qui aurait été un beau défi après les reproches faits par la mère
d’Arthur au professeur (lettre sur le prêt des Misérables d’Hugo, le 4 mai). Cependant, dans Rimbaud tel que je l’ai connu, il aime à
citer Bal des pendus et Le Buffet, et donne l’impression erronée
que c’est lui qui a transmis les manuscrits de ces deux poèmes à Darzens par
une parenthèse de son premier chapitre. La seule transcription manuscrite connue
a l’intérêt de pouvoir être datée par les faits de septembre 1870. Or, la
datation présente un enjeu pour la compréhension du poème, puisque Steve Murphy
en a proposé une lecture satirique en fonction de la défaite de Sedan, mais une
lecture qui ne s’impose pas en l’état actuel de nos connaissances.)
(fin juin –) Début juillet 1870 (août
éventuellement) : A la Musique.
(Le poème n’est
connu que par deux versions non datées. Le poème est composé de neuf quatrains
d’alexandrins à rimes croisées (sauf le premier) comme Ophélie et Bal des pendus.
Or, quelle influence poétique a pu déterminer Rimbaud à composer trois poèmes
sur ce même modèle ? Le sujet de la pièce A la Musique est tiré d’un fait réel. Comme le disent la
suscription du manuscrit remis à Izambard (« – Place de la Gare, tous les
jeudis soirs, à Charleville ») et le vers 4 du poème (« les jeudis
soirs »), il est question d’une chose vue et régulière, les concerts du 6e
de ligne qui, « à partir du jeudi 2 juin », eurent lieu de façon
hebdomadaire sur la place de la gare à Charleville. La « Valse des fifres » n’est autre que
la « Polka des fifres » ou « Polka-mazurka des fifres » de
Pascal, interprétée, sans doute avec succès, par le même régiment tant à
Charleville qu’à Mézières, et tout aussi régulièrement, à tout le moins du 2
juin au 10 juillet. Un programme de concert du Courrier des Ardennes (reproduit dans le volume iconographique Album Rimbaud de la Pléiade) nous
apprend que le jeudi 2 juin 1870 la musique du 6e de ligne allait
interpréter une « Polka des fifres » de Pascal, programme qui ne doit
pas être confondu avec un autre du dimanche 10 juillet à Mézières, qui, lui
aussi évoqué dans la critique rimbaldienne, a l’intérêt de témoigner que cette
« polka-mazurka » plaisait et continuait d’être jouée. En revanche,
et ceci nous différencie des positions de la critique rimbaldienne actuelle,
nous estimons que la première annonce n’indique pas seulement le programme du 2
juin, mais date le début d’une prestation hebdomadaire, ce qui justifie la
transcription de ce précieux témoignage en note[2]. A
proximité d’une ville de garnison, située dans l’est de la France, il est
normal de voir un « orchestre guerrier » et des
« pioupious » à Charleville en temps de paix. Le poème parle d’un
spectacle habituel. Deux éléments laissent planer pourtant l’idée d’une
allusion, ou bien à des tensions entre la France et l’Allemagne au sujet de la
candidature du Prince de Hohenzollern au trône d’Espagne du 21 juin au 12
juillet 1870, ou bien au déclenchement extrêmement rapide de la guerre
franco-prussienne dans un grand enthousiasme arrogant et naïf du côté français,
à partir du 13 juillet. L’alliance « La musique française et la pipe
allemande » disparaît de la version remise à Demeny quand la guerre n’est
plus faite au nom de l’Empire, mais au nom de la République. Demeurent en
revanche les « traités » énigmatiques, discutés par les
« retraités », qui pourraient évoquer ou bien les alliances
internationales pour empêcher le Prince de Hohenzollern de monter sur le trône,
ou bien les traités d’alliance possibles de la France avec l’Autriche (humiliée
par la Prusse en 1866) et l’Italie, voire un traité de neutralité de la
Belgique débattu entre la France et l’Angleterre au début du mois d’août. Ces « traités »
ne nous semblent pas pouvoir être assimilés aux traités entre Etats allemands
de 1866, et à plus forte raison de novembre ( !) 1870, comme cela est
souvent prétendu. Rimbaud a transformé le sujet de ce poème en scène de
« patrouillotisme » dans un long passage d’une lettre à Izambard du
25 août 1870, ce qui pourrait inviter à dater le poème de 1870, sauf
qu’Izambard lui-même n’a jamais considéré ce lien entre le poème et la lettre
et a toujours fait entendre que le poème datait plutôt du mois de juin 1870,
prétendant même que le dernier vers d’A
la Musique viendrait de l’un de ses propres poèmes, ce qui reste toutefois
impossible à prouver.)
Vers Juin 1870 : Panso (Sancho) asellum mortuum lacrymis
prosequitur laudibusque gratis. Texte
perdu.
(Composition de
vers latins, fin d’année en classe de première pour Rimbaud. La guerre a
interrompu la publication du Moniteur…)
17 Juillet 1870 : Aux morts de Valmy (« Morts de
Quatre-vingt-douze… »). Datation et
titre en fonction d’un argument d’autorité.
(La seule
version connue du poème est datée du « 3 septembre 1870, à Mazas »,
mais il s’agit d’une datation factice et symbolique qui participe de
l’imaginaire du poème. Reste que l’unique manuscrit date de septembre 1870.
Toutefois, Izambard prétend avoir connu de ce poème une première version
intitulée Aux Morts de Valmy. Rimbaud
la lui aurait remise le lundi 18 juillet « après la première
classe ». Dans la version sans titre remise à Demeny, le poème est précédé
d’un extrait (cité approximativement) d’un article de Paul de Cassagnac paru
dans le journal Le Pays et auquel
s’opposent les 14 vers de Rimbaud. Or, la date de parution de l’article est
bien le samedi 16 juillet. Rimbaud aurait composé ce poème le 17 juillet.
N’imaginant pas Rimbaud relire la presse de juillet dans les premiers jours de
sa sortie de prison en septembre (il se trouve alors à Douai, et non à
Charleville, qui plus est !), la présence de cette épigraphe rend très
fiable le témoignage d’Izambard. La version Demeny serait simplement quelque
peu remaniée. Il s’agirait du premier sonnet connu de Rimbaud, mais il
s’agirait aussi du premier des six poèmes, tous des sonnets, ayant pour sujet
la guerre franco-prussienne. Rimbaud dénonce l’amalgame de la propagande entre
bonapartistes et républicains pour encourager à une guerre déclenchée avec
beaucoup de légèreté. Comme le poème Le
Forgeron, ces six sonnets sont par ailleurs saturés de reprises des Châtiments de Victor Hugo qui ont dû
être lus et fort appréciés à cette époque.)
Fin-juillet 1870 : Le Forgeron. Datation
resserrée, mais hypothétique.
(Izambard n’a
pas possédé une version complète du poème Le
Forgeron et il a pensé par ailleurs que le poème Soleil et Chair aurait été composé durant l’été 1870, parce qu’il
avait le souvenir que Rimbaud était alors pris par la composition d’un long
poème qu’il n’avait pas encore terminé, lorsqu’Izambard quitta Charleville le
24 juillet. Notre connaissance actuelle d’une version de Credo in unam attestée par une lettre à Banville du 24 mai 1870
nous invite à penser qu’Izambard confond avec Le Forgeron. Les variantes entre le manuscrit d’Izambard et le
manuscrit de Demeny confortent l’idée d’une composition du milieu de l’été
1870. L’influence des poèmes épiques et politiques d’Hugo est fortement
sensible, avec la réappropriation de nombreux éléments de style des Châtiments, de poèmes de La Légende des siècles, voire du poème Turba, future pièce de L’Année terrible publiée dans Le Rappel en juin 1870. Le Forgeron semble également une
réplique à la plaquette La Grève des
forgerons de François Coppée parue à la fin de l’année 1869.)
27 juillet 1870 : Vénus Anadyomène.
(Cette date
figure sur le manuscrit d’Izambard qui, soit l’a reçu par lettre, soit l’a reçu
à Douai avec le texte de la nouvelle Un
cœur sous une soutane, soit l’a découvert chez lui à son retour, puisque
Rimbaud avait accès à son appartement pour lire, en demandant simplement au
propriétaire de lui prêter les clefs. Vénus
Anadyomène serait le deuxième sonnet de Rimbaud. Jusque-là, il pratiquait
les poèmes à rimes plates et les suites de quatrains. Il y a une erreur
fondamentale de cadence dans le manuscrit remis à Izambard (succession de deux
rimes masculines vers 8 et 9), laquelle sera habilement corrigée par une
inversion des vers 7 et 8 dans le manuscrit Demeny. Ce problème de cadence
invite à penser que Rimbaud ne composait guère de sonnets auparavant, puisque
c’est une faute de débutant.)
Juillet-début août 1870 : Comédie en trois baisers (Trois baisers, Première soirée). Argumentation
ci-dessous pour une composition antérieure au 24 juillet.
(Le poème a été
publié sous le titre Trois baisers le
13 août 1870 dans la revue La Charge.
Mais Izambard en a possédé également un manuscrit et une autre version sera
transmise à Demeny en septembre (Première
soirée). Les trois versions comportent des variantes. Or, certaines leçons
du manuscrit d’Izambard font retour dans le manuscrit remis à Demeny. La
version publiée dans La Charge semble
avoir été révisée, indépendamment de l’auteur. La direction de la revue peut
avoir été à l’origine de retouches : par exemple, le titre raccourci pour
pouvoir être transcrit sur une ligne en majuscules. Mais, la censure s’est
exercée sur les vers eux-mêmes. Izambard a-t-il joué ce rôle auprès de son
élève ? Izambard prétend avoir critiqué le dernier vers originel du poème A la Musique qui aurait été :
« Et mes désirs brutaux s’accrochent à leurs lèvres… » Ce n’est pas
impossible, encore que le vers originel de Rimbaud fut sans doute différent de
ce qui a résulté du souvenir et de la recréation d’Izambard, des décennies plus
tard, mais la correction est frappante de « – Elle eut un long rire très
mal » (manuscrit d’Izambard) à « Elle eut un doux rire brutal »
(vers paru dans La Charge). Parmi
d’autres variantes, on remarque que la formule fortement érotique :
« qui la fit rire / D’un bon rire qui voulait bien… », revient dans
la version Demeny, alors qu’elle a été nettement affadie pour la publication
dans La Charge : « Elle eut
un rire, / Un bon rire qui voulait bien… » Les manuscrits d’Izambard et
Demeny comportent un très beau vers expressif : « Le rire feignait de
punir !... », qui devient le malhabile : « Elle feignait de
me punir ! », dans le texte imprimé. Les nombreux amendements
invitent à penser que la version livrée à des fins de publication a été révisée
par Izambard avant son départ le 24 juillet 1870. Nous publierons
ultérieurement tout un dossier sur les poèmes et textes parus dans La Charge qui ont pu inspirer Rimbaud,
parfois même plus d’un an après : quintils ABABA, humour de l’Album zutique)
Voir aussi notre article Variations sur « Trois baisers » sur le blog Rimbaud ivre.
Août 1870 : Le Mal
(Manuscrit non
daté remis en septembre à Demeny, mais le poème évoque comme actuels les
combats entre les armées prussiennes et françaises, toutes deux aux ordres d’un
roi. Le Mal, au singulier, a un sens métaphysique et vise l’Eglise dans les
tercets, par-delà le pacifisme des quatrains auquel il ne faut pas limiter son
intérêt. Le sonnet date nécessairement du mois d’août. Comme avec « Morts
de Quatre-vingt-douze… », la forme mondaine du sonnet est assez
surprenante pour traiter satiriquement une telle actualité politique et Rimbaud
va s’ingénier à persévérer dans cette veine.)
Juillet-Août 1870 : Un cœur sous une soutane (nouvelle). Datation hypothétique.
(Nous observons
des échos patents avec Vénus Anadyomène
et Le Mal : par exemple, une mention
commune « (s’)endort » à la rime, en sachant, et nous pensons aux
travaux de Bienvenu sur la rime
« dort » :: « d’or », qu’il y a allusion à
Banville dans les vers de la nouvelle, ou, autre exemple, des expressions
proches de Vénus Anadyomène
(« sentent un peu », « ses yeux émergeaient de sa
graisse », description de la « Vierge au bol » avec
« omoplates » et « reins »). Le titre annonce Le Châtiment de Tartufe :
« Tisonnant, tisonnant son cœur amoureux sous / Sa chaste robe
noire », d’autant que la préposition « sous » figure en fin de
ligne sur la première page manuscrite de la nouvelle : « fit
battre mon cœur de jeune homme sous / ma capote de séminariste », ce qui
semble à l’origine de la rime du sonnet. La nouvelle a pu être laissée chez
Izambard en son absence, lors des allées et venues de Rimbaud seul, au mois
d’août. Dans la mesure où la mère d’Arthur a protesté contre le prêt du roman Les Misérables dans sa lettre du 4 mai,
il ne devait pas être évident de composer et conserver le récit Un cœur sous une soutane sous le toit
maternel. La solitude de l’appartement d’Izambard est un autre argument
important pour plaider une composition dans le courant du mois d’août.)
15 août 1870 : Ce qui retient Nina (Les
Reparties de Nina)
(Poème daté du
15 août 1870 sur le manuscrit de la première version. Comme l’a montré Steve
Murphy, des pliures révèlent que le poème a dû être envoyé dans la lettre à
Izambard du 25 août 1870, sachant que
cette lettre évoque la création récente d’un poème joint à l’envoi.)
Voir aussi notre article Nina et Ninon sur le blog Rimbaud ivre.
[Nota Bene : lettre du 25 août 1870
à Izambard qui atteste l’existence d’une composition récente, Ce qui retient Nina selon toute
vraisemblance, et qui témoigne d’une réécriture en un court passage en prose de
l’idée satirique du poème A la Musique,
transposée dans un contexte de guerre, à moins d’envisager l’hypothèse tout de
même délicate d’une composition également récente du poème A la Musique.]
[Nota Bene : nombreux poèmes
manuscrits remis à Demeny, 15 en septembre et 7 en octobre. Voir aussi notre
article sur le blog Rimbaud ivre : La Légende du « recueil Demeny ».]
Août-Septembre : Remaniement
des 8 poèmes précédemment envoyés à Banville et Izambard.
(Les 15 premiers
manuscrits remis à Demeny comportent l’ensemble des poèmes en vers remis
auparavant à Banville et Izambard, soit un total de 8 poèmes. Tous ont été
remaniés, mais il n’est pas évident de dater ces remaniements d’août ou
septembre 1870, sauf, en l’ajoutant à cet ensemble suite au témoignage
d’Izambard, dans le cas de « Morts de Quatre-vingt-douze », antidaté,
et sauf dans le cas du poème A la Musique,
dont un remaniement au moins est visiblement lié au basculement de la situation
politique après le 4 septembre.)
Septembre 1870 : Rages de Césars / Le Châtiment de Tartufe. (après le 5 septembre)
(diptyque sur la
chute de Napoléon III, deux sonnets. Un article du Monde illustré, est-ce une coïncidence ?, conjoint à l’époque
les deux mêmes références : Napoléon III fumant le cigare après la défaite
de Sedan, en traversant le lieu des combats après sa reddition, puis, dans le
cas de l’emprisonnement à Wilhelmshöhe, citation du célèbre refrain « Le
pauvre homme » du Tartuffe de
Molière. La tartufferie de l’Empereur fait l’objet de dénonciations constantes
dans les ouvrages de Victor Hugo (Châtiments,
Napoléon le petit, Histoire d’un crime), ce dont Rimbaud
s’inspire en son sonnet qui a pour modèle Fable
ou histoire des Châtiments. Steve
Murphy a relevé, en se fondant sur le second quatrain et le premier tercet, un
acrostiche terminé par la morsure des initiales de la signature « Arthur
Rimbaud » en bas du manuscrit, acrostiche qu’il n’est pas raisonnable
d’attribuer à un hasard pour le moins extraordinaire : « Jules
Ces…ar ». Rages de Césars,
sonnet contemporain, rappelle lui-même à l’attention cette célèbre
identification propagandiste. Le château de Saint-Cloud a été bombardé et
incendié le 13 octobre 1870, mais l’argument apparaît peu pertinent pour la
datation. Le « fin nuage bleu » n’évoque pas tant la destruction du
château qu’il ne met en relation les beaux souvenirs de Napoléon III avec une
Liberté qui, loin d’avoir été soufflée, flambe ardemment jusque dans le
« cigare en feu » de l’empereur déchu. Il s’agit d’un poème sur les
rages impuissantes et vaniteuses d’une fin de règne, d’un persiflage même, le
« Compère en lunettes » n’étant autre que le chef officieux du
gouvernement impérial Emile Ollivier qui avait dit accepter la guerre
« d’un cœur léger ». Avec L’Eclatante
victoire de Sarrebrück, Le Châtiment
de Tartufe et Rages de Césars
sont non seulement trois poèmes sur l’actualité de la guerre franco-prussienne,
mais trois caricatures de Napoléon III, apparemment toutes composées après sa
chute.)
20 septembre 1870 : Les Effarés.
(Datation
manuscrite, et donc poème douaisien. C’est le seul poème qui trouvera grâce aux
yeux de Rimbaud en juin 1871. Nous remarquerons qu’il en envoie une version à
Jean Aicard dans une lettre sans date avec un timbre du 20 juin 1871. Dans une
lettre du 10 juin 1871, Rimbaud avait demandé à Demeny de brûler tout ce qu’il
lui avait confié en 1870. Il y a fort à parier que Rimbaud a détruit ses
propres manuscrits de poèmes de 1870 en juin 1871 et qu’il a envoyé à Jean
Aicard la seule pièce qu’il ait daigné conserver de sa première époque,
n’hésitant pas à l’antidater « Juin 1871 », peut-être bien pour des
raisons politiques.)
29 septembre 1870 : Roman.
(Datation
manuscrite qui laisse penser que Rimbaud était encore à Douai le 29 septembre.
Selon la lecture de référence de Christophe Bataillé, le poème a tout l’air
d’avoir un cadre douaisien, notamment la production de bière supposée par les
odeurs de la ville. Cette pièce étant loin d’une improbable autodérision, selon
nous, le modèle du mauvais poète ne serait autre que Paul Demeny, qui faisait
alors la cour à une très jeune femme qu’il mit enceinte à peu près à ce
moment-là et qu’il épousa rapidement après. Sur le manuscrit de Soleil et Chair, un mot d’adieu de
Rimbaud souhaite à Demeny une « Bonne espérance » qui semble être la
réussite de son idylle amoureuse, idylle qui pourrait même expliquer l’absence
de Demeny au moment du départ de Rimbaud. Dans sa lettre du 17 avril 1871,
Rimbaud fera allusion au mariage de Demeny en parlant pour la première fois du
motif de la « sœur de charité » à trouver en ce monde.)
Octobre 1870 : Rêvé pour l’hiver, Le Buffet,
L’Eclatante victoire de Sarrebrück, La Maline, Au Cabaret-Vert, Ma Bohême
(Fantaisie), Le Dormeur du Val.
(7 sonnets
recopiés et composés à Douai après les étapes belges de cette nouvelle fugue.
La datation « 7 octobre » de Rêvé
pour l’hiver fait partie du poème et n’en date pas la composition. Cette
datation est à rapprocher de celle symbolique de « Morts de Quatre-vingt-douze… »,
et il s’agit probablement de la date à laquelle Rimbaud a de nouveau fugué
depuis Charleville. Il est impossible de déterminer s’il a existé des versions
antérieures du poème Le Buffet, ni du
sonnet L’Eclatante victoire de Sarrebrück
qui, par son sujet, ne peut pas être antérieur au mois d’août en tout cas. Or, les
deux poèmes sont datés du mois d’octobre par l’auteur, l’un est même relié à la
ville de Charleroi. Seul Ma Bohême
n’est pas daté, mais il évoque au passé les « bons jours de
septembre ». Le poème Rêvé pour
l’hiver s’inspire de l’alternance de vers d’un sonnet Au Désir du recueil Les
Epreuves de Sully Prudhomme, que Rimbaud dit avoir relu dans sa lettre à
Izambard du 25 août 1870. Son sujet (le rêve amoureux dans un train) et son
incipit avec une césure sur la préposition « dans » invitent
fortement à penser à une influence du poème VII de La Bonne chanson de Verlaine, recueil dont il n’est pas pleinement
prouvé qu’il n’a pas été mis en vente en 1870 et dont des exemplaires
circulaient de toute manière, sachant qu’un certain Bretagne était désormais un
ami commun de Rimbaud et Verlaine. Le poème obscène L’Eclatante victoire de Sarrebrück comporte une faute d’orthographe
courante à l’époque que certains rimbaldiens prétendent intentionnels, comme si
le nom n’était pas déjà clairement germanique en soi. Les quatorze vers de
cette pièce reproduisent la caricature de « patrouillotisme » du
poème A la Musique sur un champ de
bataille, nouvelle manière d’accabler la tartufferie de l’Empire qui avait
exalté cette victoire sur le territoire allemand le 2 août, deux jours avant que
la guerre ne prenne son véritable profil si fatal à la France. Le poème
hypnotique Le Dormeur du Val est
conçu à partir de répétitions, celle d’une vision d’un homme saisi dans le
sommeil pratiquement phrase après phrase : « un
soldat… dort », « Il dort », « il fait un
somme », « Il dort dans le soleil », et celle d’un don de
lumière liquide par la Nature, relative après relative, groupe prépositionnel
après groupe prépositionnel : « où chante une rivière…
D’argent », « où le soleil… Luit », « qui mousse de rayons »,
« nuque baignant dans le frais cresson bleu », « dans son lit
vert où la lumière pleut », « dans le soleil ». S’il accentue
l’idée triste d’un drame dans sa chute, les « deux trous rouges au côté
droit », le poème développe non pas l’euphémisme du soldat qui est mort,
mais au contraire l’idée que la Nature l’accueille et le ressuscite en elle,
tel un Christ, ce qui a très bien été saisi par Jean-François Laurent. Ce n’est
pas un poème pacifiste proche du Mal
qui dénonçait la guerre au profit de rois brigands, c’est un poème républicain
à rapprocher des « Millions de Christs aux yeux sombres et doux » du
sonnet « Morts de Quatre-vingt-douze… » La datation importe donc
quant à la compréhension de ce poème quelque peu à part dans l’ensemble des
sonnets consacrés à la guerre franco-prussienne, puisque c’est le seul qui
tourne la page de l’Empire pour s’intéresser à la guerre menée par la
République.)
Novembre 1870 : Le Rêve de Bismarck (Fantaisie).
(Récit en prose
décevant qui reprend des éléments du poème Rages
de Césars pour passer d’une caricature de Napoléon III à une autre de
Bismarck. La fin du sonnet avec le « fin nuage bleu » devient ici
tristement prosaïque « fallait pas rêvasser ». Ce poème a été publié
le 25 novembre dans le Progrès des
Ardennes. Le sous-titre « (Fantaisie) » commun avec Ma Bohême n’est pas nécessairement une allusion
exclusive à une frange du mouvement Parnassien, puisque ce sous-titre a un sens
pour les non-initiés à la poésie, vu qu’il apparaît aussi dans le programme
musical du « 6è de ligne » en juin et juillet 1870 (voir la note à
propos du poème A la Musique). Un peu
avant la prose de Rimbaud, le 14 octobre, le rival Courrier des Ardennes a publié un article de Victor Hugo intitulé Aux Parisiens sur la résistance de Paris
qu’il n’est pas inintéressant de rapprocher du Rêve de Bismarck. Le fait que ce récit soit signé du nom d’emprunt
Jean Baudry, qui vient d’une pièce de Vacquerie, le beau-fils de Victor Hugo,
témoigne de l’affiliation idéologique nette de Rimbaud avec la pensée du grand
romantique. C’est l’époque de l’amitié avec Izambard, le professeur admirateur
d’Hugo qui revendique avoir initié Rimbaud, et à Hugo, et à Banville.)
Ici s’arrête
notre chronologie.
[1]
Développer le sujet indiqué
par Horace dans les vers suivants (Ode IV, livre III).
Me
fabulosae, Vulture in Appulo,
Altricis
extra limen Apuliae
Ludo
fatigatumque somno
Fronde
novâ puerum palumbes
Texere……………………………
……………..
Ut premerer sacra
Lauroque,
collataque myrto,
Non
sine Dis…………………
[2]
« A partir de jeudi
prochain, la musique du 6e de ligne se fera entendre de sept heures
à huit heures et demie du soir : le jeudi, place de la Gare, à
Charleville, et le dimanche, à la Couronne-de-Champagne, à Mézières. /
Programme du jeudi 2 juin. / 1° Marche
solennelle, Zinnen. / 2° Les Bavards
(quadrille), Offenbach. / 3° Faust
(grande fantaisie), Gounod. / 4° Les
Songes dorés (polka-mazurka), Strauss. / 5° La Traviata (grande fantaisie), Verdi. / 6° Polka des Fifres, Pascal. / 7° Aux
Bords du Rhin (grande valse), arr. par L. Brasart. » Malheureusement,
le premier encart iconographique de la biographie Arthur Rimbaud de Jean-Jacques Lefrère (Fayard, 2001) offre le programme
du « Dimanche 10 Juillet 1870 » à Mézières, ce qui permet d’apprécier
la constance des concerts, mais la liste n’a plus cette fois la même
consistance héroïque titre après titre : Marche triomphale, L’Etoile du Nord (1ère et 2ème
fantaisie), Duo de la reine de Chypre,
Polka-mazurka des Fifres, Si j’étais Roi
(fantaisie), Les Roses (grande
valse). » Pour nous, les mentions « à partir » et « le
jeudi » annoncent explicitement le caractère hebdomadaire du spectacle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire