Les rapports de Rimbaud avec la religion catholique ont été longuement étudiés. On se souvient de Claudel et de son célèbre « mystique à l’état sauvage ». Isabelle Rimbaud est la première a avoir défendu la thèse d’un Rimbaud catholique.
Pourtant si l’on se base sur l’oeuvre du poète, il écrivait vers 1871 des poèmes violemment hostiles à sa religion. Mais, comme le disait sa soeur, blasphémer c’est croire et cela ne prouvait rien. Une saison en enfer parle beaucoup du Christ mais le texte est difficile et ambigu sur ce sujet.
Si l’on s’en tient à ce que Rimbaud a écrit dans sa lettre à Delahaye en février 1875 cette fois ce n’est pas ambigu : « Verlaine est arrivé ici l’autre jour, un chapelet aux pinces. Trois heures après on avait renié son Dieu et fait saigner les 98 plaies de N. S. »
Ce qui semble être le plus probant est la lettre de Rimbaud du 25 mai 1882 à sa famille dans laquelle il écrivait : « […]heureusement que cette vie est la seule et qu’on ne peut s’imaginer une autre vie avec un ennui plus grand que celle-ci ! » . Rimbaud savait qu’il s’adressait à sa mère et à sa soeur qui étaient très dévotes. Celles-ci lui avaient répondu par retour de courrier qu’elles s’inquiétaient beaucoup de sa missive et lui donnaient des conseils. Pour les rassurer il répondait « si je me plains, c’est une espèce de façon de chanter ».
Il est utile de rappeler que j’ai redaté la lettre du 25 mai, ce qui permet de mieux comprendre la suite des lettres.
Il ne semble pas que Rimbaud dans sa période africaine ait marqué le moindre intérêt pour sa religion. Au contraire, il est attesté que Rimbaud a manifesté un grand intérêt pour l’islam. On a retrouvé récemment un Coran qu’on lui avait offert ( probablement Bardey). Il s’était mis en tête vers 1887 de commenter le Coran quand il était en attente de ses armes avant de partir chez Ménélik. Cela d’ailleurs n’avait pas été toujours très apprécié. Enfin que dire de sa conversion in extremis à l’hôpital de Marseille ? Il n’y a que le témoignage de sa soeur. On a prétendu qu’elle avait menti ce qui est douteux. On ne saura sous doute jamais la vérité sur ce sujet.
Même si, à ma connaissance, le Vatican n'a jamais mis spécifiquement à l'Index les textes de Rimbaud (mais plus généralement une littérature mystico-sensuelle, cf. De sensuali et de sensuali-mystico litterarum genere) on peut je pense faire confiance à l'abbé Gillet qui a été à Charleville l'ecclésiastique qui a le mieux connu Rimbaud, enfant puis trépassé, puisqu'il officiait aussi à son enterrement. L'abbé Gillet a ainsi refusé de souscrire à l'érection du premier buste de Rimbaud à Charleville, non pas pour l'homme, qu'il avait connu jeune et qui ne lui posait pas de problème, mais pour son oeuvre. Il reconnaissait un intérêt - et sans doute des beautés comme aurait dit Verlaine - à l'oeuvre de Rimbaud, mais cette oeuvre selon lui devait être réservée à un public averti, à un petit cercle. Considérant que l'érection d'un buste de Rimbaud contribuerait à populariser son oeuvre, il se disait navré de ne pouvoir verser en conscience son obole au bronze. Il s'exprime alors en vrai poète et trouve une formule oxymorique que Rimbaud n'aurait sans doute pas reniée ; ainsi parlant de l'oeuvre de Rimbaud, l'abbé Gillet répond dans son courrier au comité chargé de la collecte : "...la grande lumière lui nuira tout à fait" ; on a dans la même phrase : la grande lumière, et toute la nuit... et tout le reste.
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