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À partir des années 1870, on assiste à la prise du miroir qu’il faut comparer à la prise d’écriture dont le développement du journal personnel témoigne. Le miroir se démocratisant devient un objet individuel, un objet à soi et pour soi
Le thème du miroir est présent chez tous les grands poètes du XIXe siècle. Ainsi Baudelaire. On se souvient du début de L’ Homme et la mer :
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Le poète avec un art consommé donne à son vers la structure d’un miroir où l’âme et la mer se reflètent.
Rappelons les derniers vers de La Musique :
…D’autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !
Et dans L’Héautontimoroumênos :
Je suis le sinistre miroir
Où la mégère se regarde.
Ici, comme dans L’Irrémédiable : le poète s'identifie avec le miroir, en un tête-à-tête diabolique d'où il ne sortira plus :
Tête-à-tête sombre et limpide
Qu'un cœur devenu son miroir !
Puits de Vérité, clair et noir,
Où tremble une étoile livide,
Le poème en prose Le Miroir atteste de l’importance de ce thème chez Baudelaire.
De même on trouverait de nombreuses occurrences du miroir chez Verlaine, Mallarmé, Victor Hugo.
Alors, on pourrait s’étonner que le mot miroir soit un hapax dans l’oeuvre de Rimbaud.
Sauf erreur on ne le trouve qu’une fois dans Mémoire ( ou Famille maudite) sous la forme d’un terne miroir :
au midi prompte son terne miroir, jalouse
au ciel gris de chaleur la Sphère rose et chère
Cette singularité de Rimbaud a-t-elle une explication ?
Sans doute Madame Rimbaud possédait dans sa maison des miroirs. Arthur pouvait ainsi s’observer tous le matins devant sa glace. L’image de son « moi » dans un miroir révélait une image qui est celle d’un autre et qui a pu inspirer le fameux « Je est un autre ».
Mais pourquoi le miroir serait terne ?
Rimbaud craignait-il de voir son image qui se modifiait de 1869 à 1872 ?
Laissons pour l’instant ses interrogations auquel un critique pourra un jour répondre.