vendredi 2 décembre 2011

Une hypothèse inspirée par l’article d’André Guyaux "Rimbaud et le point multiple", par Jacques Bienvenu


             Le remarquable article d’André Guyaux « Rimbaud et le point multiple », que nous venons de publier, s’inscrit dans une démarche philologique que l’auteur affectionne depuis la thèse qui l’a amené, après Bouillanne de Lacoste, à étudier les Illuminations de Rimbaud en accordant aux manuscrits une importance décisive. Après cette thèse marquante, l’éditeur de Rimbaud dans la Pléiade écrivait dans un article en 1991 : « Edgar Poe avait rêvé d’une philosophie du signe de ponctuation : une virgule est parfois, comme une lettre volée, un signe apparent que tout le monde ignore. » (« Mystères et clartés du guillemet rimbaldien », Parade sauvage  n°8). Certes, des remarques, voire des articles  ont été faits ici ou là sur la ponctuation rimbaldienne, mais jamais, à ma connaissance, une étude entière sur le point multiple n’avait été présentée. Avant d’aborder les conséquences qui pourraient découler de cette entreprise, il est utile de revenir sur l’intérêt qu’André Guyaux apporte aux manuscrits de l’auteur du Bateau ivre. C’est la première fois, avec la nouvelle édition de 2009,  que la Pléiade propose une présentation philologique des textes de Rimbaud. Pour ma part, c’est une idée qui me semble heureuse. À la lecture de cet ouvrage, on comprend visuellement que certains poèmes ne sont pas reproduits à partir  de manuscrits autographes.  Par exemple les poèmes Dévotion et Démocratie ne nous sont connus que par les transcriptions de La Vogue qui a fait beaucoup d’erreurs dans l’établissement des autres textes de Rimbaud.  Il faut donc lire ces deux poèmes avec prudence. L’œuvre de Rimbaud se prête admirablement à ces nuances indispensables pour le vrai amateur. Ainsi, peut-on observer d’un premier coup d’œil l’écriture de Germain Nouveau  qui vient se substituer à celle de Rimbaud dans Métropolitain. Une  note dans l’appareil critique ne saurait être aussi claire. Et pour ceux qui n’attachent pas d’importance à ces subtilités, en quoi cette présentation les empêcherait de lire le texte des poèmes de Rimbaud ?
           Mais revenons à notre article : «  Rimbaud et le point multiple ». André Guyaux n’a pas voulu faire une étude exhaustive mais il ouvre des voies en distinguant les points (c’est le cas de le dire) essentiels. J’aimerais proposer ici  une idée que m’a suggérée  la lecture de l’article. Dans une lettre de Rimbaud à Izambard de 1870, on peut observer la citation d’un poème de Louisa Siefert. 



            On est donc, avec certitude, dans le cas des points multiples qui indiquent que le texte du poème de Louisa Siefert a été amputé. On notera aussi, au passage,  les nombreux points multiples du PS de la lettre.
Si on observe à présent le poème  Accroupissements dans le manuscrit autographe, on remarque alors deux fois une succession de points multiples qui représentent à mon avis des coupures dans le poème.

        

       En effet, si on examine les cas répertoriés par André Guyaux dans son article, aucune autre considération ne semble justifiée. Or cette suppression a une explication. En effet, Rimbaud dit peu avant dans sa lettre : « Et remarquez bien, que si je ne craignais de vous faire débourser 60 ct de port,-moi pauvre effaré qui, depuis sept mois, n’ai pas tenu un seul rond de bronze !-je vous livrerais encore mes Amants de Paris, cent hexamètres, Monsieur, et ma Mort de Paris, deux cents hexamètres ! »
On comprend alors, en voyant la surcharge de la dernière page, que Rimbaud a pu faire des suppressions dans son poème pour ne pas faire payer à son correspondant le poids d’une autre page. Il résulterait alors de l’étude d’André Guyaux que le poème Accroupissements, selon notre hypothèse,  ne serait pas donné dans sa version complète !………

Voir mon commentaire ajouté le samedi 3 décembre sur cet article.

1 commentaire:

  1. David Ducoffre me signale ce jour la note de Steve Murphy de son livre "Rimbaud et la Commune",note 1 page 324 : " Dans l'œuvre de Rimbaud ,les pointillés soulèvent souvent la question d'éventuelles suppressions opérées par le poète. On a pu proposer l'hypothèse pour Accroupissements(voir par exemple Forestier 2004,449), mais elle nous paraît peu plausible."

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