vendredi 23 juillet 2021

Les mystérieux dessins des lettres de Verlaine à Rimbaud du 15 et du 18 mai 1873 (dernière mise à jour le 27 juillet)

DR. Médiathèque Voyelles.

Dans notre précédent article, nous avons obtenu d’importants éclaircissements sur les dessins de la lettre du 18 mai 1872. Grâce à de nombreux commentaires, des explications ont été apportées. Ainsi, il est avéré que DUPONT (écrit au miroir) est un séminariste que Rimbaud a connu au collège. Le monarque représente Verlaine en Napoléon III. Il rejette dans des coupelles du caca. Le quatrain sous le monarque a été très modifié par rapport à la version donnée par Pakenham. Une discussion disputée a donné raison à Franck Delaunoy sur le mot  « cimier ». Le débat me semble de bon niveau. Il faut signaler à ce sujet les excellentes interventions de David Ducoffre. On espère que des verlainiens participeront au débat. Il ne faut pas minimiser l’importance de cette recherche. La lettre du 18 mai 73 représente un moment capital des relations Verlaine-Rimbaud. Rimbaud est en train d’écrire sa Saison en enfer. Verlaine veut publier le recueil Romances sans paroles avec une dédicace à Rimbaud. Pourtant le drame de Bruxelles n’interviendra que deux mois après. La lettre de Verlaine est la dernière connue avant ce fameux drame. Déchiffrer ce que Verlaine a écrit sur les dessins peut nous donner des informations capitales. Il reste encore des énigmes. Par exemple : qui est le nommé Béliard sous le dessin de gauche ? Pourquoi ce jeu de Miroir ? 


Afin d’aider au débat je publie la lettre de Verlaine à Delahaye qui a été écrite 3 jours avant par Verlaine et qui comporte d’importants dessins bien commentés cette fois par Pakenham. Mais notre version que nous publions grâce à l’obligeance de la  Médiathèque Voyelles est bien meilleure pour la qualité des dessins.


La lettre comporte quatre feuillets. Le premier donné en tête de notre article : deux dessins. En haut de la page « Nous » , c'est à dire Verlaine et Delahaye de chaque côté du panneau-frontière, chacun laissant tomber leur pipe et pleurant; du côté « Pelchique », Verlaine a reçu une lettre et se lamente : Quoi ! Nul dessein de vous. ho! ho! hi hi hi »; du côté «  Frince », Delahaye pleure en s’écriant : «  oh c’remord! ». En dessous « Lui », Rimbaud, en haut de forme, est attablé devant un verre et deux bouteilles, et fume tranquillement la pipe en s’écriant « ah merde ! »


DR.Médiathèque Voyelles

En page 2, Verlaine annonce : « j’envoie sans retard mon livre (Romances sans paroles) À Claye à Paris-Dans un mois ça sera imprimé [Dessin : autoportrait à la manière d’un médaillon de la Renaissance, avec la légende : « PAOLO VERLANIO POETA FORESTIERE » ] et à vous envoillié avec une belle affaire en forme de dédikasse » [ DESSIN : Verlaine en paysan empérruqué présente Romances sans paroles à Delahaye ]

En page 3 , sous le titre « Salon de 1873-galerie des refusés » deux DESSINS : statue de Verlaine nu avec une feuille de vigne, tenant un drapeau (O Rus ! »), et sur le socle l’inscription : » L’ENNUI jehonville faciebat »; un tableau signé «  P.V.faciebat, représente une paire de fesses d’où sort un énorme étron qui se répand sur une ville avec la légende : «  destruction de Charleville,ses imprimeurs et ses journalistes.


Les commentaires des dessins sont de Michael Pakenham.


On donne aussi le quatrième feuillet de la lettre :



DR.Médiathèque Voyelles.

Mise à jour 26 juillet : suite au commentaire de Franck Delaunoy du 24 juillet 12h 22 je publie deux dessins de Verlaine :

Ancienne collection Matarasso. DR.

Album Verlaine p. 71.

J’ajoute quelques précisions : 


C’est en 1930 que l’on a pu consulter le dossier de l’affaire de Bruxelles détenue par la Bibliothèque Royale de Belgique. La quasi-totalité du dossier avec des fac-similés a été publiée pour la première fois par André Fontainas en 1931. C’est de sa publication que nous avons extrait les documents concernant la lettre de Verlaine du 18 mai 1873. La publication la plus complète et la plus récente est celle du remarquable catalogue de l’exposition « Verlaine cellule 252. Turbulences poétiques » qui eu lieu en 2015-2016. J’ai eu le plaisir d’aller à cette exposition. Le catalogue réalisé par Bernard Bousmanne est une référence très précieuse pour les chercheurs. On y trouve une magnifique reproduction des dessins de la lettre de Verlaine de 1873 p. 63-64. Il est utile de donner ici les commentaires du dessin par Bernard  Bousmanne : « Dans sa réponse, Paul se dessine une première fois attablé dans le café fumant la pipe, avec à l’arrière un joueur de Billard. Une seconde illustration le montre en roi avec la légende : « Vive notre grand monarquô/ Féculard et fils premierô/Sur son front il a la marquô/Qui prédestine au limiérô ! (ter).


On voit que Bernard Bousmanne avait donné déjà toutes les corrections que nous avons publiées à l’exception de « limierô » qu’il ne change pas.


Mise à jour du 27 juillet :


Voici le dessin agrandi qui pose un gros problème. On lit correctement les mots « phameux » et « béliard », mais quelle est leur signification ? Qui est le joueur de billard dans la glace ? 


DR.Bibliothèque Royale de Belgique.


18 commentaires:

  1. Le quatrième dessin, la destruction de Charleville, est sans doute un détournement des armoiries de Charleville qui symbolisent la création de la ville par Charles de Gonzague. Parmi les quatre éléments des armoiries, seul le soleil n'est pas détourné (en haut à gauche sur le dessin de Verlaine). Le "dextrochère de carnation" (la main droite de Charles de Gonzague) est remplacé par une paire de fesses dans le dessin de Verlaine... la sienne, qui pourrait être "de carnation" si Verlaine avait eu avec lui des crayons de couleur. La nuée des armoiries est remplacée par des vapeurs nauséabondes. Mais surtout, l'épée de Charles de Gonzague est remplacée par une arme de destruction qui apparaît massive sur le dessin. Jusque dans la devise de la ville de Charleville ; car les armoiries disent : Solus dedit, solus protegit (seul il [Charles de Gonzague] l'a fait/la donne, seul il la protège). Le dessin de Verlaine dit quant à lui : Paul Verlaine Faciebat : Paul Verlaine l'a fait (l'étron/la destruction). Charles de Gonzague a créé la ville, Paul Verlaine l'a détruite. Le dessin au-dessus, "L'ennui, Jéhonville faciebat", ne dit pas simplement que Verlaine s'ennuie à Jéhonville sans Rimbaud, mais bien plus que Jéhonville a proprement créé l'Ennui : L'Ennui, Jéhonville l'a fait, l'a inventé. La page entière qui présente ces deux dessins est très nettement inspirée du Salon pour rire 1873 par Cham (le caricaturiste). Car dans un autre dessin de Verlaine... [je développe dans un autre post pour plus de clarté car c'est un autre dessin de Verlaine].Le 4ième dessin doit être mis en relation avec le phameux "merde à Perrin" d'une autre lettre de Verlaine. Perrin était un journaliste centre gauche, mais plus au centre qu'à gauche - par simplification car c'était à l'époque encore plus compliqué qu'aujourd'hui - , ce n'était pas les idées de Rimbaud. Juste après la commune, un touriste naïf aurait pu croire que tous les opposants étaient communards, mais très rapidement, des clivages très nets se sont fait jour : les rouges (vifs) comme Jacoby et son Progrès des Ardennes étaient moqués par Perrin et Deverrière qui étaient plus au centre (rose), et qui créent le phameux Nôressss. Quelques années plus tard, vers 1875 soit 2 ans après la lettre, Perrin est débarqué comme rédacteur en chef du Nord-Est, car il est jugé trop à droite, ou pas assez à gauche ; il était fils d'instituteur renommé, mais il avait un frère prêtre je crois, cela a pu lui nuire ; il créera alors l'Union libérale, et décèdera, jeune, cinq ans plus tard. A noter également le bonnet phrygien sur la tête de Verlaine sur le premier dessin (le médaillon), car un bonnet phrygien est également représenté sur la tête d'un petit personnage du dessin de Bretagne/Hotel du nord/Citerne en bas à gauche. Sinon il faudrait je pense un agrandissement du 4ième dessin (la destruction) pour déchiffrer les 2 motifs tout en bas, tout à gauche (église ? une église aurait-elle échappé à la destruction ?) et tout à droite au pied de Verlaine. Sinon "O RUS" = ô campagne (latin) comme ô mère nature sur un dessin de Rimbaud je crois (laïtou).

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  2. ...Car dans un autre dessin de Verlaine, la publication annuelle du salon par Cham est très nettement désignée par le graphisme de la première page de la revue du salon par Cham, mais Verlaine détourne le texte en écrivant : "Hôtel du Nord par Cha...". "Cha..." ne désigne pourtant pas Cham mais, par ironie, Charo, qui était le restaurateur de l'Hotel du Nord, situé juste en face de la gare de Charleville, et qui pouvait être un lieu où se mêlaient hommes politiques et journalistes de Charleville. La famille Corneau, qui créera une loge maçonnique régulière à Charleville en 1880, avait sa propriété juste à côté de l'hôtel du nord, et le dessin de Verlaine a été réalisé alors qu'il était assis en terrasse du Café de l'Univers, car la perspective que représente Verlaine montre l'hôtel du nord et derrière, l'établissement Citerne où logeait Paul Auguste Bretagne, avenue de Mézières : les vues sont en enfilade depuis le Café de l'Univers. Ce dessin a été vendu par Christie's avec une brochure de Régamey sur les dessins de Verlaine je crois. Christies avait accepté une mise en relation avec l'acheteur pour obtenir un scan du manuscrit, mais celui-ci n'a pas donné suite à ce jour. Je ne sais pas qui il est, si c'est un institutionnel.

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  3. Ce dessin a été reproduit dans l'Album Verlaine p.71

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  4. Et ici chez Christies, voir leur commentaire : https://www.christies.com/lot/lot-felix-regamey-verlaine-dessinateur-paris-h-floury-5838034/?from=searchresults&intObjectID=5838034. Le lot n'a même pas fait l'estimation, mais il n'était pas précisément situé. F.D.

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  5. Les armoiries de la ville de Charleville sont toujours figurées (et inscrites avec le texte en latin) sur le fronton du collège communal, que fréquenta Rimbaud, à 2 pas de la médiathèque aujourd'hui. Si Verlaine ne les connaissait pas, Rimbaud aura pu les lui désigner. S'agissant d'un poète symboliste, il est amusant de penser que la symbolique des armoiries de la ville au fronton de son collège a pu être une entrée en matière tout enfant. F.D.

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  6. Pour le mot sous le miroir (fac-similé du dessin dans l'article précédent du blog), il faut préciser que le mot "béliard" n'a pas de majuscule et qu'il n'est même pas exclu que ce soit une déformation du nom "billard", puisque après tout "phameux" que je crois identifié est une déformation de l'adjectif "fameux", et dans sa lettre du 19 mai à Lepelletier Verlaine écrit "phameux manusse". Il ne serait donc pas étonnant d'identifier "phameux" et des mots abrégés dans une lettre potache du 18 mai.
    Je ne crois pas à la lecture "Cacus", la fin serait : "... phameux béliard", avec une possibilité de lire "...fameux billard", puisqu'après tout le mot est censé commenté le dessin. Et bien sûr il y a une analogie entre la plume de Verlaine et la queue de billard. Pour l'instant, je propose bêtement la suite "Lacuth", mais si la fin est "fameux billard", un déterminant féminin "la" est peu probable, il faudrait chercher une apostrophe éventuellement.
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    Jehonville symbolise l'ennui pour Verlaine (avec allusion à l'idée de spleen mais sous une forme plus négative pour l'inspiration que pour Baudelaire) comme le triste trou dont parle Rimbaud dans sa lettre à Delahaye.
    L'opposition "Nous" et "Lui" fait songer à un dessin où "Lui" Rimbaud est désigné comme "maquereau", il y a cette idée que Verlaine est celui qui apporte l'argent lorsqu'ils sont en Angleterre, et pour les jours de juillet, le mot "maquereau" apparaît sous la plume de Verlaine au sujet de sa dispute et de son départ précipité en laissant Rimbaud seul à Londres.
    Enfin, on voit que le "Ah ! merde" caractéristique de la pose zutique est considéré comme la manière de vivre de Rimbaud au quotidien, au point de le définir caricaturalement. On aura un vieux Coppée se terminant avec une allusion au "penvisement" d'un vers de Banville "par l'emmerdement de la mitraille."
    Il s'agit bien en effet d'un document important pour se représenter la relation des deux poètes à l'époque.
    Petite remarque au vu des commentaires : Ni Verlaine, ni Rimbaud ne sont des poètes symbolistes. Verlaine prévenait déjà en ce sens quand il disait du "Bateau ivre" que c'était un poème symbolique, mais à coup sûr pas symboliste. Les symbolistes ont choisi Rimbaud pour maître, puis Mallarmé et Verlaine, mais Rimbaud, Mallarmé et Verlaine ils n'en peuvent rien. Aujourd'hui, on n'a plus de volumes d'histoire littéraire qui rangent nos trois poètes parmi les symbolistes, c'est un point de vue erroné qui a été abandonné. Rimbaud était romantique et parnassien, et il s'en émancipait par ailleurs, mais symboliste ça ne le concerne pas du tout.

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  7. Rimbaud ne serait pas un poète symboliste ? Permettez que je m'installe ! Pour pouvoir dire que Rimbaud n'est pas symboliste, il faudrait déjà définir ce que serait un poète symboliste, et là, vous avez raison, on ne sait pas bien en quoi encore aujourd'hui renvoie l'expression de poète symboliste. Car pour ce qu'on a dit jusqu'à aujourd'hui de la poésie symboliste de Rimbaud, à ce compte là, oui, Chateaubriand serait également un grand auteur symboliste ! Mais en amont, considérez-vous qu'il y a systématiquement un sens littéral en poésie, qu'elle soit symboliste ou non ? Ou bien vous seriez de l'avis de Denis Saint-Amand qui, à la fin d'un de ses articles dans Parade sauvage conclut en gros : ce que j'ai expliqué du texte, veuillez me croire, pour ce que je n'explique pas, il convient tout de même de se rendre à l'évidence qu'après tout ce temps, Rimbaud n'a pas lui-même les réponses aux questions qu'il pose ! (pas moins ! et sauf erreur, mais cette conclusion m'est restée dans l'oreille, corrigez si j'ai mal compris). Mais que reste-t-il alors de la confiance en Rimbaud d'un Claudel ? Quant au Rimbaud romantique dans Illuminations, vous voulez rire ? ou romantique sans excès alors...

    Sinon, pour le béliard ou le billard qui nous fait suer, noter que si je dis : "fameux cacus", je dessine LE fameux Cacus, mais si je dis "cacus fameux", je dessine qui je veux qui me paraît ressembler à Cacus : béliard serait UN cacus fameux, et le titre serait : "cacus fameux [: / à la ligne] béliard".

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    1. Pour définir ce qu'est un romantique, il faut déjà se lever tôt. Stendhal se définissait comme un romantique, il l'était à sa façon très déconcertante, et il a participé au débat français à sa source sur la notion.
      Donc, non, je ne crois pas qu'il faille commencer par définir ce que c'est qu'être un romantique ou un symboliste, parce que c'est délicat.
      En revanche, on peut tout de même affirmer que le terme "symboliste" ne s'applique pas à Rimbaud du tout, dans la mesure où le mouvement du symbolisme est né dans les années 1880. Les symbolistes, qui ne sont d'ailleurs pas un ensemble de très grands poètes français quand on compare avec ce qui a précédé au XIXe, et ce qui a suivi dans la première moitié du XXe, ne comprenaient rien à Rimbaud et l'ont choisi pourtant pour maître. Mais Rimbaud n'écrivait plus, n'était plus là.
      Et je ne suis pas en train de dire une idée qui fait déjà à l'heure actuelle parmi les rimbaldiens. C'est une idée réglée. Seul le grand public croit encore à l'étiquette. Il n'y aucun spécialiste sérieux de Rimbaud qui parle de l'affiliation de Rimbaud, ni évidemment de Baudelaire au symbolisme. Ni Murphy, ni Reboul, ni Murat, ni Guyaux ne rangent Rimbaud dans le symbolisme. Au-delà des querelles entre rimbaldiens, l'idée est acquise. C'est une idée ancienne qui est morte et considérée comme dérisoire.
      Quant à l'idée d'un Rimbaud romantique tardif, c'est une idée qui fait déjà à peu près l'unanimité chez les rimbaldiens. J'étais censé produire une thèse Rimbaud et le romantisme, ce sujet est LE sujet universitaire en or sur Rimbaud. Là encore, lisez Murphy, Reboul, Murat et d'autres. Murat le dit non dans son livre L'Art de Rimbaud que notre poète est un romantique tardif. Murphy évoque cet aspect dans ses articles. Il fait partie des gens qui considèrent qu'il y a une mine d'or à fouiller la relation de Rimbaud au romantisme et évidemment les sources romantiques aux poèmes de Rimbaud.
      C'est un fait mis en avant (par Murphy à nouveau notamment) qu'il n'y a pas d'opposition entre le romantisme et le Parnasse, malgré des lignes de contestation sur certains points (le Je lyrique, etc.) Rimbaud le dit lui-même dans sa lettre à Banville "je suis un parnassien" et "nos maîtres de 1830".
      Baudelaire lui-même est considéré comme un romantique. Dans ses écrits, Baudelaire lui-même si je ne m'abuse considère que l'échec des Burgraves ne signe que la lassitude de l'omniprésence d'Hugo, mais pour Baudelaire le romantisme continuait en dépit de ce mouvement d'humeur sur ce qui est à la mode ou pas. Baudelaire se définit romantique. Et pour les universitaires c'est un fait connu que le romantique critique le romantisme dès le départ : Musset, Baudelaire, etc., sont des romantiques qui peuvent critiquer le romantisme. Les parnassiens sont des romantiques qui font une autocritique du romantisme sur la question du lyrisme.
      C'est ça le discours universitaire actuel et je le soutiens, il est mal connu du grand public qui en est resté à des schémas antérieurs à 1980.

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    2. Merci de bien vouloir revenir à notre sujet : les mystérieux dessins des lettres de Verlaine.

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  8. [cacus fameux / béliard] : Dans la séquence des lettres de mai 1873 de Verlaine, on lit :

    Pour ce qui se lit "fameux" :
    - lettre du 15 : "... un Sugny sérieux..."
    - lettre du 18 : "[cacus phameux / béliard]"
    - lettre du 19 : "le phâmeux manusse"
    "UN Sugny sérieux", mais "LE phâmeux manusse". Donc ce serait bien "[UN] cacus phameux", un certain [béliard].

    Pour "cacus" :

    - lettre du 18 : [cacus] au CHANT VIII de l'Enéide
    - lettre du 29 à Lepelletier depuis Londres : Verlaine serait passé au chapitre suivant de l'Enéide, le CHANT IX, pour signaler qu'il accepte de se séparer de son manusse des Romances qu'il appelle Gustave (lettre du 19) au profit de l'éditeur : "macte animo, generose puer".

    Il semble que Verlaine ait pu avoir pour livre de chevet en mai 1873 l'Enéïde de Virgile, en latin dans le texte.

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  9. Ou bien : "ça c'est le phameux billard" ; c'est la graphie de "ça c'est la tour [de Londres]" qui m'y fait penser sur le dessin de Verlaine du 23 mai à Lepelletier. Les mots seraient attachés comme on en a d'autres exemples chez Verlaine dans une écriture rapide, et Verlaine écrirait béliard au lieu de billard, pour imiter l'accent belge. Cacus a pourtant bien des beautés...

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  10. Il faut un "e" au nom "Bousmanne".
    Pour précisions, c'est grâce à moi que les minutes du procès de Verlaine puis du procès en appel ont été publiées pour la première fois dans l'édition d'André Guyaux pour la Pléiade des oeuvres de Rimbaud en 2009. Et je possède les fac-similés inédits de ces documents (7 pages).
    En effet, le dossier du procès est conservé depuis 1930 à la Bibliothèque royale de Belgique, mais les documents provenaient d'autres fonds. Or, les minutes des procès ne se trouvent pas avec le dossier de la Bibliothèque royale de Belgique.
    Pour les trouver, je me suis rendu dans un lieu d'archives royales dans la banlieue de Cureghem. Un fonctionnaire a fait les recherches pour moi, je n'ai pas pu pénétrer et fouiller, il m'a remis les sept fac-similés et m'a expliqué qu'au début il ne trouvait pas le document, il l'a trouvé à un endroit mal rangé à côté d'une chaudière. Les sept pages de minutes du procès figuraient dans un livre à deux endroits différents, mais les sept pages ont été arrachées du livre, puis remises dedans.
    Le fonctionnaire m'écrivait également qu'il pensait du coup à réclamer le dossier à la Bibliothèque royale pour qu'il réintègre son lieu normal de conservation archivistique, je n'ai rien répondu à cela.
    Les pages répètent la fameuse phrase inscrite sur le dossier, Verlaine a fait une blessure à Rimbaud le mettant dans l'incapacité de travailler, et on a le prix que doit payer Verlaine précisé en appel. Puis on a la sélection des articles de loi qui justifient la condamnation.
    **
    Pour le mot écrit sous le dessin de miroir, je ne crois pas à la lecture "Cacus". L'écriture "béliard" est évidente, mais comme il y a un "b" minuscule, je pense qu'il s'agit d'une corruption fantaisiste du mot "billard", éventuellement une imitation de l'accent belge. Deux jours plus tard, Verlaine écrira "phameux manusse", et à la fin de la première ligne, c'est bien ce que je prétends déchiffrer. Les dessins du pied de la table de billard et de la jambe du personnage descendent sur cette transcription "phameux" et peuvent l'illusion d'un "i" "pharnieux", ou que sais-je ? Mais je prétends lire "phameux" et c'est la réponse la plus logique.
    Pour le début, je précise que Verlaine tend à n'afficher une boucle à la lettre "c" que dans le cas des majuscules, la mention "cimier" faisant exception, ce qui m'a empêché de croire à un "c" au départ. Toutefois, le "c" de cimier est arrondi, ce qui aurait dû me convaincre plus tôt. En revanche, le problème est différent ici. Je crois identifier le mouvement d'un "L" majuscule. On n'a pas l'arrondi d'un "c", on a une ligne plus heurtée, la boucle puis une petite suspension en hauteur avant de bifurquer pour former la lettre suivante. Je peux me tromper deux fois de suite à prendre un "c" pour un "l", c'est possible, mais la solution "Cacus" a plusieurs désavantages. Contrairement à "cimier", elle n'est pas naturelle en tant que thème. F. D. dit lui-même que c'est faiblard. Et surtout, elle suppose que le "th" anglais prononcé à la française "s" remplacerait de manière compliqué le "s" final de "Cacus". Je trouver cela trop tiré par les cheveux.
    Surtout, même si j'ai dit que le croyais lire à grand-peine un "Lacuth" n'ayant pas de signification, la nouvelle photo de la mise à jour me fait penser que le "t" n'est pas certain, la hampe n'est pas barrée. On peut très bien concevoir une suite de deux "l" et d'un "e" : "...lle". Une autre proposition provisoire : "La estle phameux béliard". Je sens qu'on n'est pas loin.

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  11. Coquille corrigée. J'avais le catalogue sous les yeux...Ce n'est pas encore gagné pour l'explication du texte de Verlaine.

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  12. Bon ! F.D. a proposé : "ça, c'est le phameux béliard" (sous-entendu fameux billard)" le 26 juillet à 14h30. J'avais lu ce texte, mais sans y penser j'ai proposé le 27 juillet à 20h39 "Là est le phameux béliard" (même sous-entendu).
    Mais F.D. est aussi revenu sur la lecture qu'il proposait "Cacus phameux béliard" à la fin du commentaire fait à 14h30.
    Je rejette catégoriquement la lecture Cacus. Je rappelle que l'idée "Cacus" vient d'un contexte où j'avais proposé "Lacuth" avec éventualité "Cacuth" devant "phameux béliard". Et F.D. a envisagé de lire l'hypothétique "th" comme un "s" selon le principe du français qui lit tant bien que mal en anglais.
    Outre que je trouve ça absurde, je précise qu'au plan graphologique, la nouvelle photo livrée ci-dessus par Jacques Bienvenu m'a fait voir que derrière le "th" que j'hésitais à voir en double "l", il y a un signe qu'on peut plus probablement interprété comme un "e" mal bouclé que comme un "r" par exemple.
    Or, F.D. en comparant avec d'autres dessins avait déjà incidemment introduit ce signe graphique supplémentaire dans sa leçon : "ça c'est le phameux béliard", puisque le "e" suit la forme "t l". Moi, comme F.D., nous finissons par désassembler le "h" pour une leçon "le".
    C'est désormais évident pour moi qu'il est écrit : "lephameux" sans espace et que devant "lephameux" il manque aussi un ou plusieurs espaces entre les mots.
    Les deux solutions en présence sont : "ça c'est le phameux béliard" (F.D.) et "Là est le phameux billard". Or, je ne suis pas content pour le "est". Je pense que le "t" s'y trouve, mais j'ai l'impression qu'après mon "La" déchiffré il y a trois lettres devant le "t". Donc, je pense que F.D. a raison pour la séquence : "c'est", et le "c" minuscule est surchargé et légèrement bouclé (décidément) puis on a un "e" et un "s" tous deux minuscules et mal écrits.
    En revanche, pour le début, je tends à penser que "La" s'impose. Verlaine avait la tendance à accentuer le "à" de "ça", il confondait l'adverbe de lieu "çà" qui veut dire "là-bas" et qui sert dans les exclamations "çà ! comment allez-vous ?" avec le pronom "ça" d'usage courant. Ici, le "a" n'est pas accentué, on me répliquera que si c'est l'adverbe "là" que Verlaine a voulu écrire il n'est pas accentué non plus ici, "ça" ne doit pas l'être ici donc il aurait écrit "ça". Oui, mais, il n'y a pas la cédille, autre lacune, et il reste à se pencher sur sa manière de former des "L" et des "C" majuscules.
    Je n'ai que la photo toute miniature dans le livre de Pakenham pour le dessin annoté "ça c'est la tour de Londres", donc je ne peux rien éplucher de près. Notons que le dessin du 23 mai refait une blague du surtitre "Sallon des refusés" avec cette fois la faute d'orthographe volontaire des deux "l". Et puis on a ce titre "Marine" qui fait diablement penser au poème des Illuminations du même nom.
    "ça c'est le phameux / béliard" ou "La c'est le phameux béliard". Le déchiffrement n'a plus pour moi que cette alternative à affronter. Je ne crois pas à un recours à un autre verbe que "être".

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  13. J'explique pourquoi la leçon est soit "ça c'est le phameux / béliard", soit "La c'est le phameux béliard".
    Comme "béliard", "phameux" est certain. J'ai lancé l'identification "phameux" avant de me rendre compte que 2 jours plus tard Verlaine écrivait "phameux manusse". Je n'avais qu'un vague souvenir que l'orthographe "phameux" existait.
    La nouvelle photo ci-dessus m'a rendu moins évidente l'apparence de "th", c'est clairement la suite "lle" ou "tle", et F.D. par un autre cheminement (comparaison avec un autre dessin) est arrivé à la même conclusion. La fin du mot est "lephameux / béliard", et "phameux" est plus évident que "béliard" : orthographe lisible et attestée deux jours après et sans altération de la prononciation de "fameux". Le nom "Béliard est rarissime (Google) et nous avons un "b" minuscule. Il ne faut pas paniquer : "béliard" est une corruption pour "billard". Il n'y pas à tergiverser là-dessus.
    Reste alors le début de l'expression.
    Au début on a le choix, comme pour "cimier/limier" entre un c et un l, plutôt majuscule. Déterminant démonstratif ou article défini ? féminin ?? Ou bien début d'un nom ?
    La partie qui restait à déchiffrer était très courte, il fallait soit concevoir un adjectif, soit un nom (et donc l'expression n'avait pas de verbe), soit un nom et un verbe mais avec un minimum de signes pour former deux mots.
    L'identification de "ça" ou "Là" débloque complètement la situation Il reste donc la barre devant le "le" qui peut être soit un "l", soit un "t", le "t" a l'intérêt d'être une terminaison verbale intéressante et implique le verbe "être". Or, justement devant cette barre, on a une suite très ramassée de trois petites formes à peine esquissées, on n'a pas des lettres qui montent ou descendent "p","l", "t", etc. On n'a pas une suite de vagues impliquant volontiers du "m", du "n", du "u", voire du "r". On pourrait avoir un "r" à la limite, peut-être un i non ponctué, mais on a compris qu'on ne cherche plus un groupe nominal, mais un verbe bref. Le verbe "est" s'impose presque naturellement. Par exemple un "ci-gît" imposerait un g qui descend sous la ligne, et un accent circonflexe. Le verbe "est" n'est pas suffisant "Là est lephameux / béliard", parce dans ce qui reste à déchiffrer il y a non pas deux petits signes, mais trois, et le premier est soit un "e" soit un "c" avec boucle comme pour "e". Un verbe de quatre lettres qui commence par "e" et finit par "t" ou "l" : "e _ _ t" ? Peu probalbe. En revanche, pour la suite "c _ _ t", on peut envisager "c" pronom sujet et verbe "est" ensuite. Par élimination, il est clair que les formes en tant que telles illisibles ne peuvent aboutir qu'à la solution "c'est".
    Amélioration de la transcription du quatrain, déchiffrement de cinq expressions jamais transcrites par un rimbaldien ou un verlainien (quatre sous les habits de Verlaine, une sous le miroir). Voilà, c'est fait à une lettre près, on peut passer à d'autres questions. Et ce n'est pas des conjectures, c'est fini là, c'est déchiffré.

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  14. Sans oublier l'identification du phameux Dupont par Chantal et Humphrey. "Ca c'est le phameux beliard" (billard transcrit phonetiquement avec l'accent belge) me semble le plus raisonnable. Mettons "c" entre crochet si David a encore des pudeurs. 2 clins d'oeil a la Belgique en somme dans ces dessins : un Manneken-Pis detourne pipi/caca et un beliard... Pas facile avec ca de revenir vers la bibliotheque royale de Belgique... Mais Verlaine etait un amoureux de la Belgique, comme nous tous, et on peut tout lui pardonner.

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    1. Oui, l'identification de Dupont et l'idée que son nom à l'envers va faire penser qu'il est dans le miroir complètent la liste des révélations importantes, mais dans le précédent message où j'ai dû jouer avec la limite en nombre de caractères je voulais insister sur le fait que les gens publient des photos des dessins, mais ne déchiffrent pas tous les textes. Pour le "c" ou le "l", en toute rigueur, je veux pouvoir comparer avec d'autres cas, vu qu'il n'y a pas de cédille et vu aussi que Rimbaud et Delhaye sont supposés l'avoir déjà vu ce billard lors d'un rendez-vous antérieur. Je n'ai pas d'agrandissement du "ça" de la lettre à Lepelletier du 23 mai, ni une photo du passage manuscrit de la lettre du 16 mai au même où se trouve le vers "Et ça ne fait pas le bonheur !" tiré d'Hervé.
      Pour l'allusion au Manneken-Pis, je ne sais pas non plus si on peut affirmer qu'il y en a une. En plus, le dessin souligne plus le vomissement que la défécation.
      Je ne trouve même pas évident d'assimiler "béliard" à l'accent belge. Je suis belge et je me moque de l'être, mais la corruption "billard"::"béliard" ne s'impose pas comme belge à mes oreilles, sans compter qu'à l'époque les ardennais de France devaient avoir un accent plus prononcé qu'aujourd'hui. C'est vrai que la frontière aujourd'hui sépare nettement l'accent belge de l'accent du nord de la France, mais quand j'entends les québécois, les jurassiens ou les suisses francophones, je pense que l'écart pour l'accent était moindre à l'époque et "béliard" peut être une déformation gratuite, non ?

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