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Le Mucem à Marseille propose en ce moment une remarquable exposition sur Salammbô, le célèbre roman de Flaubert. On y montre quelle fut l’influence de ce roman sur les écrivains et artistes en y dévoilant notamment des oeuvres picturales inspirées par Salammbô.
Rappelons que le roman de Flaubert se situe trois siècles avant JC. C’est un ouvrage qui plongeait les lecteurs dans un monde qu’ils ne connaissaient pas et qui est loin de celui de Madame Bovary. Flaubert dit avoir voulu fixer un mirage. La scène se place principalement à Carthage. Flaubert reconstitue cette ville dont il n’avait que des connaissances archéologiques. Les scènes qu’il décrit sont celles de batailles d’une très grande violence où les corps sont déchiquetés où les cadavres abondent. Certaines descriptions sont atroces.
Il se trouve que la dernière lettre de Rimbaud récemment révélée nous plonge dans l’univers du livre de Flaubert.
Dans cette lettre à Jules Andrieu, Rimbaud explique qu’il a en tête un ouvrage historique qui se situe à une date très ancienne. Il veut compulser des travaux d’archéologie. Il demande à Andrieu une date de paix sur l’ensemble Grec-Romain-Africain. Il pense à des illustrations et il précise : « dates plus ou moins atroces : batailles migrations, scènes révolutionnaires : souvent un peu exotiques ». Exotique : c’est bien ce que Flaubert a voulu faire dans son ouvrage : dépayser ses lecteurs.
Mais il y a mieux. Le poète cite nommément Salammbô. Voici le passage concerné de la lettre :
En peu de mots (!) une série indéfinie de morceaux de bravoure historique, commençant à n’importe quels annales ou fables ou souvenirs très anciens. Le vrai principe de ce noble travail est une réclame frappante ; la suite pédagogique de ces morceaux peut être aussi créée par des réclames en tête de la livraison, ou détachées. — Comme description, rappelez-vous les procédés de Salammbô : comme liaisons et explanations mystiques, Quinet et Michelet : mieux. Puis une archéologie ultrà-romanesque suivant le drame de l’histoire ; du mysticisme de chic, roulant toutes controverses ; du poème en prose à la mode d’ici ; des habiletés de nouvelliste aux points obscurs. – Soyez prévenu que je n’ai en tête pas plus de panoramas, ni plus de curiosités historiques qu’à un bachelier de quelques années — Je veux faire une affaire ici.
On est en droit de se demander si Rimbaud n’a pas été, préalablement à cette lettre, inspiré par Salammbô dans son oeuvre. Au moment où il écrit à Jules Andrieu la Saison en enfer est écrite. Comme je l’ai montré, les Illuminations ont été mises au net avec Germain Nouveau en janvier-février 1875 à Charleville. Il serait utile de rechercher quels textes du poète peuvent être inspirés par Salammbô. Mais c’est une autre affaire !
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