jeudi 17 février 2022

Rimbaud en feu

Jean-Michel Djian se rend ce samedi à l’invitation d’Alain Tourneux pour parler de sa pièce de théâtre Rimbaud en feu. Cette pièce est jouée en ce moment à Paris au théâtre Antoine jusqu’au 12 mars. C’est l’excellent acteur Jean-Pierre Daroussin qui joue le rôle d’un Rimbaud de 70 ans qui se retrouve en 1924 dans un hôpital psychiatrique à Charleville. Ce n’est pas la première fois qu’une fiction sur Rimbaud est réalisée. La plus connue est celle de Dominique Noguez qui racontait que Rimbaud était reçu à l’Académie française en 1930.


La pièce écrite par Djian se conçoit comme une collaboration avec Jean-Pierre Daroussin, comme l’auteur le dit dans son avant-propos : « J’ai avant tout écrit ce texte pour mon ami Jean-Pierre Daroussin que je considère comme un acteur hors du commun »


De quoi s’agit-il ? On ne sait pas trop comment Rimbaud s’évade de l’hôpital de Marseille juste avant sa mort et réussi à faire croire qu’il y est bien mort. On ne sait pas trop non plus comment il se retrouve à Charleville dans une chambre d’un  hôpital psychiatrique. Peu importe finalement. Il suffit d’y croire. Il est entouré de ses livres et boit de l’absinthe qu’il a dissimulée sous son matelas. C’est l’occasion aussi de donner une petite anthologie de textes rimbaldiens qui s’égrènent pendant la pièce : Une saison en enfer, Le Bateau ivre, Le sonnet du trou du cul, Les effarés, Oraison du soirLes réparties de Nina, L’éternité.


Cette pièce n’est pas destinée aux seuls spécialistes de Rimbaud, d’ailleurs Jean-Michel Djian n’en est pas un. Il se trompe quand il dit que Rimbaud n’aimait pas sa mère et que c’est une vraie méchante. Les rapports entre Arthur et sa mère sont plus complexes. Il n’est pas possible que Rimbaud prenne la main de Djami le dimanche 26 juillet 1891. À cette date Rimbaud est parti de l’hôpital de Marseille pour retrouver sa famille. Son domestique, il l’avait laissé à Aden.


On apprend cependant des anecdotes exactes et amusantes : celle du médecin américain Duncan MacDougall avait fait des expériences en 1907 avec des cadavres pour peser l’âme humaine qu’il avait évaluée à 21 grammes. Cette histoire est authentique et avait créé une polémique. Rimbaud donne cette information à son infirmier.


Dans l’ensemble hormis les petites inexactitudes que le public ne verra pas, la pièce  est bien écrite et intéressante. Rimbaud dialogue avec Breton, Michaux et Léo Ferré. Daroussin est remarquable. On peut regretter que le public ne se presse pas plus nombreux pour cette pièce. 

Il est encore temps d’y aller ! 

Il est aussi encore temps d’aller 16 rue Monsieur-Le Prince samedi 19 février pour assister à la conférence de Jean-Michel Djian à 14 heures 30 pour Les Amis de Rimbaud.


Jean-Michel Djian avait publié en 2015 un documentaire intitulé Rimbaudle roman de Harar où l’on retrouve notamment Jean-Jacques Lefrère, Claude Jeancolas, Alain Borer, Alain Tourneux, Philippe Sollers. On peut lire aussi la critique que j’y avais donnée à l’époque.


Djian avait écrit aussi un pamphlet Les Rimbaldolâtres dans lequel j’étais (injustement) malmené…

dimanche 6 février 2022

Le temps rimbaldien

 


À l’époque de Rimbaud on peut dire que le chemin de fer modifie la notion de temps. Parcourir une longue distance rapidement fait gagner du temps. Les progrès scientifiques caractérisent la fin du 19e siècle. Ainsi, Rimbaud s’écrit dans Une saison en enfer : « Ah la science ne va pas assez vite » « et la science est trop lente ».


Quelle fut pour Rimbaud la notion de temps dans la période de sa création poétique ?


N’oublions pas que c’est un adolescent. Tout ce que nous connaissons du poète indique qu’il est impatient. Impatient de faire connaître ses vers, écrivant de nombreuses lettres à ceux qui pourraient l’aider, comme Banville ou Demeny. En examinant son œuvre on observe une évolution rapide. Il renie rapidement les vers de 1870 comme ceux de l’année 1871. Les alexandrins deviennent dépassés après avoir atteint leurs sommets dans Le Bateau ivre et Voyelles. C’est alors le temps des vers « mauvais » aux césures et aux rimes insaisissables. Puis la prose devint son aboutissement.


Son oeuvre témoigne donc de son désir de brûler les étapes. La notion de temps est particulièrement intéressante dans Une saison en enfer. Le titre même de cette œuvre indique que l’on se place dans le cadre d’une durée déterminée : une saison. Durée limitée qui s’inscrit dans l’éternité de l’enfer. La notion d’éternité fait d’ailleurs l’objet d’un poème d’Alchimie du verbe. Tout le prologue d’Une saison en enfer est construit sur l’opposition du passé et du présent comme : «  jadis si je me souviens bien » puis « or tout dernièrement… »


Les Illuminations sont aussi à convoquer sur ce thème. Dans Vagabonds on voit Rimbaud « pressé de trouver le lieu et la formule ». Barbare se situe au delà du temps « Bien après les jours et les saisons ». Génie se définit comme « l’affection et le présent », mais aussi comme « l’affection et l’avenir »


Ce bref article gagnerait bien sûr à être complété par ceux qui ont des idées sur ce sujet.