vendredi 17 mars 2023

Décès de Marc Ascione

 

On vient d’apprendre par le dernier numéro de Parade sauvage la mort d’un grand rimbaldien Marc Ascione. Il est décédé le 18 mars 2022 à l’âge de 68 ans. On s’étonne que l’information n’ai pas été donnée avant à tous les rimbaldiens. Ceux qui en étaient informés auraient pu le faire savoir en l’honneur de ce grand critique.


Les travaux de Marc Ascione sont très importants. Il s’était  fait connaître avec un article écrit avec Jean-Pierre Chambon : les zolismes de Rimbaud qui ouvrait la voie à des interprétations érotiques nouvelles de l’œuvre  du poète. 


Le résultat le plus spectaculaire de ce critique fut donné dans le livre « Arthur Rimbaud, l’œuvre - vie »  sous la direction d’Alain Borer où il révélait que la Lettre du baron de Petdechèvre n’était pas de Rimbaud contrairement à ce que pensaient Etiemble et Steve Murphy.


En 1991, il a proposé de nouvelles traductions des vers latins de Rimbaud dont certaines ont été retenues dans la Pléiade. Cf : « Le poète latin », Le Magazine littéraire, n°289, juin 1991, p.48.


Nous espérons que l’hommage annoncé par la revue recensera l’ensemble de ses articles.


Une information amusante nous est aussi donnée par la revue. Un certain Circeto qui s’était beaucoup manifesté lors du prétendu portrait de Rimbaud à Aden vient de révéler son identité. La revue publie un article où il est écrit : Circeto (François Berthias, dit).  On est en droit de se demander si ce François Berthias n’est pas un autre masque, ce qui ne nous surprendrait pas de la part du facétieux Circeto

dimanche 26 février 2023

Léon Dierx et Rimbaud

 

Léon Dierx par Forain. DR.



Moins connu que son compatriote Leconte de Lisle, Léon Dierx (1838, 1912)  fut un poète apprécié de Rimbaud. On sait peu de choses sur lui et il semble bien oublié. Le but de cet article est de tenter d’en savoir un peu plus long sur ce poète qui fut très estimé de ses contemporains. Selon son ami Delahaye, Rimbaud avait envisagé de le contacter pour aller à Paris. Il l’avait connu par plusieurs poèmes qui avaient été publiés dans les deux livraisons du Parnasse contemporain. Il était mentionné dans la lettre du Voyant parmi les talents. L’un de ses poèmes publiés dans la seconde livraison Le Vieux solitaire aurait selon certains inspiré le fameux Bateau ivre. Voici ce poème :


Je suis tel qu'un ponton sans vergues et sans mâts,

Aventureux débris des trombes tropicales,

Et qui flotte, roulant des lingots dans ses cales,

Sur une mer sans borne et sous de froids climats.


Les vents sifflaient jadis dans ses mile poulies.

Vaisseau désemparé qui ne gouverne plus,

Il roule, vain jouet du flux et du reflux,

L'ancien explorateur des vertes Australies !


Il ne lui reste plus un seul des matelots

Qui chantaient sur la hune en dépliant la toile.

Aucun phare n'allume au loin sa rouge étoile ;

Il roule, abandonné tout seul sur les grands flots.


La mer autour de lui se soulève et le roule,

Et chaque lame arrache une poutre à ses flancs ;

Et les monstres marins suivent de leurs yeux blancs 

Les mirages confus du cuivre sous la houle.


Il flotte, épave inerte, au gré des flots houleux,

Dédaigné des croiseurs aux bonnettes tendues,

La coque lourde encor de richesses perdues,

De trésors dérobés aux pays fabuleux.


Tel je suis. Vers quels ports, quels récifs, quels abîmes, 

Dois-tu les charrier, les secrets de mon cœur ? 

Qu'importe ? Viens à moi, Caron, vieux remorqueur. 

Ecumeur taciturne aux avirons sublimes !


De gauche à droite : Dierx, dessin de Moretti, Rimbaud. DR.


Contrairement à ce que l’on a pu dire, Dierx participait aux dîners des Vilains Bonshommes et il était peut-être à la présentation du fameux dîner du 30 septembre 1871 présidé par Banville. Ce qui est certain c’est qu’il a rencontré Rimbaud. Il était à la représentation de la pièce « Le bois » de Glatigny qui se tenait à L’Odéon le 15 novembre 1871. Edmond Lepelletier avait épinglé Verlaine et Rimbaud dans un article du Peuple souverain paru le  lendemain :


 « Tout le Parnasse était au complet, circulant et devisant au foyer, sous l’œil de leur éditeur Alphonse Lemerre. On remarquait ça et là le blond Catulle Mendès donnant le bras au flave Mérat. Léon Valade, Dierx, Henri Houssaye causaient ça et là. Le poète saturnien Paul Verlaine donnait le bras à une charmante jeune personne, Mlle Rimbaut(sic). »


Dierx s’était d’abord fait connaître de Leconte de Lisle dont il fréquentait le salon en 1864 et se lia d’amitié avec plusieurs poètes. On lui proposa de publier des poèmes dans le Parnasse contemporain où il donna des préoriginales de son recueil le plus important Les Lèvres closes paru chez Lemerre en 1867. Rimbaud le connaissait car dans l’album zutique il avait écrit un poème Vu à Rome, signé Leon Dierx et surtitré Les lèvres closes. On ne sait pas bien interpréter ce poème zutique, où l’on  trouve peu de lien avec l’œuvre de Dierx.


L’auteur du Vieux solitaire a su se faire apprécier de tous les poètes car il était aimable et modeste. Il a connu tous ceux qui ont bien connu Rimbaud : Valade, Mérat, Verlaine, Mallarmé, Forain, Germain Nouveau, Charles Cros, notamment. Ce dernier lui proposa de publier un poème dans la Revue du monde nouveau en 1874 .





De 1872 à 1874 il donna 15 poèmes à la Renaissance littéraire et artistique. Dans cette même revue Mallarmé écrivait « L’œuvre poétique de Léon Dierx » le 16 novembre 1872 dont il faisait l’éloge.

Verlaine connaissait Dierx depuis 1867. Les deux poètes s’appréciaient et s’envoyaient leurs livres. Dierx fut un des rares à écrire à Verlaine quand il était en prison.

À partir de 1878 Dierx cessa de publier. Son silence dura trente ans. Un certain Henry Dérieux écrivit une étude sur lui en comparant son silence à celui de Rimbaud. Ce qui est curieux c’est qu’il fut désigné comme prince des poètes succédant à Mallarmé en 1898. Gloire qu’il n’attendait pas mais qu’il accepta avec humilité.

Il connaissait aussi Germain Nouveau qui le rencontrait chez Nina de Villars.


Léon Dierx était peintre. Son ami Albert Mérat fit don, en 1905, d’un tableau de Dierx représentant un paysage, au musée de Troyes. Il était aussi très ami avec Forain qui a réalisé le portrait que nous publions en tête de notre article.


On peut regretter que personne ne se soit avisé de le questionner sur l’auteur du Bateau ivre alors qu’il a vécu jusqu’en 1912, à une époque où l’œuvre du poète était bien publiée. Verlaine avait peut-être pensé à lui pour avoir des manuscrits quand il en recherchait dans les années 1880. 




mercredi 28 décembre 2022

Rimbaud et Walter Scott

 Il y a cinq ans j’avais publié un article dans lequel j’avais montré que Rimbaud avait emprunté à Walter Scott la maxime qui se trouvait dans la grammaire qu'il avait annotée 

Pensez tout ce que vous voudrez 

Mais songez bien à ce que vous direz !


Elle se trouve textuellement dans un roman de Walter Scott intitulé La jolie fille de Perth. J’avais trouvé une édition de 1868 que Rimbaud avait pu lire. Et qui comprenait notamment La jolie fille de Perth. 

Cette découverte n’avait à ma connaissance suscité aucune réaction de la part des chercheurs.


Il se trouve que le regretté Bruno Claisse avait suggéré à propos de l’Illumination Dévotion que Rimbaud avait été inspiré par le roman Yvanohé de Walter Scott.


Je retranscris ici son texte où il pensait avoir trouvé l’explication de l’énigmatique À ma sœur Léonie Aubois d’Ashby : 




Ceci permet de renforcer l’hypothèse de Claisse puisqu’on est sûr que Rimbaud a lu Walter Scott.


Voilà, je l’espère de quoi relancer les recherches sur Walter Scott et Rimbaud

mardi 29 novembre 2022

Un nouveau portrait de Rimbaud

 

Collection Gérard Dôle. DR.

Gérard Dôle vient de publier un livre intitulé : Rimbaud la photographie oubliée aux éditions Terre de brume.


Comme le titre l’indique il s’agit d’une photographie de Rimbaud inédite que l’on peut voir en tête de notre blog. L’auteur explique longuement comment il a été en possession de cette photo. On apprend qu’il vit depuis 50 ans au 10 rue de Buci à Paris qui est l’endroit où le poète Théodore de Banville avait habité. Gérard Dôle nous raconte qu’il a connu à cet endroit un individu nommé l’Astronome et qui lui  a dit que ses grands-parents ont connu Rimbaud qu’ils avaient hébergé pendant La Commune à cette même adresse. De plus l’Astronome avait offert à Gérard Dôle une photographie de Rimbaud que celui-ci aurait envoyé à ses grands-parents pour les remercier de leur accueil. Cette épreuve réalisée par le photographe Pierre Petit est un portrait carte dont le verso indique la date d’août 73 qui correspond à la date indiquée par Rimbaud pour la fin de la rédaction d’Une Saison en enfer. L’hypothèse de Gérard Dôle est que Rimbaud aura voulu se faire tirer son portrait pour lancer son livre. 


Collection Gérard Dôle. DR.

Le premier problème est que Gérard Dôle écrit que Rimbaud avait trouvé porte de bois chez Banville parce que le parnassien se serait réfugié en province pendant la Commune. Or c’est inexact. En effet on connaît une lettre de Banville du 4 juin 1871 dans laquelle il écrit :  « heureusement j’avais ma mère chez moi et j’étais allé la chercher à temps le jour où l’armée est entrée à Paris ; car si la bataille a été sanglante dans la rue de Buci que j’habite, elle l’a été bien plus encore rue Saint-André-des-Arts.(…) Enfin l’ordre est rétabli , mais que nous avons vu de sang et de morts, et ensuite quel spectacle de voir tous les monuments de Paris brûlés et ruinés ! »

Donc Banville était chez lui quand Rimbaud aurait sonné à sa porte vers le 29 mai 1871. Rimbaud l’aurait donc nécessairement vu. Mais Rimbaud dans sa lettre à Banville du 15 août 1871 ne mentionne pas cette rencontre et il remercie simplement son maître de lui avoir répondu contrairement à ce que dit Gérard Dôle qui écrit que le parnassien n’avait pas daigné répondre à cette lettre. 


Le second problème est la date d’août 73 indiquée sur la photographie. Gérard Dôle suppose qu’après l’incident de Bruxelles Rimbaud est passé par Paris la première semaine d’août 1873.  On a du mal à croire que Rimbaud ait voulu se faire tirer son portrait à Paris alors qu’il était encore blessé et que la rédaction de son livre n’était pas finie. S’il voulait un portrait pour lancer son livre la date d’octobre 1873, au moment où il va chercher ses épreuves à Bruxelles, aurait été plus crédible. 


Cela dit, on peut trouver la photographie ressemblante et l’on pourrait disserter à perte de vue sur les cheveux, le dessin de la bouche, les yeux, la barbe, etc. Le désir de voir Rimbaud sur cette photo peut créer une conviction chez certains admirateurs du poète.


La seule preuve que nous ayons est le témoignage de Gérard Dôle concernant un ami disparu depuis. La photographie a été expertisée par un spécialiste des photographie du 19e siècle qui affirme que le support est d’époque.


On peut douter qu’une preuve puisse être apportée sur l’authenticité de cette photographie. Elle appartient à la galerie des portraits de Rimbaud comme ceux de Garnier et de Rosman.


Le livre de Gérard Dôle mérite cependant d’être lu par les rimbaldiens. Il remet au goût du jour la participation de Rimbaud à la Commune auquel il apporte beaucoup de documents iconographiques. Surtout, il révèle une lettre inédite de François Coppée qui prouve que ce poète avait été hébergé par Banville pendant la semaine sanglante. Habitent à ce moment-là rue de Bucci : Banville, sa mère, sa femme, son fils adoptif, François Coppée, et s’il faut en croire Gérard Dôle les deux grands-parents de l’Astronome et Rimbaud. Cela fait beaucoup de monde ! 


D’une certaine façon ce livre témoigne de la fascination pour le portrait de Rimbaud. Il met en lumière aussi un photographe dont on parle moins que Carjat : Pierre Petit. Ce dernier fut pourtant célèbre de son temps et Carjat fut son élève.




dimanche 20 novembre 2022

Actualité rimbaldienne, conférence et colloque

 


Thierry Dardart pendant sa conférence


J’ai assisté hier samedi à la conférence donnée par Thierry Dardart à la Société des Poètes français intitulée L’honneur du capitaine Rimbaud. Cette conférence est organisée par l'Association des Amis de Rimbaud  et est une une reprise de celle qui avait été donnée à Charleville le mois dernier par la même association. Elle fait référence à un livre du même titre publié par l’auteur. Cette conférence renouvelle ce que nous savions du capitaine Rimbaud notamment par un regard croisé entre le capitaine et son fils. Les renseignements recueillis sont pour la plupart très précieux, que ce soit ceux relatifs à la carrière de Frédéric Rimbaud dans l’armée française ou ceux sur sa personnalité beaucoup plus complexe qu’on serait tenté de le croire. Le capitaine Rimbaud échappe à l’image du militaire de carrière de son époque. C’est un homme qui s’intéresse à de nombreux sujets comme le montrent ses divers écrits. On apprend que le capitaine n’a pas laissé de testament, « ultime refus de filiation ». Cette conférence a été suivie par de nombreuses questions posées par l’assistance venue nombreuse. Alain Tourneux peut être satisfait de cette conférence qu’il a organisée dans le cadre des activités de l’association des amis de Rimbaud. 


Colloque du Vendredi 18 novembre.

J’ai pu assister vendredi au colloque intitulé « portraits de maudits (XIXe -XXIe siècle) » organisé à l’école normale supérieure de Cachan.


De Gauche à droite Julien Schuh et Jean-Didier Wagneur

C’était un beau sujet et les communications ont toutes été passionnantes. Je n’ai pas vu le temps passer pendant les quatre heures du colloque. La première intervention a été celle de Jean-Didier Wagneur intitulé « Quand. Le poète peint l’enfer , il peint sa vie » quelques approximations. »

L’érudition de Monsieur Wagner est stupéfiante. Il a notamment présenté sa conférence à travers la presse de l'époque. Il faut dire qu’il a été le maître d’oeuvre de la numérisation de Gallica qui est le paradis des chercheurs.


A suivi  l’intervention de Julien Schuh « Maudit par les poètes : Fancisque Sarcey. » Il s’agit ici de montrer la détestation des écrivains poètes pour un homme qui a été critique pendant 30 ans au journal Le Temps. On voit beaucoup de caricatures du personnage.Ce n’est plus les poètes qui sont maudits, mais le critique qui ne les comprend pas. Ces critiques permettent d’une certaine façon de mieux cerner ce que représentent les poètes maudits.


Puis vint l’intervention de Benoît Houzet « Maudit par anticipation : enjeux de la malédiction dans l’iconographie de Tristant Corbière »

Benoît Houzet est connu pour avoir découvert un document manuscrit exceptionnel sur Tristan Corbière : « le livre noir ». Il utilise ce document pour montrer que Tristan Corbière ne s’estimait pas avant la publication de son livre «  les amours jaunes ». Ce livre noir montre que Corbière faisait des dessins et peintures dans lequel il se caricaturait lui-même. Il se trouvait laid : « maudit par anticipation » et maudit par lui-même. Monsieur Houzet est un jeune chercheur brillant et sympathique. Pour information il prépare une thèse sur Corbière sous la direction de Steve Murphy.


à l'extrême gauche Benoît Houzé, Henri Scepi, Eric Dayre.

L’intervention suivante « Photographier le maudit : les portraits de Baudelaire par Nadar » est celle de Eric Dayre qui enseigne à ENS de Lyon. Intervention tout simplement géniale qui présente l’importance de la photographie de Baudelaire de 1855 par Nadar qu’il met en parallèle avec celle de l’atelier de Courbet où Baudelaire est représenté. Son analyse très fine montre que l’auteur des Fleurs du mal n’y est pas représenté suivant les habituels portraits en pied de Nadar. Selon lui l’explication réside entre la rivalité des deux frères Nadar dont le plus jeune serait meilleur photographe et de loin. Intervention fascinante qui ouvre des perspectives pour les chercheurs.


La dernière intervention est celle de l’Américaine  Raisa Rexer « les poètes maudits de Carjat : Rimbaud, Verlaine, Mallarmé »

Intervention d’une spécialiste de littérature et de photographie. Sa présentation des portraits de Mallarmé donne de précieuses remarques notamment sur le fait que Mallarmé ait préféré se montrer d’après le portrait de Manet plutôt que sur une photographie où il semble beaucoup plus jeune. Concernant les portraits de Rimbaud par Carjat je me suis permis d’intervenir en précisant que j’avais résolu complètement le problème des deux photographies de Carjat. J’ai eu le regret de constater qu’Andréa Schellino défendait l’idée maintes fois exprimée que les deux photographies de Carjat avaient été prises le même jour avec des arguments qui n’ont plus lieu d’être. On revient à Berrichon qui disait que les deux photographies avaient été prises à quelques heures d’intervalle. Erreur déjà signalée en 1949 par Pierre Petitfils. Je réalise qu’il est important que je publie une explication détaillée de cet intéressant problème.


Henri Scepi et Raisa Rexer.
 En projection les deux photos de Rimbaud

Je regrette de n’avoir pu assister aux interventions du samedi particulièrement à celle d’Henri Scepi « Fraternité maudite : Vangogh, Artaud et le "monde n’a qu’à la boucler" ». La finesse des analyses d’Henry Scepi est bien connue.


En résumé c’est un colloque passionnant et il faut féliciter Adrien Cavallaro et Andréa Schellino de l’avoir organisé.




dimanche 6 novembre 2022

Eugène Nyon, l’homme qui a répondu à Rimbaud

 

Eugène Nyon

Cet article est la suite du précédent.

On ne s’est pas beaucoup intéressé à l’homme qui avait répondu à Rimbaud dans La revue pour tous. Il s’appelait Eugène Nyon. C’était un homme de lettres qui écrivait notamment des vaudevilles et des textes destinés aux enfants. Son ouvrage le plus connu est Le colon de Mettray destiné à la jeunesse.


Rimbaud a certainement voulu le lire. Or le sujet du livre n’est pas sans rapport avec Les Étrennes des Orphelins. Il raconte l’histoire de deux enfants Joseph 12 ans et Donatien 8 ans. Ces deux enfants sont sans parents. Donatien est orphelin et Joseph a perdu sa mère et est élevé par une belle-mère qui le bat. Il s’enfuit de la maison.


On observe que dans Les Étrennes des Orphelins ce sont aussi  deux enfants.


Dans le livre de Nyon,  Il est question d’une maison de correction Clairvaux abominable et d’une autre qui améliorait le sort des enfants et qui au temps de Rimbaud, était une réussite.


Mettray

Il raconte une suite d’évènements tragiques, mais à la fin on se rend compte que ce n’était qu’un mauvais rêve et tout finit bien.


Rimbaud a repris l’idée du rêve : « un rêve joyeux » , « Ils rêvent que, penchés sur leur petit bras rond rond, / Doux geste du réveil, ils avancent le front,/ Et leur vague regard tout autour d’eux se pose…/ Ils se croient endormis dans un paradis rose…


Mais au réveil c’est une terrible déception car ils ne trouvent comme étrennes q’une couronne mortuaire qui leur rappelle que leur mère est morte.



À cela il faut ajouter que Nyon est mort le 29 janvier 1870. Le Gaulois du premier février 1870 précise qu’il était atteint d’un cancer et qu’il s’était alité trois semaines avant. Donc Nyon a répondu à Rimbaud une semaine avant de s’aliter. La revue pour tous n’a pas survécu à la mort de son directeur et ceci explique que Rimbaud n’a pas cherché à écrire à nouveau dans cette revue parisienne qui avait beaucoup de lecteurs.


Gaulois. Premier février 1870

En conclusion Rimbaud avait avant tout une stratégie pour être publié et il avait certainement cherché à se documenter sur le directeur de La revue pour tous.



samedi 22 octobre 2022

Rimbaud et « La revue pour tous »

 


Le 8 août 1892, Isabelle Rimbaud terminait une lettre à Louis Pierquin par cette phrase :


« À propos de vers, voici un petit détail qui vous intéressera peut-être : les premiers qu’il a composés ont été publiés fin 1869 ou commencement 1870 dans un journal hebdomadaire qui s’appelait La revue pour tous. Ces vers étaient intitulés Les Étrennes des Orphelins »


Elle donnait deux informations capitales : l’existence d’une poésie de Rimbaud inconnue à l’époque et par inférence le fait que Madame Rimbaud était abonnée à cette revue bien pensante.


Louis Pierquin était pressenti par l'éditeur Vanier pour écrire une préface aux œuvres de Rimbaud. Il informa immédiatement l'éditeur de l’existence du poème. Vanier le recopia à la Bibliothèque Nationale. Les Étrennes des Orphelins furent publié dans l’édition de 1895 des œuvres complètes de Rimbaud avec une préface de Verlaine.


Après avoir informé Pierquin, Isabelle affirma que son frère n’avait pas voulu être imprimé et que c’étaient ses camarades de classe qui avaient envoyé  le poème à la revue. C’était inexact car le 26 décembre 1869 on trouvait dans la correspondance avec les lecteurs cet entrefilet :


«  M.Rim. à Charleville.- La pièce de vers que vous nous adressez n’est pas sans mérite et nous nous déciderions sans doute à l’imprimer si, par d’habiles coupures, elle était réduite d’un tiers »

  

On ne connait aucun manuscrit du poème et nous ne savons pas quelles coupures Rimbaud a réalisées.


En général les commentateurs ne sont pas enthousiastes pour ce poème comme Jean-Jacques Lefrère qui parle d’une « pièce médiocre et pleurnicharde ». Même Verlaine était réticent à le mettre au début des oeuvres complètes de Rimbaud. 

 

Voici comment il présentait le poème dans la préface de 1895 :


« On a cru devoir, évidemment dans un but de réhabilitation qui n'a rien avoir ni avec la vie très honorable ni avec l'œuvre très intéressante, faire s'ouvrir le volume par une pièce intitulée Étrennes des Orphelins, laquelle assez longue pièce, dans le goût un peu Guiraud avec déjà des beautés tout autres. Ceci qui vaut du Débordes-Valmore :


             Les tout petits enfants ont le cœur si sensible !


Cela :

            La bise sous le seuil a fini par se taire,

Qui est d’un net et d’un vrai, quant à ce qui concerne un beau jour de premier janvier !  Surtout une facture solide, même un peu trop, qui dit l’extrême jeunesse de l'auteur quand il s'en servit d'après la formule parnassienne exagérée »


La plupart des commentateurs soulignent que Rimbaud a emprunté des vers surtout à François Coppé.


La revue publiait des poèmes d’auteur connus comme Victor Hugo et même, à la demande de plusieurs correspondants, Baudelaire dont l’œuvre était qualifiée  d’étrange et sinistre ! Ainsi le 15 janvier on pouvait lire le poème Spleen de Baudelaire.




On peut voir aussi à cette date du 15 janvier qu’il était question de la première à l’Odéon de la pièce de François Coppée Le passant. On se souvient que Rimbaud s’était présenté à Verlaine comme « moins génant qu’un Zanneto ». En poursuivant la lecture de la revue on trouve aussi une recension de « l’Homme qui rit » de Victor Hugo avec des extraits évoquant les Comprachicos que Rimbaud a nommés dans sa grande lettre du Voyant.


Il est possible qu’en épluchant la revue on puisse trouver des passages qui ont pu retenir Rimbaud.


Le directeur de la revue qui avait répondu à un courrier de Rimbaud était un certain Thomas Grimm. Il s’entourait de bons collaborateurs comme Jules Andrieu que Rimbaud connaîtra plus tard. Andrieu écrivait régulièrement dans la revue une chronique qui s’intitulait à travers les livres où il parlait de littérature espagnole, anglaise notamment avec une érudition impressionnante.


Thomas Grimm était écrivain et avait publié de nombreux ouvrages. Il ne souhaitait pas imprimer n’importe quel poème et était particulièrement féroce dans sa correspondance pour ceux qui lui fournissaient de mauvais vers. Son idéal était les poètes parnassiens. 


Nous verrons qu’il donnera à Rimbaud une source crédible aux Etrennes des Orphelins.


À suivre…