mardi 18 avril 2023

Arthur Rimbaud vit ! Document inédit. Mis à jour le 11mai.

 





Dans la revue Les Hommes d’aujourd’hui du 17 janvier 1888 Verlaine écrivait qu’on n'avait plus de nouvelles de Rimbaud. La fausse nouvelle de la mort de Rimbaud fut colportée plusieurs fois à partir de 1886. Dans sa notice sur les Illuminations (octobre 1886) Verlaine écrivait : « On l’a dit mort plusieurs fois. Nous ignorons ce détail, mais en serions bien triste » et dans une lettre à Vanier du 24 février 1887 il dit ne pas savoir si son ancien ami est toujours vivant. C’est à la suite de ces rumeurs qu’il composa « Læti et errabundi » achevé en septembre 1887 mais publié le 29 septembre 1888 dans La Cravache. Dans ce poème Verlaine écrivait :

On vous dit mort, vous, que le Diable/ Emporte avec qui la colporte/ la nouvelle irrémédiable/ qui vient ainsi batte ma porte ! 

Je n’y veut rien croire. Mort, vous,/ Toi, dieu parmi les demi-dieux !/ Ceux qui le disent sont des fous ./ Mort mon grand péché radieux/ 


La question de savoir si Rimbaud était vivant en 1888 était donc à l’ordre du jour. 


Le document que nous publions n’a jamais été signalé. Il s’agit du journal Le  Parisien du 22 octobre 1888 qui annonçait triomphalement des nouvelles d’Arthur Rimbaud et qui précisait « Arthur Rimbaud vit ! »

Il publiait pour cela une lettre du vice-consul de France à Aden E. de Gaspary datée du 29 mai  1888 :


Monsieur Rimbaud Arthur est en ce moment au Harrar où il représente diverses maisons de commerce de cette place. J’ignorais que ce monsieur se fut occupé de travaux d’art. Sa santé est parfaite et il a accompli dernièrement avec succès un voyage au Choa.


Signé E.de Gaspari( sic),

Consul de France


Il faudra attendre le 2 novembre 1889 pour que sous la plume de Paul Bourde on donne des nouvelles de Rimbaud au Harrar. Cependant Jean-Jacques Lefrère écrivait dans Rimbaud le disparu que l’information semblait être passée inaperçue.


Verlaine a-t-il connu cette information du Parisien ? C’est très probable, car Le Parisien comme son nom l’indique était connu à Paris. Ses amis à l’époque ont dû l’en informer.


Je remercie Olivier Bivort de m’avoir communiqué ce document.

Mise à jour : Gabriel Mourey était un poète marseillais ami de Mallarmé. Il est très peu connu et mériterait quelques recherches.

Concernant le personnage qui a renseigné Mourey sur Rimbaud, nous avons plusieurs informations : 


  1. La date de la lettre de Gaspary : 29 mai 1888
  2. Il s’agit d’un ami de Gabriel Mourey passionné de littérature et d’art ultramoderne qui s’amuse à recueillir des documents sur ce que l’on est convenu d’appeler le mouvement décadent.( pourquoi Mourey ne donne pas son nom et donne tous ces renseignements?)

3) C’est nécessairement quelqu’un qui savait qu’on avait annoncé la mort de Rimbaud à partir de 1886 : La Vogue 5 juillet 1886, Le symboliste, 7 octobre 1886, Le temps 24 octobre 1886


Fénéon écrit dans le symboliste du 7-14 octobre 1886 :

Un liminaire de M. Paul Verlaine veut renseigner sur Arthur Rimbaud : ce disparu voguerait en Asie, se dédiant à des travaux d’art. Mais les nouvelles sont contradictoires ; elles le dirent marchand de cochons dans l’Aisne, roi de nègres, racoleur pour l’armée néerlandaise de la Sonde. Ce printemps, la Revue des Journaux et des Livres annonçait le « décès » de M. Arthur Rimbaud, poète et agronome. À la même époque, M. Bourget tenait d’Anglais qu’il était mort, récemment, en Afrique, au service de trafiquants d’arachides, d’ivoire, de peaux. Feu Arthur Rimbaud, – le dénomma un sommaire de la Vogue.


On peut donc émettre l’hypothèse que Félix Fénéon est l’ami qui a renseigné Gabriel Mourey.



vendredi 14 avril 2023

Un nouveau commentaire sur l'article de Gilles Lapointe.

 Alain Bardel vient de mettre en ligne sur son site, peu après le nôtre, un compte rendu de l’article de Gilles Lapointe sur « H » l’illumination de Rimbaud.

La trajectoire d’Alain Bardel est exemplaire. Professeur de français dans un lycée il a commencé par faire un site pour ses élèves. Peu à peu son site est devenu une sorte de référence pour les rimbaldiens. Il a fait de nombreuses publications dans diverses revues notamment dans un dictionnaire Rimbaud. Enhardie par cette notoriété il publie régulièrement des analyses de textes. Concernant le dernier en date, j’éprouve le besoin de faire quelques commentaires.


La critique de l’article de Gilles Lapointe est l’occasion pour lui de donner un historique des études sur « H ». L’érudition d’Alain Bardel est certaine. Néanmoins cette érudition a ses limites comme nous allons le voir. Son propos est de montrer qu’il n’y a plus d’énigme de « H » depuis longtemps et que la masturbation est la clé de l’énigme. Selon lui le premier à avoir donné une solution satisfaisante est Louis Aragon en 1921. Malheureusement Bardel ne donne pas le texte d’Aragon correspondant qui aurait été utile. Passons. Puis Bardel convoque le livre d’Etiemble écrit en 1936 dans lequel celui-ci affirme que le sujet de « H » est clair et qu’il s’agit de la masturbation. Observons que sauf erreur Etiemble n’a pas cru bon d’en reparler dans la réédition de 1950. 

C’est alors que Bardel convoque Robert Faurisson dont il prétend qu’il a reformulé l’hypothèse d’Etiemble dans la revue Bizarre de 1961 dont il cite cet extrait :


 « Rimbaud fait d'Hortense (au cours du poème) le symbole de l'Habitude [...] et finit donc par évoquer généralement la masturbation comme le dit R. Étiemble. »  


Le problème est que cet extrait donne l’impression que Faurisson donne raison à Etiemble ce qui est totalement faux. En effet la phrase qui suit l’extrait de Faurisson le montre :  


« Mais comme ne le dit pas R. Etiemble, les trois premières phrases(il n’explique pas la première et fait un contresens sur la troisième) et surtout la dernière ( si énigmatique et qu’il passe totalement sous silence, ainsi qu’Antoine Adam) concernent la personne même de Rimbaud. » 


Pour justifier l’ « hydrogène clarteux » Bardel convoque le Littré qui dit-il explique qu’il s’agit du gaz d’éclairage. Bardel oublie la note plus pertinente d’Antoine Adam dans la Pléiade de 1983 : 


« Le mot clarteux n’est pas une création de Rimbaud. Il est signalé par Z. Zeligson, Dictionnaire des patois romans de la Moselle,1922-1925.Il est synonyme de clair. L’hydrogène clarteux, c’est très simplement le gaz. »


Quand Bardel parle de consensus sur l’énigme « H » il se trompe. Dans son admirable livre publié par l’Imprimerie Nationale en 1986, Cecil Hackett écrit : 


« Selon nous, c’est dans un contexte social qu’il faut interpréter H : Hortense est l’idole, la femme idéale de Soleil et chair, prostituée par les « monstruosités » de la vie bourgeoise, la Femme sur qui l’homme a « saigné noir ».


Sans oublier des critiques et non des moindres comme Yves Bonnefoy et Albert Py qui placent ce poème sous le signe du Haschich.


Rimbaud devait bien se douter que sa charade donnerait l’auto-érotisme comme solution évidente. C’est la raison pour laquelle je pense que l’hypothèse de Gilles Lapointe est plus subtile et me semble juste.


On se demande quel est le but de la glose de Bardel. Sans doute  veut-il se donner le rôle d’arbitre et donner son avis personnel distribuant comme à son habitude les bons et les mauvais points. Bardel n’est pas un chercheur et il n’a jamais rien trouvé à ma connaissance. Ses commentaires transpirent l’ennui comme dans son dernier article de Parade sauvage où rester éveillé reste une performance.

samedi 1 avril 2023

Une nouvelle interprétation de "H"

 

DR. JB.



Toutes les monstruosités violent les gestes atroces d’Hortense. Sa solitude est la mécanique érotique, sa lassitude, la dynamique amoureuse. Sous la surveillance d’une enfance, elle a été, à des époques nombreuses, l’ardente hygiène des races. Sa porte est ouverte à la misère. Là, la moralité des êtres actuels se décorpore en sa passion ou en son action – Ô terrible frisson des amours novices, sur le sol sanglant et par l’hydrogène clarteux! trouvez Hortense.

Le manuscrit de « H » est l’un des rares à ne pas être accessible par internet. Sa localisation est inconnue. On ne connaît qu’un fac-similé publié par Bouillane de Lacoste dans Rimbaud et le problème des « Illuminations », Mercure de France, 1949, P.167. C’est celui que nous avons mis en tête de notre article. Le texte qui suit est conforme à celui de la Pléiade.

Gilles Lapointe écrivain Québécois vient de publier un article de 45 pages dans la revue Parade sauvage intitulé : Rimbaud et Victor Hugo, L’énigme de « H ».

« H » est le titre d’une illumination bien connue de Rimbaud qui a reçu de multiples interprétations. Dans son article précis et bien documenté Gilles Lapointe en rappelle un certain nombre notamment celle d’André Guyaux : « H » comme habitude qui désigne le plaisir solitaire expliquant par exemple « Sa solitude est la mécanique érotique »

L’écrivain Québécois propose de montrer que H et Hortense désignent Victor Hugo. Cette illumination ferait suite à L’homme juste de Hugo qui montre que ce poème vise Victor Hugo.

Gilles Lapointe fait référence à un article de mon blog intitulé : Rimbaud ou le meurtre du père Hugo. J’y écrivais qu’après avoir écrit la lettre du Voyant dans laquelle Rimbaud avec quelques réserves écrivait que Les Misérables de Hugo était un vrai poème : « La vraie surprise est que deux mois plus tard, en juillet, dans L’Homme juste, l’opinion de Rimbaud change dans un sens radical. Ce sont même des insultes que profère Rimbaud contre l’auteur des Châtiments. L’explication de cette évolution donnée par Yves Reboul est que Rimbaud, qui avait entre-temps appris l’écrasement de la Commune par les Versaillais, ne supportait pas la position de Hugo qui implorait le pardon des communards après les avoir attaqués ». Puis Lapointe ajoute : est-ce aller un peu trop loin que de laisser entendre, comme le fait Bienvenu, que Hugo aurait « attaqué » les communards et qu’« enfoncer le père Hugo deviendra l’une des priorités » de Rimbaud ? Notre lecture de « H » tend à le confirmer.

En fait j’avais déjà signalé une attaque de Rimbaud contre Hugo dans un article intitulé «  Chanson de la plus haute tour ou le château romantique »(Parade sauvage numéro spécial hors série, 2008). 

Je montrais en particulier que dans le cinquième sizain du poème «  Chanson de la plus haute tour »

 Ah! Mille veuvages

De la si pauvre âme

Qui n'a que l’image

De la Notre-Dame!

Est-ce que l'on prie

La Vierge Marie ?

: «  qui n’a que l’image de la Notre Dame » renvoie inévitablement au poète auteur universellement connu de Notre Dame de Paris et à sa piété dont Rimbaud s’était déjà moqué dans l’Homme juste. Les veuvages ne font pas allusion à Verlaine comme certains le pensaient. Hugo venait d’enterrer son fils à Paris le 18 mars 1871. Faut-il rappeler que Hugo avait exprimé dans Les Contemplations les douleurs de son âme après la mort de sa fille. Parmi les veuvages il faut donc comprendre ces deuils et la souffrance de l’Exil.

Dans son article Gilles Lapointe analyse les phrases de « H » qui semblent justifier sa thèse. Ainsi il écrit : « L’énoncé suivant, banal en apparence, est cependant hautement significatif – « Sa porte est ouverte à la misère » – et désigne de façon explicite, et même deux fois plutôt qu’une, l’auteur des... Misérables : il est même étonnant que ce fait textuel n’ait pas été jusqu’ici davantage souligné. N’oublions pas que le roman de Hugo a d’abord porté le titre Les misères. »

Il poursuit : « Sous la surveillance d’une enfance » de « H » se rapporte aux soins constants que réclama Hugo, un enfant d’une fragilité si extrême qu’il serait même « né » deux fois ! 

De même : l’expression « Ô terrible frisson des amours novices » pourrait bien évoquer pour sa part les amours déçues de Fantine et d’Éponine, véritables portraits de la misère amoureuse dans Les Misérables.

On est certain que Rimbaud a lu Les Misérables et j’ai pour ma part montré que dans Solde, l’expression « splendeurs invisibles » se trouve dans les Misérables.

Gilles Lapointe ajoute : « L’expression « hydrogène clarteux » pourrait aussi évoquer de manière parodique les «constellations, ces hydres étoilées » et autres visions stellaires qui associent directement Hugo aux corps célestes bourdonnants, aux « flueurs d’astres lactés et essaims d’astéroïdes.

Je laisse au lecteur le soin de découvrir comment Gilles Lapointe dans son  article explique que Hortense est Victor Hugo.

Pour conclure je dirai que l’article m’a convaincu et qu’il est rare d’avoir une nouvelle interprétation décisive d’un poème aussi commenté que « H ».





 




vendredi 17 mars 2023

Décès de Marc Ascione

 

On vient d’apprendre par le dernier numéro de Parade sauvage la mort d’un grand rimbaldien Marc Ascione. Il est décédé le 18 mars 2022 à l’âge de 68 ans. On s’étonne que l’information n’ai pas été donnée avant à tous les rimbaldiens. Ceux qui en étaient informés auraient pu le faire savoir en l’honneur de ce grand critique.


Les travaux de Marc Ascione sont très importants. Il s’était  fait connaître avec un article écrit avec Jean-Pierre Chambon : les zolismes de Rimbaud qui ouvrait la voie à des interprétations érotiques nouvelles de l’œuvre  du poète. 


Le résultat le plus spectaculaire de ce critique fut donné dans le livre « Arthur Rimbaud, l’œuvre - vie »  sous la direction d’Alain Borer où il révélait que la Lettre du baron de Petdechèvre n’était pas de Rimbaud contrairement à ce que pensaient Etiemble et Steve Murphy.


En 1991, il a proposé de nouvelles traductions des vers latins de Rimbaud dont certaines ont été retenues dans la Pléiade. Cf : « Le poète latin », Le Magazine littéraire, n°289, juin 1991, p.48.


Nous espérons que l’hommage annoncé par la revue recensera l’ensemble de ses articles.


Une information amusante nous est aussi donnée par la revue. Un certain Circeto qui s’était beaucoup manifesté lors du prétendu portrait de Rimbaud à Aden vient de révéler son identité. La revue publie un article où il est écrit : Circeto (François Berthias, dit).  On est en droit de se demander si ce François Berthias n’est pas un autre masque, ce qui ne nous surprendrait pas de la part du facétieux Circeto

dimanche 26 février 2023

Léon Dierx et Rimbaud

 

Léon Dierx par Forain. DR.



Moins connu que son compatriote Leconte de Lisle, Léon Dierx (1838, 1912)  fut un poète apprécié de Rimbaud. On sait peu de choses sur lui et il semble bien oublié. Le but de cet article est de tenter d’en savoir un peu plus long sur ce poète qui fut très estimé de ses contemporains. Selon son ami Delahaye, Rimbaud avait envisagé de le contacter pour aller à Paris. Il l’avait connu par plusieurs poèmes qui avaient été publiés dans les deux livraisons du Parnasse contemporain. Il était mentionné dans la lettre du Voyant parmi les talents. L’un de ses poèmes publiés dans la seconde livraison Le Vieux solitaire aurait selon certains inspiré le fameux Bateau ivre. Voici ce poème :


Je suis tel qu'un ponton sans vergues et sans mâts,

Aventureux débris des trombes tropicales,

Et qui flotte, roulant des lingots dans ses cales,

Sur une mer sans borne et sous de froids climats.


Les vents sifflaient jadis dans ses mile poulies.

Vaisseau désemparé qui ne gouverne plus,

Il roule, vain jouet du flux et du reflux,

L'ancien explorateur des vertes Australies !


Il ne lui reste plus un seul des matelots

Qui chantaient sur la hune en dépliant la toile.

Aucun phare n'allume au loin sa rouge étoile ;

Il roule, abandonné tout seul sur les grands flots.


La mer autour de lui se soulève et le roule,

Et chaque lame arrache une poutre à ses flancs ;

Et les monstres marins suivent de leurs yeux blancs 

Les mirages confus du cuivre sous la houle.


Il flotte, épave inerte, au gré des flots houleux,

Dédaigné des croiseurs aux bonnettes tendues,

La coque lourde encor de richesses perdues,

De trésors dérobés aux pays fabuleux.


Tel je suis. Vers quels ports, quels récifs, quels abîmes, 

Dois-tu les charrier, les secrets de mon cœur ? 

Qu'importe ? Viens à moi, Caron, vieux remorqueur. 

Ecumeur taciturne aux avirons sublimes !


De gauche à droite : Dierx, dessin de Moretti, Rimbaud. DR.


Contrairement à ce que l’on a pu dire, Dierx participait aux dîners des Vilains Bonshommes et il était peut-être à la présentation du fameux dîner du 30 septembre 1871 présidé par Banville. Ce qui est certain c’est qu’il a rencontré Rimbaud. Il était à la représentation de la pièce « Le bois » de Glatigny qui se tenait à L’Odéon le 15 novembre 1871. Edmond Lepelletier avait épinglé Verlaine et Rimbaud dans un article du Peuple souverain paru le  lendemain :


 « Tout le Parnasse était au complet, circulant et devisant au foyer, sous l’œil de leur éditeur Alphonse Lemerre. On remarquait ça et là le blond Catulle Mendès donnant le bras au flave Mérat. Léon Valade, Dierx, Henri Houssaye causaient ça et là. Le poète saturnien Paul Verlaine donnait le bras à une charmante jeune personne, Mlle Rimbaut(sic). »


Dierx s’était d’abord fait connaître de Leconte de Lisle dont il fréquentait le salon en 1864 et se lia d’amitié avec plusieurs poètes. On lui proposa de publier des poèmes dans le Parnasse contemporain où il donna des préoriginales de son recueil le plus important Les Lèvres closes paru chez Lemerre en 1867. Rimbaud le connaissait car dans l’album zutique il avait écrit un poème Vu à Rome, signé Leon Dierx et surtitré Les lèvres closes. On ne sait pas bien interpréter ce poème zutique, où l’on  trouve peu de lien avec l’œuvre de Dierx.


L’auteur du Vieux solitaire a su se faire apprécier de tous les poètes car il était aimable et modeste. Il a connu tous ceux qui ont bien connu Rimbaud : Valade, Mérat, Verlaine, Mallarmé, Forain, Germain Nouveau, Charles Cros, notamment. Ce dernier lui proposa de publier un poème dans la Revue du monde nouveau en 1874 .





De 1872 à 1874 il donna 15 poèmes à la Renaissance littéraire et artistique. Dans cette même revue Mallarmé écrivait « L’œuvre poétique de Léon Dierx » le 16 novembre 1872 dont il faisait l’éloge.

Verlaine connaissait Dierx depuis 1867. Les deux poètes s’appréciaient et s’envoyaient leurs livres. Dierx fut un des rares à écrire à Verlaine quand il était en prison.

À partir de 1878 Dierx cessa de publier. Son silence dura trente ans. Un certain Henry Dérieux écrivit une étude sur lui en comparant son silence à celui de Rimbaud. Ce qui est curieux c’est qu’il fut désigné comme prince des poètes succédant à Mallarmé en 1898. Gloire qu’il n’attendait pas mais qu’il accepta avec humilité.

Il connaissait aussi Germain Nouveau qui le rencontrait chez Nina de Villars.


Léon Dierx était peintre. Son ami Albert Mérat fit don, en 1905, d’un tableau de Dierx représentant un paysage, au musée de Troyes. Il était aussi très ami avec Forain qui a réalisé le portrait que nous publions en tête de notre article.


On peut regretter que personne ne se soit avisé de le questionner sur l’auteur du Bateau ivre alors qu’il a vécu jusqu’en 1912, à une époque où l’œuvre du poète était bien publiée. Verlaine avait peut-être pensé à lui pour avoir des manuscrits quand il en recherchait dans les années 1880. 




mercredi 28 décembre 2022

Rimbaud et Walter Scott

 Il y a cinq ans j’avais publié un article dans lequel j’avais montré que Rimbaud avait emprunté à Walter Scott la maxime qui se trouvait dans la grammaire qu'il avait annotée 

Pensez tout ce que vous voudrez 

Mais songez bien à ce que vous direz !


Elle se trouve textuellement dans un roman de Walter Scott intitulé La jolie fille de Perth. J’avais trouvé une édition de 1868 que Rimbaud avait pu lire. Et qui comprenait notamment La jolie fille de Perth. 

Cette découverte n’avait à ma connaissance suscité aucune réaction de la part des chercheurs.


Il se trouve que le regretté Bruno Claisse avait suggéré à propos de l’Illumination Dévotion que Rimbaud avait été inspiré par le roman Yvanohé de Walter Scott.


Je retranscris ici son texte où il pensait avoir trouvé l’explication de l’énigmatique À ma sœur Léonie Aubois d’Ashby : 




Ceci permet de renforcer l’hypothèse de Claisse puisqu’on est sûr que Rimbaud a lu Walter Scott.


Voilà, je l’espère de quoi relancer les recherches sur Walter Scott et Rimbaud

mardi 29 novembre 2022

Un nouveau portrait de Rimbaud

 

Collection Gérard Dôle. DR.

Gérard Dôle vient de publier un livre intitulé : Rimbaud la photographie oubliée aux éditions Terre de brume.


Comme le titre l’indique il s’agit d’une photographie de Rimbaud inédite que l’on peut voir en tête de notre blog. L’auteur explique longuement comment il a été en possession de cette photo. On apprend qu’il vit depuis 50 ans au 10 rue de Buci à Paris qui est l’endroit où le poète Théodore de Banville avait habité. Gérard Dôle nous raconte qu’il a connu à cet endroit un individu nommé l’Astronome et qui lui  a dit que ses grands-parents ont connu Rimbaud qu’ils avaient hébergé pendant La Commune à cette même adresse. De plus l’Astronome avait offert à Gérard Dôle une photographie de Rimbaud que celui-ci aurait envoyé à ses grands-parents pour les remercier de leur accueil. Cette épreuve réalisée par le photographe Pierre Petit est un portrait carte dont le verso indique la date d’août 73 qui correspond à la date indiquée par Rimbaud pour la fin de la rédaction d’Une Saison en enfer. L’hypothèse de Gérard Dôle est que Rimbaud aura voulu se faire tirer son portrait pour lancer son livre. 


Collection Gérard Dôle. DR.

Le premier problème est que Gérard Dôle écrit que Rimbaud avait trouvé porte de bois chez Banville parce que le parnassien se serait réfugié en province pendant la Commune. Or c’est inexact. En effet on connaît une lettre de Banville du 4 juin 1871 dans laquelle il écrit :  « heureusement j’avais ma mère chez moi et j’étais allé la chercher à temps le jour où l’armée est entrée à Paris ; car si la bataille a été sanglante dans la rue de Buci que j’habite, elle l’a été bien plus encore rue Saint-André-des-Arts.(…) Enfin l’ordre est rétabli , mais que nous avons vu de sang et de morts, et ensuite quel spectacle de voir tous les monuments de Paris brûlés et ruinés ! »

Donc Banville était chez lui quand Rimbaud aurait sonné à sa porte vers le 29 mai 1871. Rimbaud l’aurait donc nécessairement vu. Mais Rimbaud dans sa lettre à Banville du 15 août 1871 ne mentionne pas cette rencontre et il remercie simplement son maître de lui avoir répondu contrairement à ce que dit Gérard Dôle qui écrit que le parnassien n’avait pas daigné répondre à cette lettre. 


Le second problème est la date d’août 73 indiquée sur la photographie. Gérard Dôle suppose qu’après l’incident de Bruxelles Rimbaud est passé par Paris la première semaine d’août 1873.  On a du mal à croire que Rimbaud ait voulu se faire tirer son portrait à Paris alors qu’il était encore blessé et que la rédaction de son livre n’était pas finie. S’il voulait un portrait pour lancer son livre la date d’octobre 1873, au moment où il va chercher ses épreuves à Bruxelles, aurait été plus crédible. 


Cela dit, on peut trouver la photographie ressemblante et l’on pourrait disserter à perte de vue sur les cheveux, le dessin de la bouche, les yeux, la barbe, etc. Le désir de voir Rimbaud sur cette photo peut créer une conviction chez certains admirateurs du poète.


La seule preuve que nous ayons est le témoignage de Gérard Dôle concernant un ami disparu depuis. La photographie a été expertisée par un spécialiste des photographie du 19e siècle qui affirme que le support est d’époque.


On peut douter qu’une preuve puisse être apportée sur l’authenticité de cette photographie. Elle appartient à la galerie des portraits de Rimbaud comme ceux de Garnier et de Rosman.


Le livre de Gérard Dôle mérite cependant d’être lu par les rimbaldiens. Il remet au goût du jour la participation de Rimbaud à la Commune auquel il apporte beaucoup de documents iconographiques. Surtout, il révèle une lettre inédite de François Coppée qui prouve que ce poète avait été hébergé par Banville pendant la semaine sanglante. Habitent à ce moment-là rue de Bucci : Banville, sa mère, sa femme, son fils adoptif, François Coppée, et s’il faut en croire Gérard Dôle les deux grands-parents de l’Astronome et Rimbaud. Cela fait beaucoup de monde ! 


D’une certaine façon ce livre témoigne de la fascination pour le portrait de Rimbaud. Il met en lumière aussi un photographe dont on parle moins que Carjat : Pierre Petit. Ce dernier fut pourtant célèbre de son temps et Carjat fut son élève.