Image de l'agresseur de Jacques Bienvenu, lors de la conférence Le mystère des visages de Rimbaud du 20 octobre 2015. Droits strictement réservés. JB. |
C’était le 20 octobre 2015, jour anniversaire de la naissance de Rimbaud. J’étais en train de donner une conférence à la médiathèque Voyelles de Charleville : Le mystère des visages de Rimbaud, lorsque soudain un homme apparut et m’aspergea de chantilly. Il disparut aussi vite qu’il était venu.
L’identité de l’agresseur a été révélée après mon intervention : on avait reconnu Patrick Taliercio. La salle était obscure au moment de l’incident, car des images étaient projetées sur grand écran. Aucun des journalistes présents dans la salle n’avait pu prendre la moindre photographie de l’agresseur dont l’apparition fut aussi brève qu’inattendue.
Voici pour la première fois une photographie du « terroriste à la chantilly ». Il apparaît comme une ombre chinoise se découpant sur l’écran. Nous discuterons ici de savoir si cette image permet d’identifier formellement Patrik Talercio que nous désignerons désormais par les lettres PT.
Effectuons un petit retour en arrière. En 2008, PT, cinéaste marseillais, découvrit chez un bouquiniste de Charleville un article inédit de Rimbaud intitulé Le Rêve de Bismarck dans Le Progrès des Ardennes du 25 novembre 1870, qu’il acheta aussitôt. L’événement médiatisé fit sensation. Pendant cinq ans le cinéaste garda son précieux journal puis il décida de le vendre aux enchères à Charleville le 30 juin 2013. Alain Tourneux, informé de la vente, avait habilement préparé son coup. Sans rien dire à personne, il avait mis en place le droit de préemption du musée Rimbaud qui nécessitait une préparation assez délicate. Le journal avait trouvé preneur à 8000 euros, enchère très décevante pour le vendeur. Le conservateur brandit alors son papier officiel et Le Progrès des Ardennes devint la propriété du musée Rimbaud.
Revenons à l’incident du 20 octobre. Donc PT - si c’est bien lui - arrive le soir de Belgique où il réside à présent. Est-il venu à pied comme l’homme aux semelles de vent ? A-t-il pris le chemin de Rimbaud quand il allait à Charleroi en 1870 ? Il y a un côté routard chez PT. Il avait déjà son fameux sac à dos qui est une preuve redoutable sur notre image. Est-il venu seul ? A-t-il eu des complices, un soutien logistique ? Il a eu, de plus, beaucoup de chance d’avoir échappé au directeur de la médiathèque qui m’a dit qu’à quelques minutes près il l’aurait plaqué au sol. Cet épisode rocambolesque intervenait dans un contexte tragique et il fallait détendre l’atmosphère de l’assistance un peu médusée, ce que je crois avoir fait assez bien en poursuivant tranquillement ma conférence.
Pourquoi ne pas avoir révélé plus tôt cette photographie de PT en ombre chinoise ? Tout simplement, car j’en ignorai l’existence jusqu’à une date récente. Cette image provient d’une vidéo réalisée par Laetitia Champenois-Kriennevalt. Elle avait procédé à un montage pour Ardennes TV. J’ai demandé récemment à Laetitia de regrouper la presque totalité de la conférence depuis qu’elle n’est plus visible sur le site d’Ardennes TV. Elle m’avait informé dès le début qu’elle n’avait pas de passage exploitable de l’incident. Mais j’insistais beaucoup cette fois. Elle se mit au travail et récupéra un extrait du film où PT apparaissait en ombre chinoise devant la photo de Rimbaud. Quelle surprise ! le « flou de bougé » de cette photographie disparaît à la vidéo. Autre élément supplémentaire de la vidéo : on entend la voix de PT qui s’adresse à moi ! Arrivera-t-on a identifier avec certitude PT ? Faudra-t-il convoquer Brice Poreau pour une identification biométrique ? Voilà donc une fois de plus sur Rimbaud ivre un scoop et une énigme.
L’image en elle-même, cette ombre de l’agresseur à côté du visage de Rimbaud, est extraordinaire. Je suggère à André Gunther une analyse de cette image. Elle pourrait inspirer le spécialiste, historien de la photographie, qui avait décelé un étonnant « flou de bougé » sur la photo du Coin de table à Aden et qui est revenu sur cette question récemment.
À la date de l’incident, PT venait enfin de réaliser - grâce à des subventions obtenues en Belgique - le film qu’il avait commencé dès 2008 et intitulé : La seconde fugue d’Arthur Rimbaud. J’ai réussi à me procurer la vidéo du film que je viens de visionner. Ce long métrage a une visée politique : il replace la fugue de Rimbaud dans le contexte actuel des régions ardennaises sinistrées par la crise et le chômage. Je doute que l’idée soit bonne - le résultat reste consternant. Impossible de ne pas s’endormir en regardant ce laborieux documentaire d’une heure 35 qui nous plonge dans un misérabilisme déprimant. Un ennui profond vous saisit et ne vous quitte pas. Je me suis endormi deux fois en le regardant. On mesure la distance avec un film récent comme Merci patron, dont le sujet politique a quelques points communs avec celui du cinéaste marseillais. Réalisé avec très peu de moyens, l’humour était au rendez-vous de l’excellent Merci patron. Il ne l’est pas dans le pensum que nous inflige Patrick Taliercio. Dommage pour Rimbaud. On attend des cinéastes plus inspirés pour le grand poète ardennais.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire