mercredi 3 février 2016

Mallarmé et ses deux Maîtres, par Jacques Bienvenu


BNF.DR.

La photographie, ci-dessus, montre Mallarmé dans son appartement du 89 rue de Rome. On voit, au-dessus de la cheminée, deux portraits d’une grande valeur symbolique. Ils représentent Charles Baudelaire et Théodore de Banville.

Baudelaire, photographie.DR.


Banville par Rochegrosse.DR.

Il est bien connu que le premier Mallarmé, celui du Guignon, est sous l’impérieuse influence de Baudelaire. Mais on sait beaucoup moins que l’auteur de L’Après-midi d’un faune avait une vénération pour Banville. Les jeunes poètes qui allaient écouter religieusement Mallarmé le mardi, dans les années 1890, ne comprenaient pas cette admiration pour un poète qu’ils jugeaient déjà dépassé. 

Selon René Ghil, le second Mallarmé, celui d’Hérodiade, procède directement de Banville qui lui a permis de s’échapper de l’emprise de Baudelaire (Les Dates et les Œuvres, Grès et Cie, p.222-225).

D’un point de vue métrique on ignore, en général, que les fameux vers de Mallarmé qui comportent un long adverbe en leur milieu :              

Accable belle indolemment comme les fleurs (L’Azur)
À me peigner nonchalamment dans un miroir (Hérodiade)

Sont imités du vers révolutionnaire de Banville :

Où je filais pensi-vement la blanche laine (La Reine Omphale)

qui coupait pour la première fois un adverbe à l’hémistiche et publié dès 1861 dans la Revue fantaisiste que Mallarmé connaissait bien.

Rimbaud écrira à Paris le vers suivant qui est lui aussi à l’évidence à l’image du vers de Banville :

Eclatent, tricolo-rement enrubannés. (Ressouvenir)

Michel Murat écrit à propos de ce vers que « Rimbaud place au milieu un long adverbe, semblable à ceux qui chez Baudelaire occupaient tout un hémistiche. » (L’Art de Rimbaud, édition Corti 2013, p.43 ; p.49 dans l’édition 2002).
Baudelaire n’a jamais fait de vers ainsi décrit, et Michel Murat a confondu avec ceux de Mallarmé que nous avons cités plus haut. Cette erreur est significative de l’oubli de Banville dont l’importance pour l’histoire littéraire est cependant capitale pour comprendre les poètes de son époque et particulièrement Rimbaud.Voir à ce sujet l’article qui représente l’état de mes recherches les plus récentes : Rimbaud ou le meurtre du père Hugo.

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