Dans son livre Arthur Rimbaud photographe, Hugues Fontaine jette un pont entre le premier Rimbaud, celui de Charleville et celui d’Afrique par l’intermédiaire de photographies qu’il analyse minutieusement. Ainsi, nous dit-il, que la photo de Rimbaud quand il se photographie les bras croisés dans un jardin de bananes est un écho au Rimbaud en premier communiant, portrait qu’il nous offre au début de son livre. Il fait tomber une idée reçue selon laquelle les photos d’Afrique seraient floues parce que Rimbaud serait un piètre photographe amateur. Au contraire, il montre dans le détail les compétences techniques de Rimbaud. Selon lui, la composition des trois autoportraits d’Afrique est très bien étudiée. Le flou de son visage, conséquence des mauvais lavages des épreuves, serait aussi dû à sa volonté de photographier le paysage où il se trouve davantage que de montrer sa « figure ». Il écrit lui-même « pour rappeler ma figure et vous donner une idée des paysages… ». L’auteur y revient encore dans son dernier chapitre intitulé « Je est un autre ». Il explique que Rimbaud se regarde autre dans les jardins de Harrar : « L’appareil photographique objective cette métamorphose saisissante si l’on considère, en regard des trois autoportraits africains, les deux portraits faits par Carjat à Paris, la même année que la célèbre formule ». Cet autre pourrait-être aussi le fantôme de son père comme l’avait montré Alain de Miloja dans une remarquable étude que cite opportunément Hugues Fontaine.
En passant d’une photographie à une autre Hugues Fontaine développe des éléments biographiques divers et le lecteur peut perdre par moment le fil de l’histoire. Par exemple le Grec Sotiro que Rimbaud a pris en photo est l’occasion d’un chapitre entier intitulé « l’ami Sotiro ». Mais on n’est pas obligé de lire le livre de façon linéaire. Un des points forts du livre est la remarquable découverte d’Hugues Fontaine au Weltmuseum à Vienne. Dans un inventaire d’épreuves photographiques rédigé par le savant Autrichien Philipp Paulitschke le nom d’Arthur Rimbaud apparaît dans une colonne intitulée « Name des collector » pour trois photographies. Je renvoie le lecteur à mon analyse faite sur ce blog : « L’énigme des trois photographies inédites qui seraient prises par Rimbaud ».
Enfin, il faut dire que le livre de Fontaine est passionnant. L’iconographie est en grande partie inédite et les reproductions d’une très grande qualité. Le texte de Fontaine est précis, érudit et d’un excellent style. Il ne fait pas de doute que tous les rimbaldiens doivent avoir dans leur bibliothèque ce livre exceptionnel.
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