Manuscrit de Honte. DR. |
Le poème Honte de Rimbaud est apparu pour la première fois en 1886 dans les publications de La Vogue qui publiait le dossier des Illuminations. Ce dossier comportait aussi des poèmes en vers.Verlaine précisait dans sa préface de la plaquette d’octobre 1886 que le manuscrit des Illuminations était composé de courtes pièces en prose et de vers délicieusement faux exprès. Pour les lecteurs de 1886, comme Paul Claudel, les Illuminations n’étaient pas composées que des poèmes en prose. Les éditeurs de Rimbaud ont pensé par la suite que deux dossiers distincts avaient été mélangés. Mais rien n’est moins sûr. Verlaine qui connaissait bien le manuscrit atteste qu’il était constitué de poèmes en vers et en prose.
J’ai pour ma part prouvé dans un article du Magazine littéraire intitulé « Les poids des Illuminations » (N°489 septembre 2009) que le paquet envoyé à Germain Nouveau de Stuttgart pouvait très bien contenir des poèmes en vers.
Donc Honte est un de ces poèmes délicieusement faux exprès qui figurait dans le dossier communiqué au directeur de La Vogue. Le manuscrit du poème fut acheté par la suite par Pierre Bérès qui ne le divulgua qu’en 2007. C’est sur cette base que poème a été transcrit dans la dernière Pléiade. Nous le publions ici :
Tant que la lame n’aura
Pas coupé cette cervelle,
Ce paquet blanc, vert et gras,
A vapeur jamais nouvelle,
(Ah ! Lui, devrait couper son
Nez, sa lèvre, ses oreilles,
Son ventre ! et faire abandon
De ses jambes ! ô merveille !)
Mais non ; vrai, je crois que tant
Que pour sa tête la lame,
Que les cailloux pour son flanc,
Que pour ses boyaux la flamme,
N’auront pas agi, l’enfant
Gêneur, la si sotte bête,
Ne doit cesser un instant
De ruser et d’être traître,
Comme un chat des Monts-Rocheux,
D’empuantir toutes sphères !
Qu’à sa mort pourtant, ô mon Dieu !
S’élève quelque prière !
On sait que Rimbaud avait écrit des poèmes en 1872 qui ne respectaient plus les règles classiques de la versification. Le poème Honte en fait partie. Cependant ce poème à des rimes assez correctes qui sont croisées et respectent l’alternance en genre. Toutefois, plusieurs rimes conjuguent un singulier avec un pluriel et surtout le vers 19 comporte huit syllabes alors que tous les autres en comptent sept.
Le poème est étrange. Il ne semble pas avoir inspiré des critiques récents. Il comporte plusieurs énigmes à commencer par le titre. Est-ce Rimbaud qui parle de lui ? Le vers 19 est il volontairement « faux exprès » et dans quel but ? Pourquoi y a t-il une strophe entre parenthèses ce qui est semble-t-il unique dans les poèmes en vers de Rimbaud. Quel est le sens du poème ? A-t-il été écrit en 1872 ou 1873 ?
Une seconde partie tentera de donner des réponses à ces questions.
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