En
consultant le blog de Jacques Bienvenu il y a de cela un mois, j'ai pris
connaissance de
l'article consacré aux photographies d'Arthur Rimbaud, j'ai alors beaucoup mieux compris que ce dont nous parlions depuis plusieurs
mois pouvait enfin trouver une meilleure explication. Certes, Jacques Bienvenu
avait établi le contact avec la Fondation Catherine Gide et nous ne pouvions
que lui en être reconnaissant, en effet deux photographies attestées par
Isabelle venaient enrichir le musée Rimbaud grâce à lui et à la générosité de
Madame Catherine Gide et de la fondation qui porte son nom. Toutefois, pour ma
part, je n'oubliais pas pour autant la très belle photographie qui figure dans
nos collections depuis 1995, en effet cette photographie de couleur sépia, présentée
dans de nombreuses expositions apparaît toujours pour nous comme d'une
qualité remarquable, il s'agit d'un contretype de la photographie de Carjat,
épreuve qui jusqu'à présent a toujours été citée comme ayant été réalisée dans
les années vingt; cette formulation, nous allons le voir nous autorisant
peut-être à lui donner quelques années de plus.
Notons
que cette photographie a été très bien reproduite dans l'ouvrage consacré aux
manuscrits autographes des Illuminations édité chez Ramsay en 1984, ouvrage
publié sous la direction de Roger Pierrot et préfacé par Alain Gourdon,
Administrateur général de la Bibliothèque Nationale (voir notre photographie
ci-dessous) ; plus récemment Jean-Jacques Lefrère l'a également montrée à la
page 37 de son ouvrage "Face à Rimbaud" (Editions Phébus, 2006).
Lorsque
l'on se reporte à ce que Jacques Bienvenu écrit l'on se rend alors compte que
les informations qu'il donne et tout particulièrement le texte de Julien Green
apporte un éclairage déterminant, en effet lorsque l'on s'attache à lire ces
lignes l'on comprend certes que la photographie qui figure alors sur la
cheminée chez André Gide est bien celle qui est désormais à Charleville et qui
nous a été très généreusement offerte par la Fondation Catherine Gide, mais en
poursuivant la lecture l'on relève qu'André Gide précise alors à Julien Green
que "le cliché en appartient à Mme Van Rysselberghe", ce
qui peut laisser supposer que l'un des clichés originaux a été utilisé
pour tirer cette épreuve noir et blanc ensuite attestée par quelques lignes de
la main d'Isabelle décédée en 1917.
A
noter également qu'André Gide évoque l'existence d'une excellente reproduction
de ce cliché dans les locaux de la N.R.F. , André Gide précise d'ailleurs
que Jean Cocteau de passage à la N.R.F. s'est approprié cette même photographie
…
Mais
reprenons le fil de l'histoire et intéressons-nous à la photographie qui est
entrée au musée en 1995, cette photographie nous a été vendue par M. Raymond
Gid, grand affichiste de cinéma, qui est selon l'expression figurant au colophon
de l'ouvrage publié chez Ramsay le "maître d'œuvre" de cette édition.
Notons qu'à la page des remerciements l'éditeur précise que la seule
photographie reproduite, celle montrant le portrait réalisé par Carjat a
appartenu à Jean Cocteau et qu'elle a été confiée par Raymond Gid pour la
présente édition (1984).
Cette
même photographie a ensuite été présentée en 1991 au musée d'Orsay et au musée
Rimbaud à l'occasion de l'exposition "Arthur Rimbaud, portraits dessins et
manuscrits", les recherches préliminaires ayant alors été
effectuées par Hélène Dufour et André Guyaux, à noter que cette même
photographie avait déjà été présentée au sein de l'exposition Carjat organisée
au musée Carnavalet en 1982.
Il est toutefois intéressant de préciser comment
cette photographie est entrée par la suite dans les collections de Charleville,
c'est en effet en 1993 qu'un appel téléphonique de M. Raymond Gid nous a permis
de prendre réellement contact ; M. Gid, qui avait alors presque 90 ans,
me demandait si nous pouvions agir au plus vite, en effet l'ouvrage
auquel il tenait tant, celui pour lequel il avait mis tout son savoir-faire
était menacé du pilon ! en effet il n'en restait qu'une cinquantaine
d'exemplaires et M. Gid nous demandait si nous pouvions l'aider à sauver ces
ouvrages qui n'intéressaient plus les diffuseurs… dès le lendemain nous étions
à Paris pour prendre ce stock en charge et M. Gid nous en a été très
reconnaissant, cela au point d'aborder le sujet de la photographie de Carjat
et de bien vouloir proposer qu'elle rejoigne nos collections, ce qui
s'est fait dans de très bonnes conditions pour Charleville et son musée Rimbaud
; M. Gid précisait alors que cette photographie avait miraculeusement échappé à
l'incendie de son appartement et qu'il était vraiment temps de régler tout
cela, parallèlement lors de nos conversations il m'a alors confirmé que cette
photographie avait bien appartenu à Jean Cocteau, mais il n'a pas souhaité m'en
dire plus.
Toutefois ces échanges amicaux nous avaient amenés à envisager l'organisation d'une exposition des
affiches de Raymond Gid, et c'est ainsi qu'avec de nombreux prêts émanant de
grandes institutions, en particulier de la bibliothèque Forney, nous
avons alors pu présenter une importante rétrospective du travail de Raymond Gid
dans le tout nouveau musée de l'Ardenne, sur la place Ducale, cela en décembre
1995. M. Raymond Gid venait alors de fêter ses 90 ans, il était très fatigué et
n'a pu alors faire le déplacement depuis Paris, mais pour lui cette exposition
était très importante qu' elle "scellait" à ses yeux le retour de la
photographie de Rimbaud par Carjat à Charleville, sachant que les
Ardennes lui étaient d'autant plus chères que son père avait dirigé une
fonderie aux portes de la ville au début du siècle.
Ainsi la photographie qui a tout d'abord figuré à la
NRF avant d'être conservée chez Jean Cocteau a désormais pris place au musée
Rimbaud, à ses côtés se trouve une autre épreuve à peine plus récente
authentifiée par la main d'Isabelle et récemment offerte au musée
par la Fondation Catherine Gide ; voici ces deux photographies à nouveau
réunies grâce à toutes les personnes évoquées dans le présent article, à n'en
pas douter la photographie de couleur sépia est antérieure au tirage attesté
par Isabelle, cela n'avait certes pas échappé à Jean Cocteau.