14 juillet
1871
Monsieur et cher Maître,
Vous rappelez-vous avoir reçu de province, en juin 1870, cent ou cent cinquante
hexamètres mythologiques intitulés Credo in unam ? Vous fûtes
assez bon pour répondre !
C'est le même imbécile qui vous envoie les vers ci-dessus, signés
Alcide Bava. —Pardon.
J'ai dix huit ans. — J'aimerai toujours les vers de
Banville.
L'an passé je n'avais que dix-sept ans !
Ai-je progressé ?
ALCIDE BAVA.
A. R.
Le poème
Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs envoyé à Banville le 15 août, mais daté du 14 juillet, était suivi du mot que nous mettons au début de l'article. Ce poème ne peut se comprendre pleinement que dans la mesure où l'on admet que Rimbaud avait lu à Paris les quatre premiers chapitres du
Petit traité de poésie française de Banville publiés dans les livraisons de
l'Echo de la Sorbonne pendant l'été de 1870.
Dans l' introduction de son traité, Banville avait
commencé par dire qu'un imbécile pouvait apprendre à faire de bons vers.
C'est assurément l'explication du mot
imbécile dans la lettre de Rimbaud. L'ensemble du poème est truffé d'allusions au traité de Banville. Mais l'histoire des relations de Rimbaud et Banville ne s'arrête pas là. La publication du chapitre V du traité, au moment même où Rimbaud vient habiter chez Banville à Paris, en novembre 1871, est une coïncidence significative. Elle suscitera chez Verlaine et Rimbaud une intense discussion qui conduira à une nouvelle poétique chez les deux poètes. J'y reviendrai.
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Le Petit journal, 9 novembre 1871 |