mardi 28 décembre 2021

Rimbaud et la métaphysique

 


Rimbaud et la métaphysique


Tout récemment une sonde a été envoyée dans l’espace pour étudier le mystère de l’origine de l’univers.

De tout temps les hommes ont observé le ciel, la lune le soleil et les étoiles. À la fin du 19e siècle on commençait à connaître la situation de la planète terre dans l’espace. À cette époque l’astronome Camille Flammarion avait publié de nombreux ouvrages sur ce sujet. Rimbaud fut sensible assez tôt au mystère de l’univers comme le montrent les vers de Credo in Unam envoyés à Banville le 14 mai 1870, mais écrits le 29 avril 1870 :


Pourquoi l'azur muet et l'espace insondable ?
Pourquoi les astres d'or fourmillant comme un sable ?
Si l'on montait toujours, que verrait-on là-haut ?
Un Pasteur mène-t-il cet immense troupeau
De mondes cheminant dans l'horreur de l'espace ?
Et tous ces mondes-là, que l'éther vaste embrasse,
Vibrent-ils aux accents d'une éternelle voix ?
— Et l'Homme, peut-il voir ? peut-il dire : Je crois ?
La voix de la pensée est-elle plus qu'un rêve ?
Si l'homme naît si tôt, si la vie est si brève,
D'où vient-il ? Sombre-t-il dans l'Océan profond
Des Germes, des Fœtus, des Embryons, au fond
De l'immense Creuset d'où la Mère-Nature
Le ressuscitera, vivante créature,
Pour aimer dans la rose, et croître dans les blés ?...

Nous ne pouvons savoir ! — Nous sommes accablés
D'un manteau d'ignorance et d'étroites chimères !
Singes d'hommes tombés de la vulve des mères,
Notre pâle raison nous cache l'infini !


Ces idées n’étaient peut-être pas complètement originales, mais n’oublions pas que Rimbaud n’a que 15 ans quand il écrit ce poème.


Cependant un an plus tard quand le génie du poète explose une idée profondément originale surgit. Ce n’est plus le mystère de l’univers mais le mystère de l’âme que Rimbaud décide d’explorer : « La première étude de l'homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l'inspecte, il la tente, l'apprend. Dès qu'il la sait, il doit la cultiver ; Cela semble simple : en tout cerveau s'accomplit un développement naturel ; tant d'égoïstes se proclament auteurs ; il en est bien d'autres qui s'attribuent leur progrès intellectuel ! — Mais il s'agit de faire l'âme monstrueuse : à l'instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s'implantant et se cultivant des verrues sur le visage. »


Il ne s’agit plus ici d’explorer l’univers, mais d’explorer l’âme humaine et de tenter de la sonder. L’idée profonde et nouvelle tient dans cette remarquable formule : « Je est un autre ». Pour Rimbaud il faut avoir du « moi » de l’individu une autre vision. Il estime que nous ne sommes pas les auteurs de notre pensée et ceci mérite une explication. Pour Rimbaud notre pensée est le résultat de toutes les autres, de ce que l’on a lu ; et ce que nous pensons est le fruit d’idées collectives qui sont dans l’air du temps. Un homme quelconque n’a pas d’idées originales. Mais le poète arrive à l’inconnu par un travail sur lui-même. Il cultive une âme « déjà riche plus qu’aucun ».


Pour le dire autrement, l’âme est le miroir inversé du monde extérieur. Elle est insondable elle aussi. On peut concevoir le mystère de la vie en observant le monde extérieur, l’univers infini ; mais le monde intérieur est aussi mystérieux. Chaque être humain observe le monde à travers ces deux mondes. Le profond mystère de l’être est là. Il appartient aux scientifiques de l’étudier, mais des poètes comme Rimbaud ont aussi leur mot à dire. Rimbaud a cru un moment être un Dieu. Il a pensé qu’il allait découvrir un grand secret. Mais cela n’a pas duré. Il s’est opéré vivant de la poésie comme l’a dit Mallarmé. Il avait cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Il se rendra au sol avec une réalité rugueuse à étreindre.

mardi 14 décembre 2021

Rimbaud et Mesmer

 

DR. BNF.




Les Chercheuses de poux


Quand le front de l'enfant, plein de rouges tourmentes,

Implore l'essaim blanc des rêves indistincts,

Il vient près de son lit deux grandes sœurs charmantes

Avec de frêles doigts aux ongles argentins.


Elles assoient l'enfant auprès d'une croisée

Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs,

Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée

Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.


Il écoute chanter leurs haleines craintives

Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés

Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives

Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers.


Il entend leurs cils noirs battant sous les silences

Parfumés ; et leurs doigts électriques et doux

Font crépiter parmi ses grises indolences

Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux.


Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,

Soupirs d'harmonica qui pourrait délirer ;

L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses,

Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.



Dans le poème  Les Chercheuses de poux  on trouve à la fin un vers étrange : 


Soupir d'harmonica qui pourrait délirer ;


En recherchant les occurrences qui associent harmonica et délire, 


On trouve la description d’une séance de magnétisme chez le célèbre Mesmer que Rimbaud a pu lire.



Mesmer justifié.1784. DR.


Mais que viendrait faire Mesmer dans cette histoire de chercheuses de poux ? On a cru longtemps que le poème Les Chercheuses de poux avait une origine biographique à cause de plusieurs témoignages. Izambard, d’abord prétendait que c’étaient les sœurs Gindre qui avaient épouillé Rimbaud. Mathilde Verlaine  raconte qu’elle avait retrouvé des poux dans le lit du poète et Verlaine expliquait qu’il s’amusait à jeter des poux en passant à côté des prêtres. Mais ces anecdotes ne prouvent rien. Il semble bien que le poème ait une toute autre portée. On est en droit de penser que Les Chercheuses de poux dont on a aucun manuscrit a été composé à Paris en 1871, donc après l’arrivée de Rimbaud en septembre. La grande majorité des poèmes de 1871 ont une signification politique en rapport souvent avec la Commune. Les Chercheuses de poux semblent être une exception. Cependant en y regardant d’un peu plus près « les rouges tourmentes » du premier vers nous ramènent à un sens révolutionnaire


L’allusion à Mesmer pourrait avoir un sens politique. À l’époque de Rimbaud Mesmer était connu pour être un charlatan qui avait fait fortune en exploitant la crédulité des riches de la société qu’il électrisait dans des baquets. C’était souvent des aristocrates auxquels font peut-être allusion les « ongles royaux ». La lecture d’un texte de Mesmer a peut-être inspiré à Rimbaud d’autres poèmes. Le thème du charlatan existe dans Une Saison en enfer. Et que dire alors de « la comédie magnétique » de Parade et de ses charlatans ? 

jeudi 25 novembre 2021

Rimbaud et Charles Cros


DR.


Après avoir été reçu par Verlaine aux environs du 15 septembre 1871, Rimbaud fut reçu par Charles Cros le mois suivant au 13 de la rue Séguier. En témoigne une lettre restée longtemps inédite de Charles Cros à Gustave Pradelle datée du 16 novembre. Cette lettre qui faisait partie de la collection Bérès fut révélée il y a dix ans par Jean-Jacques Lefrère. On y apprend que Charles Cros s’occupait d’une souscription pour fournir au jeune poète une petite rente.Voici cette lettre :



Paris le 6 Nov. 1871.

Mon cher ami,

Vous avez dû recevoir ma dernière lettre que je vous écrivais deux jours avant d’avoir reçu celle que vous m’avez fait tenir par Camille. La mienne était bien cependant la réponse à la vôtre.

Rien n’est beaucoup changé ici depuis lors ; sauf que je suis établi charbonnier agglomérateur rue Séguier 13. J’ai loué là, à la faveur de Chousy un appartement où j’ai mis quelques bibelots.

Pendant presque tout la moitié du mois dernier j’ai logé Arthur Rimbaud, je le nourrissais à mes frais, ce qui m’a mis fort en retard pour l’instant. Aussi j’ai imaginé de faire à quelques-uns du groupe, une petite rente à ce nourrisson des muses. Banville a apporté chez moi pour ledit Rimbaud des lits, matelas, couverture, draps, toilette cuvette etc etc. puis Camille, Verlaine, Blémont et moi nous donnons chacun quinze francs par mois et je vous demande si vous pouvez en être avec nous. La souscription a commencé à partir du 1er novembre. Je regrette de n’avoir pas de ses vers à vous envoyer mais je suis sûr que vous les trouverez beaux. Les vers de Mallarmé vous en donneront une vague idée.

Mes affaires particulières vont à peu près dans le même état, sauf qu’ayant retrouvé Chousy je ne tire plus la queue du diable.

Vous pouvez m’écrire directement 13, rue Séguier, il n’y a plus aucun danger pour moi.

Je n’ai encore rien fait pour la publicité de mon dernier travail. Je suis comme tout le monde, ici dans une grande apathie, et vous ne vous doutez pas de l’effort immense de volonté qu’il me faut faire pour écrire.

Excusez-moi donc, mon cher Pradelle, de m’arrêter court, n’ayant plus rien à dire

Votre ami dévoué Charles Cros


Parmi ceux qui participent à la rente il y a bien sûr Verlaine, Camille Pelletan qui était poète avant d’être un homme politique connu, et Emile Blémont qui était le directeur de la Renaissance littéraire et artistique qui possédait le manuscrit du sonnet des Voyelles.


Cette lettre montre bien que les relations entre Rimbaud et Charles Cros étaient très bonnes à cette date du 16 novembre 1871. De plus c’est à cette époque que Rimbaud participa à l’Album zutique qui était à l’initiative de Cros. Cependant, selon divers témoignages les relations se sont détériorées entre les deux poètes par la suite quand Charles Cros s’était rendu compte que Rimbaud avait déchiré des pages des livraisons de la revue L’Artiste où figuraient des poèmes que Cros destinait à la publication de son livre : Le Coffret de santal.




Cet ouvrage fut publié le premier avril 1873. Verlaine et Rimbaud qui étaient à Londres à cette date en furent informés par la Renaissance littéraire et artistique qui avait donné le seul compte rendu connu de ce livre le 22 juin 1873. Verlaine, 3 jours après, demandait à Blémont de contacter Cros et Lemerre ( dépositaire et coéditeur du livre) de faire le nécessaire pour lui envoyer le Coffret. Observons qu’Une saison en enfer fut écrite juste après la publication du Coffret puisque Rimbaud précise qu’elle fut écrite d’avril à août 1873. Cros qui était sans le sou à ce moment avait tout de même trouvé un éditeur à Nice qui imprima le livre et avait donné 350 exemplaires à Lemerre en dépôt et l’avait financé pour qu’il soit coéditeur. On se demande si ce n’est pas cet exemple qui a donné à Rimbaud l’idée de faire imprimer son livre en Belgique, dans l’espoir qu’il pourrait trouver une librairie qui accepterait de garder en dépôt les 500 exemplaires de la Saison. Sans ce dépôt le livre ne pouvait recevoir aucun commentaire dans la presse. On regrette que Rimbaud n’ait pas réussi à faire connaître son livre alors que les exemplaires étaient imprimés. 


Il est certain que Verlaine et Rimbaud se sont intéressés au Coffret de santal, mais il faut replacer cette publication dans son contexte. Un peu plus d’un mois après la publication du Coffret, Verlaine se disputait avec Rimbaud et laissait en plan son ami. On était le 4 juillet. On sait que le coup de révolver eut lieu à Bruxelles le 10 juillet. Détail amusant Cros donnait deux conférences à Paris le 9 et 11 juillet. Verlaine fut arrêté par la police belge et amené à la prison de Mons. 



Quand on examine les poèmes du Coffret de santal, le poème intitulé : Chant éthiopien pose un problème très intéressant. Louis Forestier signale dans la Pléiade de Charles Cros à propos de ce poème : « le vers de neuf pieds avec césure au quatrième est celui du fameux Art poétique de Verlaine composé à Mons en 1874. Il n’est pas exclu que Verlaine ait emprunté à Cros le schéma de ces vers nonipèdes. »

En effet, le vers de neuf pieds avec césure au quatrième n’existait pas avant ce poème de Charles Cros. Verlaine, l’utilise semble-t-il après Charles Cros dans son Art poétique. Cependant Verlaine en avait déjà donné un exemple en 1872 dans son poème Chevaux de bois. Il est incontestable que l’existence de cette césure provient de la publication du traité de Banville qui était connu depuis novembre 1871 comme je l’ai montré. Il en résulte que Charles Cros a été lui aussi influencé par le traité de Banville qu’il connaissait d’ailleurs très bien.On ne sait pas si c’est Charles Cros qui a influencé Verlaine, mais on observe que le groupe Charles Cros, Verlaine, Rimbaud devait communiquer sur les problèmes de métrique soulevés par Banville.

Sur ce sujet on peut voir mon article sur l’Art poétique de Verlaine, ainsi qu’un article important de David Ducoffre publié sur mon blog qui parle notamment du poème : Chant éthiopien.

samedi 13 novembre 2021

Rimbaud et la Commune par Franck Delaunoy


Ça va mieux en le montrant

« …vite, car dans huit jours je serai à Paris, peut-être.»

Arthur Rimbaud, lettre à Paul Demeny datée du 15 mai 1871


Tout est dans le peut-être, bien entendu. Les sympathies de Rimbaud pour la Commune ne sont plus à démontrer non plus, d’accord : écrits furieusement communalistes et témoignages concordants abondent.

Mais ça va tout de même mieux en le montrant !



Homonymie ? Eichembaule se lit en fait Eichenlaub, l’orthographe est attestée par plusieurs autres documents d’archives conservés sur la Commune. Mais rien pour l’heure pour confirmer l’identité du Chat des monts rocheux. Théophile Eichenlaub, né à Strasbourg, décède à 30 ans sur les barricades de la Commune, le 16 mai 1871, la semaine précédant celle dite sanglante. Soit le lendemain de la lettre à Demeny.

Rimbaud, chef du 88e Bataillon fédéré durant la semaine sanglante, à la faveur du décès de son commandant la semaine précédente ? A cette époque de la semaine sanglante provoquée par l’entrée dans Paris insurgé de l’armée versaillaise - 21 mai 1871 -, les historiens relèvent une désorganisation des Bataillons fédérés : ceux-ci tendent à se dissoudre, les Combattants fédérés parisiens retournant défendre, dans leur quartier et contre les versaillais, la barricade de leur rue.

Pour défendre une barricade durant la semaine sanglante, avait-on davantage besoin d’un grand stratège que d’un poète furieusement exalté, fût-il dans sa seizième année seulement ? Des Bataillons d’enfants insurgés ont également pris part au Combat. Pour des bravoures plus violentes qu’un chaos polaire ?

« Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. »

Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus

Source : Service Historique de la Défense, site du Château de Vincennes, cote GR 8 J 577. Le document recense les chefs de bataillons fédérés dans le cadre de l’instruction, par les Conseils de guerre, des événements de l’Insurrection. Il est donc établi après mai 1871, à charge contre les acteurs de l’Insurrection, sur la base de dénonciations et de documents très divers, et épars à ce qu’il nous semble – ceux qui n’ont pas brûlé durant les Evénements.

Franck Delaunoy & Paul II de Tarse



C’est Louis XIV sur le cheval au fond ! Mais est-ce que c’est Lui dans la boîte devant ?

oOo


dimanche 7 novembre 2021

Rimbaud et Salammbô

 

DR.

Le Mucem à Marseille propose en ce moment une remarquable exposition sur Salammbô, le célèbre  roman de Flaubert. On y montre quelle fut l’influence de ce roman sur les écrivains et artistes en y dévoilant notamment des oeuvres picturales inspirées par Salammbô.


Rappelons que le roman de Flaubert se situe trois siècles avant JC. C’est un ouvrage qui plongeait les lecteurs dans un monde qu’ils ne connaissaient pas et qui est  loin de celui de Madame Bovary. Flaubert dit avoir voulu fixer un mirage. La scène se place principalement à Carthage. Flaubert reconstitue cette ville dont il n’avait que des connaissances archéologiques. Les scènes qu’il décrit sont celles de batailles d’une très grande violence où les corps sont déchiquetés où les cadavres abondent. Certaines descriptions sont atroces. 


Il se trouve que la dernière lettre de Rimbaud récemment révélée nous plonge dans l’univers du  livre de Flaubert.


Dans cette lettre à Jules Andrieu, Rimbaud explique qu’il a en tête un ouvrage historique qui se situe à une date très ancienne. Il veut compulser des travaux d’archéologie. Il demande à Andrieu une date de paix sur l’ensemble Grec-Romain-Africain. Il pense à des illustrations  et il précise : « dates plus ou moins atroces : batailles migrations, scènes révolutionnaires : souvent un peu exotiques ». Exotique : c’est bien ce que Flaubert a voulu faire dans son ouvrage : dépayser ses lecteurs.


Mais il y a mieux. Le poète cite nommément Salammbô. Voici le passage concerné de la lettre :


En peu de mots (!) une série indéfinie de morceaux de bravoure historique, commençant à n’importe quels annales ou fables ou souvenirs très anciens. Le vrai principe de ce noble travail est une réclame frappante ; la suite pédagogique de ces morceaux peut être aussi créée par des réclames en tête de la livraison, ou détachées. — Comme description, rappelez-vous les procédés de Salammbô : comme liaisons et explanations mystiques, Quinet et Michelet : mieux. Puis une archéologie ultrà-romanesque suivant le drame de l’histoire ; du mysticisme de chic, roulant toutes controverses ; du poème en prose à la mode d’ici ; des habiletés de nouvelliste aux points obscurs. – Soyez prévenu que je n’ai en tête pas plus de panoramas, ni plus de curiosités historiques qu’à un bachelier de quelques années — Je veux faire une affaire ici.

On est en droit de se demander si Rimbaud n’a pas été, préalablement à cette lettre, inspiré par Salammbô dans son oeuvre. Au moment où il écrit à Jules Andrieu la Saison en enfer est écrite. Comme je l’ai montré, les Illuminations ont été mises au net avec Germain Nouveau en janvier-février 1875 à Charleville. Il serait utile de rechercher quels textes du poète peuvent être inspirés par Salammbô. Mais c’est une autre affaire !

samedi 23 octobre 2021

Rimbaud catholique ?

 


Les rapports de Rimbaud avec la religion catholique ont été longuement étudiés. On se souvient de Claudel et de son célèbre « mystique à l’état sauvage ». Isabelle Rimbaud est la première a avoir défendu la thèse d’un Rimbaud catholique.


Pourtant si l’on se base sur l’oeuvre du poète, il écrivait vers 1871 des poèmes violemment hostiles à sa religion. Mais, comme le disait sa soeur, blasphémer c’est croire et cela ne prouvait rien. Une saison en enfer parle beaucoup du Christ mais le texte est difficile et ambigu sur ce sujet.

Si l’on s’en tient à ce que Rimbaud a écrit dans  sa lettre à Delahaye en février 1875 cette fois ce n’est pas ambigu : « Verlaine est arrivé ici l’autre jour, un chapelet aux pinces. Trois heures après on avait renié son Dieu et fait saigner les 98 plaies de N. S. » 

Ce qui semble être le plus probant est la lettre de Rimbaud du 25 mai 1882 à sa famille dans laquelle il écrivait : « […]heureusement que cette vie est la seule et qu’on ne peut s’imaginer une autre vie avec un ennui plus grand que celle-ci  ! » . Rimbaud savait qu’il s’adressait à sa mère et à sa soeur qui étaient très dévotes. Celles-ci lui avaient répondu par retour de courrier qu’elles s’inquiétaient beaucoup de sa missive et lui donnaient des conseils. Pour les rassurer il répondait «  si je me plains, c’est une espèce de façon de chanter ». 

Il est utile de rappeler que j’ai redaté la lettre du 25 mai, ce qui permet de mieux comprendre la suite des lettres.

Il ne semble pas que Rimbaud dans sa période africaine ait marqué le moindre intérêt pour sa religion. Au contraire, il  est attesté que Rimbaud a manifesté un grand intérêt pour l’islam. On a retrouvé récemment un Coran qu’on  lui avait offert ( probablement Bardey). Il s’était mis en tête vers 1887 de commenter le Coran quand il était en attente de ses armes avant de partir chez Ménélik. Cela d’ailleurs n’avait pas été toujours très apprécié. Enfin que dire de sa conversion in extremis à l’hôpital de Marseille ? Il n’y a que le témoignage de sa soeur. On a prétendu qu’elle avait menti ce qui est douteux. On ne saura sous doute jamais la vérité sur ce sujet.

vendredi 8 octobre 2021

Rimbaud et les 150 ans de la Commune

DR.

Les sympathies de Rimbaud pour la Commune sont connues. Berrichon signale  dès 1922 que les poèmes de 1871 sont inspirés par les événements de la Commune.

Éditions de la Banderole.DR.

Sa participation effective à ces évènements est un problème toujours non résolu, même si elle est probable. 

La question la plus intéressante est de savoir si des textes plus tardifs du poète peuvent être interprétés comme communards.

On se contentera de poser la question pour Une saison en enfer qui est de 1873. Où est la Commune dans ce texte ?  Il est beaucoup plus question du Christ, de l’évangile dans le chef-d’oeuvre de Rimbaud. Cependant il est attesté que Rimbaud et Verlaine fréquentaient des poètes communards en juillet 1873. Les critiques récents voient dans « Mauvais sang » sa présence où l’on trouve écrit cependant: « je ne puis comprendre la révolte ». 


Il serait utile qu’un article intitulé : la présence de la Commune dans Une saison en enfer voie le jour.

mardi 21 septembre 2021

Le Bateau ivre a 150 ans


On peut commander aux éditions l'Harmattan le livre :

Le Bateau ivre a 150 ans

Sous la direction de Pierre Brunel, Giovanni Dotoli, Arnaud Santolini, Mario Selvaggio

Articles de :


Un beau livre avec de très belles illustrations en couleur.


dimanche 29 août 2021

Les enseignements du porte-feuille de Rimbaud

Le but de cet article est de préciser les premières lettres de Verlaine à Rimbaud trouvées dans le porte-feuille de Rimbaud lors de son audition à Bruxelles après le drame du 10 juillet 1873.

Il est significatif de voir que Rimbaud avait conservé dans ce fameux porte-feuille des lettres de Verlaine qui dataient de plus d’un an. On a peu souligné ce fait qui montre l’importance pour Rimbaud de sa relation avec Verlaine.


La première lettre est datée sans certitude par Pakenham en mars 1872 :


DR. Gallica.

Suis une lettre datée du 2 avril 1872 :



DR. Gallica.


Puis une troisième lettre écrite du Cluny et datée par Pakenham du 28 ou  29 avril : 




DR. Gallica.


Enfin trouvé dans le fameux portefeuille le poème de Verlaine « Le bon disciple » daté de mai 1872


DR. Gallica.

On comprend que ce poème ait eu son rôle dans la condamnation sévère de Verlaine par les juges belges.


vendredi 30 juillet 2021

Histoire des dessins de Verlaine et retour sur la lettre du 18 mai 1873

Cliquer sur l'image pour agrandir

Les dessins de Verlaine ont une histoire mal connue. Verlaine avait conservé toutes les lettres qu’il avait reçues de Germain Nouveau et Delahaye, puis il avait découpé les dessins. Ils étaient séparés des lettres auxquelles ils avaient appartenu et dont ils constituaient l’illustration. Il donna  à la fin de sa vie les dessins à Laurent Tailhade qui les vendit au collectionneur Doucet. Ce trésor se retrouva donc à la Bibliothèque Doucet. En 1949 le conservateur demanda à Jean-Marie Carré, connu pour avoir écrit une Vie de Rimbaud, de classer les dessins. Carré accepta et à la suite publia un ouvrage intitulé « Autour de Verlaine et Rimbaud ». Dans son introduction Carré écrivait que si Verlaine les avait conservés au cours d’une existence errante et irrégulière, c’était après les avoir soigneusement découpés, et il s’était même appliqué à raturer, au verso, les passages des lettres qu’il lui eût été impossible de supprimer sans mutiler les croquis. Certains lui apparaissaient, sinon compromettants, du moins inutilement révélateurs pour des yeux indiscrets. La plupart des dates avaient disparu.

Il semble que Rimbaud ait pris l’habitude d’illustrer ses lettres à la suite de sa correspondance avec Verlaine. Ainsi la lettre de « Laïtou » est la première de Rimbaud que nous connaissons illustrée. De plus le langage des lettres était une sorte d’argot et de patois. Ils se complaisaient à de monstrueuses démonstrations du plus simple vocabulaire. Delahaye se mit au diapason des deux amis. Verlaine avec « son accent parisiano-ardennais » comme il le dit lui-même rend malaisée l’identification des êtres, des lieux et des choses.


C’est la difficulté que nous avons rencontrée avec la lettre du 18 mai 1873. 


Il ressort de la recherche précédente que le quatrain sous le monarque est celui-ci


Vive notre grand Monarquô

Féculard et fils premierô

Sur son front il a la marquô

Qui prédestine au cimiérô ! ( ter)


Le personnage Dupont est un séminariste qui a été élève avec Rimbaud au collège de Charleville. Son nom apparaît au palmarès des prix de la classe de seconde et de rhétorique.


Palmarès classe de seconde. DR.

Palmarès classe de rhétorique. DR.

La phrase sous le miroir qui représente un joueur de billard (qui est ce personnage ?) ne donne qu’un mot sûr : « béliard ». Des interprétations ont été données. Voir les commentaires des précédents articles.


vendredi 23 juillet 2021

Les mystérieux dessins des lettres de Verlaine à Rimbaud du 15 et du 18 mai 1873 (dernière mise à jour le 27 juillet)

DR. Médiathèque Voyelles.

Dans notre précédent article, nous avons obtenu d’importants éclaircissements sur les dessins de la lettre du 18 mai 1872. Grâce à de nombreux commentaires, des explications ont été apportées. Ainsi, il est avéré que DUPONT (écrit au miroir) est un séminariste que Rimbaud a connu au collège. Le monarque représente Verlaine en Napoléon III. Il rejette dans des coupelles du caca. Le quatrain sous le monarque a été très modifié par rapport à la version donnée par Pakenham. Une discussion disputée a donné raison à Franck Delaunoy sur le mot  « cimier ». Le débat me semble de bon niveau. Il faut signaler à ce sujet les excellentes interventions de David Ducoffre. On espère que des verlainiens participeront au débat. Il ne faut pas minimiser l’importance de cette recherche. La lettre du 18 mai 73 représente un moment capital des relations Verlaine-Rimbaud. Rimbaud est en train d’écrire sa Saison en enfer. Verlaine veut publier le recueil Romances sans paroles avec une dédicace à Rimbaud. Pourtant le drame de Bruxelles n’interviendra que deux mois après. La lettre de Verlaine est la dernière connue avant ce fameux drame. Déchiffrer ce que Verlaine a écrit sur les dessins peut nous donner des informations capitales. Il reste encore des énigmes. Par exemple : qui est le nommé Béliard sous le dessin de gauche ? Pourquoi ce jeu de Miroir ? 


Afin d’aider au débat je publie la lettre de Verlaine à Delahaye qui a été écrite 3 jours avant par Verlaine et qui comporte d’importants dessins bien commentés cette fois par Pakenham. Mais notre version que nous publions grâce à l’obligeance de la  Médiathèque Voyelles est bien meilleure pour la qualité des dessins.


La lettre comporte quatre feuillets. Le premier donné en tête de notre article : deux dessins. En haut de la page « Nous » , c'est à dire Verlaine et Delahaye de chaque côté du panneau-frontière, chacun laissant tomber leur pipe et pleurant; du côté « Pelchique », Verlaine a reçu une lettre et se lamente : Quoi ! Nul dessein de vous. ho! ho! hi hi hi »; du côté «  Frince », Delahaye pleure en s’écriant : «  oh c’remord! ». En dessous « Lui », Rimbaud, en haut de forme, est attablé devant un verre et deux bouteilles, et fume tranquillement la pipe en s’écriant « ah merde ! »


DR.Médiathèque Voyelles

En page 2, Verlaine annonce : « j’envoie sans retard mon livre (Romances sans paroles) À Claye à Paris-Dans un mois ça sera imprimé [Dessin : autoportrait à la manière d’un médaillon de la Renaissance, avec la légende : « PAOLO VERLANIO POETA FORESTIERE » ] et à vous envoillié avec une belle affaire en forme de dédikasse » [ DESSIN : Verlaine en paysan empérruqué présente Romances sans paroles à Delahaye ]

En page 3 , sous le titre « Salon de 1873-galerie des refusés » deux DESSINS : statue de Verlaine nu avec une feuille de vigne, tenant un drapeau (O Rus ! »), et sur le socle l’inscription : » L’ENNUI jehonville faciebat »; un tableau signé «  P.V.faciebat, représente une paire de fesses d’où sort un énorme étron qui se répand sur une ville avec la légende : «  destruction de Charleville,ses imprimeurs et ses journalistes.


Les commentaires des dessins sont de Michael Pakenham.


On donne aussi le quatrième feuillet de la lettre :



DR.Médiathèque Voyelles.

Mise à jour 26 juillet : suite au commentaire de Franck Delaunoy du 24 juillet 12h 22 je publie deux dessins de Verlaine :

Ancienne collection Matarasso. DR.

Album Verlaine p. 71.

J’ajoute quelques précisions : 


C’est en 1930 que l’on a pu consulter le dossier de l’affaire de Bruxelles détenue par la Bibliothèque Royale de Belgique. La quasi-totalité du dossier avec des fac-similés a été publiée pour la première fois par André Fontainas en 1931. C’est de sa publication que nous avons extrait les documents concernant la lettre de Verlaine du 18 mai 1873. La publication la plus complète et la plus récente est celle du remarquable catalogue de l’exposition « Verlaine cellule 252. Turbulences poétiques » qui eu lieu en 2015-2016. J’ai eu le plaisir d’aller à cette exposition. Le catalogue réalisé par Bernard Bousmanne est une référence très précieuse pour les chercheurs. On y trouve une magnifique reproduction des dessins de la lettre de Verlaine de 1873 p. 63-64. Il est utile de donner ici les commentaires du dessin par Bernard  Bousmanne : « Dans sa réponse, Paul se dessine une première fois attablé dans le café fumant la pipe, avec à l’arrière un joueur de Billard. Une seconde illustration le montre en roi avec la légende : « Vive notre grand monarquô/ Féculard et fils premierô/Sur son front il a la marquô/Qui prédestine au limiérô ! (ter).


On voit que Bernard Bousmanne avait donné déjà toutes les corrections que nous avons publiées à l’exception de « limierô » qu’il ne change pas.


Mise à jour du 27 juillet :


Voici le dessin agrandi qui pose un gros problème. On lit correctement les mots « phameux » et « béliard », mais quelle est leur signification ? Qui est le joueur de billard dans la glace ? 


DR.Bibliothèque Royale de Belgique.