samedi 26 septembre 2020

Un dessin d'actualité qui représente Verlaine et Rimbaud

DR. Christie's.

Christie’s a communiqué le 22 septembre un dessin connu de Verlaine et Rimbaud à Londres exécuté par le peintre Regamey, mais on ignorait que ce dessin était inséré dans une lettre que Regamey avait adressée à son frère. Le dessin était reproduit selon le livre de Regamey « Verlaine dessinateur » publié en 1896 soit 24 ans après le dessin original qui figurait dans la lettre. Regamey avait pu récupérer la lettre qu’il avait envoyée à son frère et il avait reproduit son dessin dans « Verlaine dessinateur ». Ce dessin original avait appartenu à la collection Lucien-Scheller. Sa localisation actuelle est inconnue. La lettre est un document exceptionnel, car il donne des précisions inédites qui ne figurent pas dans «Verlaine dessinateur ». Ainsi on ne savait pas que Verlaine et Rimbaud étaient restés trois jours à Londres. Il est plaisant de voir que Regamey trouve Rimbaud hideux. 
Regamey est l’un des rares à avoir reçu un exemplaire de la Saison en enfer de la part de Rimbaud.

La vente est prévue le 3 novembre chez Christie's à Paris. L'estimation est entre 70.000 et 100.000 euros.

mardi 22 septembre 2020

L'avis d'un grand rimbaldien sur la panthéonisation de Verlaine et Rimbaud.( Voir la mise à jour à la fin)


Louis Forestier a établi deux éditions de référence sur Rimbaud. La première aux éditions Gallimard avec une préface de René Char s’intitule : Poésies, Une Saison en enfer, Illuminations. La seconde aux éditions Bouquins donne les œuvres complètes et la correspondance. Pour cet ouvrage, remarquons que c’est chez le même éditeur que la nouvelle édition de la biographie de Jean-Jacques Lefrère a été donnée.

Louis Forestier est un rimbaldien historique. Je pense qu’il est le plus ancien et il a joué un rôle très important dans les études rimbaldiennes. J’ai le plaisir d’être en contact avec lui et nous avons souvent de longues discussions principalement sur la littérature. Tout récemment, je l’ai interrogé sur la question actuelle de la panthéonisation de Rimbaud. Je lui ai demandé son opinion qu’il m’a autorisée à faire savoir.

Voici comment il voit les choses : Il faut d’abord examiner les critères qui permettent d’entrer au Panthéon. Ils n’ont pas changé fondamentalement depuis l’entrée de Victor Hugo au Panthéon en 1885 : « Les restes des grands hommes qui ont mérité la reconnaissance nationale y seront déposés ». 

La question qui s’impose est donc de savoir si Rimbaud et Verlaine méritent la reconnaissance nationale. Cette reconnaissance doit être unanime et incontestée. C’est par exemple le cas de celle de Jean Moulin où plus récemment en 2018 celle de Simone Veil. Il s’agit d’êtres admirables dans leur action et dans leur vie.

Prenons le cas de Rimbaud. Quel service a-t-il rendu à la nation ? Est-ce en vendant des armes au Roi Ménélik ? Rimbaud a toujours été fâché avec sa patrie qu’il a quittée pour une autre contrée où il serait plus libre. Son obsession sur son lit de mort à Marseille était d’y retourner. Le fait que Rimbaud soit un poète de génie n’est pas suffisant pour entrer au panthéon. À l’évidence ce n’est pas une figure nationale. Pour Verlaine, c’est encore pire. C’est un grand poète certes, mais, peut-on donner une reconnaissance nationale à un homme qui battait sa femme, son enfant, qui a tenté de tuer Rimbaud et qui est allé une seconde fois en prison pour avoir menacé sa propre mère ?

Dans ces conditions on voit bien que Rimbaud et Verlaine ne peuvent rentrer au Panthéon. On comprend alors que la question de la sexualité de Rimbaud et Verlaine est hors sujet.

Mise à jour 15H 10,

Louis Forestier m'envoie ce message qu'il souhaite que je reproduise sur mon blog :

 Cher ami,

   Je vous remercie de m’avoir introduit dans votre blog et, pour clore nos bavardages, vous adresse, comme dit Bossuet, 'les restes d’une voix qui tombe et d’une ardeur qui s’éteint '.

   Nous avons beaucoup parlé de Rimbaud ces temps-ci. Notamment des raisons invoquées pour et contre une « panthéonade ». Elles sont diverses, parfois solides, parfois spécieuses, et conduisent à se demander si cette pétition spécifique ne recouvre pas des desseins plus lointains et fort différents.

   Aussi avez-vous raison de rappeler qu’il me semble que la question doit être posée autrement. Vous me faites me demander si l’on peut donner une reconnaissance nationale à un poète qui bat sa femme et tente d’assassiner son amant ou à un autre qui pratique le trafic d' armes. A vrai dire, ce n’est pas le problème.

   Ce qui importe c’est de comprendre ce qu'exige aussi l’entrée au Panthéon : la conscience collective par la nation d’une dette commune à l’égard d’un individu. Hugo, Jean Moulin ou Simone Veil répondent à ce critère.

   Que Rimbaud, et même Verlaine, soient de grands poètes, qu’ils nous inspirent à titre personnel, Madame la Ministre de la culture ou Monsieur Martel l’ont très bien dit. Que La Patrie, l’ensemble des Français (tous les connaissent-ils ?) puissent leur être collectivement reconnaissants à tous deux d'un service éminent et d'une vie tangiblement changée, ce n’est pas sûr. 

   Bien amicalement à vous. » 

Merci

L.F.

dimanche 20 septembre 2020

Débat Alain Borer - Frédéric Martel sur France Culture

Débat Alain Borer - Frédéric Martel sur France Culture émission "signes des temps" du dimanche 20 septembre à 12 heures 45

Mis à jour à 19 H

jeudi 17 septembre 2020

Verlaine et Rimbaud au Panthéon.Cinq arguments contre.

Dans une lettre au Président, des artistes, écrivains, poètes et rimbaldiens donnent cinq arguments contre la Réunion de Verlaine et Rimbaud au Panthéon.

À lire dans " Le Monde" du vendredi 18 septembre.

Pour les abonnés on peut lire la totalité de l'article en ligne.

Je fais partie des signataires de la lettre au Président.

Jacques Bienvenu

dimanche 13 septembre 2020

Rimbaud au Panthéon ?


Le Panthéon sous l'Empire. DR.

Frédéric Martel a fait sensation en proposant récemment de réunir Verlaine et Rimbaud au Panthéon. Cette annonce coïncide avec la publication de la réédition de la biographie de Jean-Jacques Lefrère avec une préface de Frédéric Martel dans laquelle il expose les raisons qui selon lui justifieraient sa proposition.

Une pétition en forme de lettre au Président de la République a été signée par la quasi-totalité des anciens ministres de la Culture et approuvée avec enthousiasme par Roselyne Bachelot l’actuelle ministre de la Culture. Cela donne un poids considérable à cette pétition que l’on peut lire ici

Plusieurs personnalités commencent à s’exprimer en rejetant cette proposition. André Guyaux vient de publier un article en ligne dans lequel il expose les raisons de sa réticence à voir Rimbaud au Panthéon. Alain Tourneux le premier a aussi réagi en exprimant son rejet de la proposition. Jacqueline Tessier Rimbaud, arrière-petite-nièce du poète rejette violemment cette idée. La décision appartient au Président Macron, mais si la famille s’y oppose ce ne sera pas possible. Ce fut le cas pour Albert Camus.

Pour se faire une idée, on peut lire :

Les arguments de Frédéric Martel qui dépense une énergie considérable  

Notre opinion rejoint celles d’André Guyaux, Alain Tourneux et Olivier Bivort.

J.B.

mercredi 9 septembre 2020

L'autre Rimbaud


David Le Bailly vient de publier un livre intitulé « L’autre Rimbaud » qui raconte l’histoire de Frédéric Rimbaud frère du poète (ne pas confondre avec Frédéric Rimbaud le père). Ce qu’on peut d’abord reprocher au livre c’est de mélanger les genres. Le Bailly nous dit que son livre est un roman, mais il le présente comme une biographie. Il précise qu’il a consulté des archives et trouvé des informations inédites, mais il n’y a aucun appareil critique de sorte qu’on ne sait pas si certains éléments dont il parle sont des hypothèses ou le fruit d’une recherche personnelle. Par exemple : Frédéric Rimbaud a-t-il reçu un courrier de son père qui lui aurait demandé des nouvelles de ses frères et sœurs ? Est-il allé voir Verlaine à Coulommes qui lui aurait offert un exemplaire des « Poètes maudits » ? Ces informations seraient précieuses si elles s’avéraient exactes. Le Bailly reproche aux biographes de Rimbaud quand ils parlent de Frédéric des « éléments non vérifiés, des incohérences, des racontars, des souvenirs brumeux ; peu de documents écrits, de pièces en bonne et due forme ». Il va même plus loin dans sa critique : il y voit « un mépris de classe, le dédain des savants de la Sorbonne pour la vie de l’autre Rimbaud, vu comme un moins que rien, un rebut social ». 

Mais, Le Bailly se montre-t-il plus sérieux dans son livre que les biographes qu’il critique ? C’est déjà un problème car il fait des erreurs qui sont patentes. L’auteur rappelle que la photo de la première communion, en couverture du livre et à laquelle il attache une importance primordiale, avait été falsifiée et il précise qu’Isabelle avait signé son crime en écrivant : « je certifie que ce portrait est bien celui de mon frère à l’âge de 11ans. ». Portrait qui venait de la donation André Gide en 2012 au musée Rimbaud et qui faisait suite à des recherches qui m’avaient conduit sur les traces de deux photos Carjat. Le Bailly écrit sur la photographie d’Arthur à la fin de son ouvrage qu’elle a été retouchée par Isabelle en 1910. Or c’est une erreur. C’est Paterne Berrichon qui est à l’origine de la retouche. Voici une autre erreur : Le Bailly écrit qu’Isabelle a supprimé dans la correspondance publiée par Berrichon tous les passages concernant Frédéric. Or ce n’est pas Isabelle mais Berrichon qui a caviardé les lettres. De plus, il est inexact de dire que Frédéric a été supprimé de toutes les lettres. Ainsi dans celle du 15 février 1881 Rimbaud écrit une information importante : « À propos, comment n’avez-vous pas retrouvé le dictionnaire arabe ? Il doit être à la maison cependant. Dites à Frédéric de chercher dans les papiers arabes un cahier intitulé : Plaisanteries, jeux de mots, etc.,en arabe, et il doit y avoir aussi une collection de dialogues, de chansons, ou je ne sais quoi , utile à ceux qui apprennent la langue. S’il y a un ouvrage en arabe envoyez ». Il se trouve en plus que cette lettre est d’actualité car le 20 septembre une exposition à l’institut du monde arabe expose un Coran, dont on avait perdu la trace, ayant appartenu à Rimbaud.

Coran ayant appartenu à Rimbaud. DR IMA.

C’est donc une situation irritante de ne pas savoir à quoi s’en tenir avec les anecdotes de Le Bailly. Cela dit, le récit est intéressant et l’idée était bonne de faire un livre sur le frère de Rimbaud. Il permet de mieux comprendre l’évolution des relations de Frédéric avec sa famille. De notre point de vue, l’auteur aurait mieux fait d'écrire une biographie en précisant ses sources et en indiquant ses hypothèses ou ses certitudes. On peut ajouter que pour les rimbaldiens il est utile car il fait réfléchir.
L’auteur donne tout de même des indications bibliographiques, en particulier il précise que son ouvrage n’aurait pas pu voir le jour sans le travail de Jean-Jacques Lefrère. Il mentionne ainsi une douzaine de références dont notre blog.

Voir une autre critique du livre dans l’article de Frédéric Martel : Un automne avec Rimbaud