Lorsque j’ai observé la
curieuse graphie de l’écriture du manuscrit de Verlaine concernant le poème La Grâce ( voir les deux articles qui précèdent), j’eus l’idée de demander à
Yves Jacq de me venir en aide. Grand spécialiste du groupe des Vivants :
Richepin, Ponchon, Bouchor, il côtoie aussi les écrivains qui gravitent autour
de ces poètes et bien sûr Verlaine. Surtout, il connaît admirablement les
écritures ayant collationné des milliers de lettres au cours de ses années de recherches.
Rendez-vous fut pris à Aix-en- Provence, et nous voilà donc, après avoir
déjeuné sur le Cours Mirabeau, en direction de la bibliothèque Méjanes pour
examiner le dossier. Manque de chance elle était fermée. Il pleuvait, il
faisait froid, on cherchait un café peu bruyant aux alentours. Finalement,
c’est à l’extérieur d’un bistro, sous un auvent qu’on s’installa malgré les
intempéries. Rien ne peut décourager des chercheurs fanatiques et c’est sur une
table à peine abritée que je sortais les photocopies des feuillets du manuscrit
de La Grâce et de celui des Vieux Coppées.
Ce fut vraiment un bon
moment de philologie ! Avec nos crayons on soulignait tout ce qui nous
paraissait curieux. Yves Jacq observait des accents circonflexes qui manquaient
là où il en fallait et d’autres placés par erreur. Très finement, il me faisait
remarquer que le mot « Hablant » écrit « Hâblant » ne
portait pas d’accent car il venait de l’espagnol Hablar qui n’en prend pas et
il me rappelait que Verlaine connaissait bien l’espagnol. On notait que le mot « Hélas » barré en début de vers
revenait dix lignes plus loin en début de vers aussi. C’était bizarre. Le mot « laisse »
barré qui n’aurait pas rimé nous intriguait. Tout y est passé jusqu’au point
d’orgue : l’invraisemblable mot à la rime que j’observais :
« dia reste » au lieu de « diable ». C’est à ce moment que nous eûmes la
conviction que c’était une copie peut-être dictée par Verlaine à une autre
personne.
Néanmoins, il fallait absolument faire toutes les vérifications. Je
n’hésitais pas à me rendre à la bibliothèque Doucet pour observer une grande
quantité de manuscrits de Verlaine en particulier ceux qui provenaient de la
vente Jean Hugues. Je profitais de mon voyage à Paris pour acheter chez un
bouquiniste Sagesse dans la
collection des Manuscrits des Maîtres.
Ernest Delahaye y analysait l’écriture de Verlaine et notait :
« L’auteur de Sagesse a
l’écriture liée, il lui arrive de tracer deux et même trois mots sans lever la
plume […] ». On est loin de l’écriture scripte, jamais mentionnée.
Puis, coup de théâtre, Yves
Jacq m’informait qu’il avait identifié de manière formelle et sans aucun doute
possible l’écriture du manuscrit, recourant même au logiciel Photoshop pour faire
des superpositions de mots ! Chose étrange, Il se trouve que cette
solution apportée pose des problèmes que nous ne savons pas résoudre
encore !
À suivre…
Mise à jour du 30/01/2014 suite à un commentaire de GP du même jour mais que le blog a mal placé car il devrait figurer à la suite du dernier commentaire, ce qui n'est pas le cas. Voir ma réponse à ce message.
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