samedi 11 janvier 2014

Est-ce bien de l'écriture de Verlaine ? Par Jacques Bienvenu



© Musée des Lettres et  Manuscrits
© Musée des Lettres et  Manuscrits

Le recueil de Verlaine intitulé Cellulairement a une histoire tout à fait passionnante. En 1912, un certain Ernest Dupuy révélait l’existence d’un manuscrit autographe de Paul Verlaine paginé et daté, intitulé Cellulairement. On peut consulter en ligne cet article. Il fut publié en décembre 1912, dans La Revue des Deux Mondes et fut suivi peu après par un autre dans la Revue d’Histoire littéraire de la France en 1913. Néanmoins aucun fac-similé du manuscrit n’était révélé, seule la description en était très détaillée. En 1935 ce manuscrit autographe figurait dans la seconde partie du catalogue Barthou, ministre connu pour avoir eu une prodigieuse collection de documents rimbaldiens et verlainiens. Ce manuscrit réapparaissait seulement en décembre 2004 et fut acheté par le Musée des Lettres et Manuscrits. C’est un fait que ce musée a permis de faire connaître à un grand public ce magnifique manuscrit. D'abord par une première publication Verlaine emprisonné coéditée par le Musée des Lettres et Manuscrits et les éditions Gallimard, puis, plus récemment, dans la Collection poésie Gallimard dans laquelle le manuscrit est reproduit remarquablement sur papier glacé pour un prix plus que raisonnable de dix euros. Il faut se réjouir de cette publication grand public qui permet notamment à tous les chercheurs de se pencher sur ces anciens feuillets et de les étudier. L’appareil critique très soigné de cette publication a été confié à Pierre Brunel que les rimbaldiens connaissent bien pour ces nombreux ouvrages consacrés à Rimbaud. Naturellement Pierre Brunel a bénéficié de l’édition de référence d’Olivier Bivort, revue en 2010, après la consultation du manuscrit au Musée des Lettres et Manuscrits. J’avais l’intention de compléter une petite étude que j'avais faite  sur L’Art poétique de Verlaine que Pierre Brunel a aimablement signalée, lorsque je me suis aperçu d’un problème qui me semble vraiment passionnant. J’ai la conviction que les feuillets du manuscrit du poème La Grâce pourraient ne pas être de l’écriture de Verlaine. Je donne ci-dessus un feuillet de L’Art poétique et un des feuillets de La Grâce, afin que le lecteur puisse juger par lui-même. Sans être graphologue je crois qu’il est visible qu’on a affaire à deux écritures différentes. Celui de La Grâce semble une copie réalisée par une autre personne que Verlaine. Cela saute aux yeux. Seul le titre et les quatre lignes  en latin en haut à droite semblent bien être de l'écriture de Verlaine.  Pierre Brunel indique seulement une écriture « plus resserrée » pour ce poème. On  pourrait argumenter, par exemple, sur la forme caractéristique des S du feuillet de La Grâce. Cette forme très particulière ne s’invente pas et elle n’est pas de Verlaine. De qui pourrait être cette écriture ? Je l'ignore pour l'instant. Je pourrais formuler certaines hypothèses séduisantes, mais je ferai des propositions le jour où j’aurai pu examiner certaines écritures,  à moins qu’à la suite de mon article une identification sérieuse puisse être faite par un lecteur. Il est certain que la connaissance du copiste serait certainement utile pour l’histoire du manuscrit. En attendant je me contente modestement de soulever cette question qui ne me paraît pas manquer d’intérêt. Je reviendrai par la suite à quelques considérations  nouvelles que j’ai sur L’Art poétique


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