Le recueil
de Verlaine intitulé Cellulairement a une histoire tout à fait passionnante. En
1912, un certain Ernest Dupuy révélait l’existence d’un manuscrit autographe de Paul Verlaine
paginé et daté, intitulé Cellulairement. On peut consulter en ligne cet article. Il fut publié en décembre 1912, dans
La Revue des Deux Mondes et fut suivi peu après par un autre dans la Revue d’Histoire littéraire de la France en
1913. Néanmoins aucun fac-similé du manuscrit n’était révélé, seule la
description en était très détaillée. En 1935 ce manuscrit autographe figurait dans la
seconde partie du catalogue Barthou, ministre connu pour avoir eu une
prodigieuse collection de documents rimbaldiens et verlainiens. Ce manuscrit
réapparaissait seulement en décembre 2004 et fut acheté par le Musée des Lettres et Manuscrits. C’est un fait que ce musée a permis de faire
connaître à un grand public ce magnifique manuscrit. D'abord par une première publication Verlaine
emprisonné coéditée par le Musée des Lettres
et Manuscrits et
les éditions Gallimard, puis, plus récemment, dans la Collection poésie Gallimard dans laquelle le manuscrit
est reproduit remarquablement sur papier glacé pour un prix plus que raisonnable
de dix euros. Il faut se réjouir de cette publication grand public qui permet
notamment à tous les chercheurs de se pencher sur ces anciens feuillets et de
les étudier. L’appareil critique très soigné de cette publication a été confié
à Pierre Brunel que les rimbaldiens connaissent bien pour ces nombreux ouvrages
consacrés à Rimbaud. Naturellement Pierre Brunel a bénéficié de l’édition de
référence d’Olivier Bivort, revue en 2010, après la consultation du manuscrit
au Musée des Lettres
et Manuscrits. J’avais l’intention de compléter une petite
étude que j'avais faite sur L’Art poétique de Verlaine que Pierre Brunel a aimablement
signalée, lorsque je me suis aperçu d’un problème qui me semble vraiment passionnant. J’ai la conviction que les feuillets du manuscrit du poème La Grâce pourraient ne pas être de l’écriture de
Verlaine. Je donne ci-dessus un feuillet de L’Art poétique et un des feuillets de La Grâce, afin que le lecteur puisse juger par lui-même. Sans être
graphologue je crois qu’il est visible qu’on a affaire à deux écritures
différentes. Celui de La Grâce semble une copie réalisée par une autre personne que Verlaine. Cela saute aux yeux.
Seul le titre et les quatre lignes en latin en haut à droite semblent
bien être de l'écriture de Verlaine. Pierre Brunel indique seulement une
écriture « plus resserrée » pour ce poème.
On pourrait argumenter, par exemple, sur la
forme caractéristique des S du feuillet de La Grâce.
Cette forme très particulière ne s’invente pas et elle n’est pas de Verlaine.
De qui pourrait être cette écriture ? Je l'ignore pour l'instant. Je
pourrais formuler certaines hypothèses séduisantes, mais je ferai des
propositions le jour où j’aurai pu examiner certaines écritures, à moins
qu’à la suite de mon article une identification sérieuse puisse être faite par
un lecteur. Il est certain que la connaissance du copiste serait certainement
utile pour l’histoire du manuscrit. En attendant je me contente modestement de
soulever cette question qui ne me paraît pas manquer d’intérêt. Je reviendrai
par la suite à quelques considérations nouvelles que j’ai sur L’Art poétique
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