Collection Gérard Dôle. DR. |
Gérard Dôle vient de publier un livre intitulé : Rimbaud la photographie oubliée aux éditions Terre de brume.
Comme le titre l’indique il s’agit d’une photographie de Rimbaud inédite que l’on peut voir en tête de notre blog. L’auteur explique longuement comment il a été en possession de cette photo. On apprend qu’il vit depuis 50 ans au 10 rue de Buci à Paris qui est l’endroit où le poète Théodore de Banville avait habité. Gérard Dôle nous raconte qu’il a connu à cet endroit un individu nommé l’Astronome et qui lui a dit que ses grands-parents ont connu Rimbaud qu’ils avaient hébergé pendant La Commune à cette même adresse. De plus l’Astronome avait offert à Gérard Dôle une photographie de Rimbaud que celui-ci aurait envoyé à ses grands-parents pour les remercier de leur accueil. Cette épreuve réalisée par le photographe Pierre Petit est un portrait carte dont le verso indique la date d’août 73 qui correspond à la date indiquée par Rimbaud pour la fin de la rédaction d’Une Saison en enfer. L’hypothèse de Gérard Dôle est que Rimbaud aura voulu se faire tirer son portrait pour lancer son livre.
Collection Gérard Dôle. DR. |
Le premier problème est que Gérard Dôle écrit que Rimbaud avait trouvé porte de bois chez Banville parce que le parnassien se serait réfugié en province pendant la Commune. Or c’est inexact. En effet on connaît une lettre de Banville du 4 juin 1871 dans laquelle il écrit : « heureusement j’avais ma mère chez moi et j’étais allé la chercher à temps le jour où l’armée est entrée à Paris ; car si la bataille a été sanglante dans la rue de Buci que j’habite, elle l’a été bien plus encore rue Saint-André-des-Arts.(…) Enfin l’ordre est rétabli , mais que nous avons vu de sang et de morts, et ensuite quel spectacle de voir tous les monuments de Paris brûlés et ruinés ! »
Donc Banville était chez lui quand Rimbaud aurait sonné à sa porte vers le 29 mai 1871. Rimbaud l’aurait donc nécessairement vu. Mais Rimbaud dans sa lettre à Banville du 15 août 1871 ne mentionne pas cette rencontre et il remercie simplement son maître de lui avoir répondu contrairement à ce que dit Gérard Dôle qui écrit que le parnassien n’avait pas daigné répondre à cette lettre.
Le second problème est la date d’août 73 indiquée sur la photographie. Gérard Dôle suppose qu’après l’incident de Bruxelles Rimbaud est passé par Paris la première semaine d’août 1873. On a du mal à croire que Rimbaud ait voulu se faire tirer son portrait à Paris alors qu’il était encore blessé et que la rédaction de son livre n’était pas finie. S’il voulait un portrait pour lancer son livre la date d’octobre 1873, au moment où il va chercher ses épreuves à Bruxelles, aurait été plus crédible.
Cela dit, on peut trouver la photographie ressemblante et l’on pourrait disserter à perte de vue sur les cheveux, le dessin de la bouche, les yeux, la barbe, etc. Le désir de voir Rimbaud sur cette photo peut créer une conviction chez certains admirateurs du poète.
La seule preuve que nous ayons est le témoignage de Gérard Dôle concernant un ami disparu depuis. La photographie a été expertisée par un spécialiste des photographie du 19e siècle qui affirme que le support est d’époque.
On peut douter qu’une preuve puisse être apportée sur l’authenticité de cette photographie. Elle appartient à la galerie des portraits de Rimbaud comme ceux de Garnier et de Rosman.
Le livre de Gérard Dôle mérite cependant d’être lu par les rimbaldiens. Il remet au goût du jour la participation de Rimbaud à la Commune auquel il apporte beaucoup de documents iconographiques. Surtout, il révèle une lettre inédite de François Coppée qui prouve que ce poète avait été hébergé par Banville pendant la semaine sanglante. Habitent à ce moment-là rue de Bucci : Banville, sa mère, sa femme, son fils adoptif, François Coppée, et s’il faut en croire Gérard Dôle les deux grands-parents de l’Astronome et Rimbaud. Cela fait beaucoup de monde !
D’une certaine façon ce livre témoigne de la fascination pour le portrait de Rimbaud. Il met en lumière aussi un photographe dont on parle moins que Carjat : Pierre Petit. Ce dernier fut pourtant célèbre de son temps et Carjat fut son élève.