vendredi 30 juillet 2021

Histoire des dessins de Verlaine et retour sur la lettre du 18 mai 1873

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Les dessins de Verlaine ont une histoire mal connue. Verlaine avait conservé toutes les lettres qu’il avait reçues de Germain Nouveau et Delahaye, puis il avait découpé les dessins. Ils étaient séparés des lettres auxquelles ils avaient appartenu et dont ils constituaient l’illustration. Il donna  à la fin de sa vie les dessins à Laurent Tailhade qui les vendit au collectionneur Doucet. Ce trésor se retrouva donc à la Bibliothèque Doucet. En 1949 le conservateur demanda à Jean-Marie Carré, connu pour avoir écrit une Vie de Rimbaud, de classer les dessins. Carré accepta et à la suite publia un ouvrage intitulé « Autour de Verlaine et Rimbaud ». Dans son introduction Carré écrivait que si Verlaine les avait conservés au cours d’une existence errante et irrégulière, c’était après les avoir soigneusement découpés, et il s’était même appliqué à raturer, au verso, les passages des lettres qu’il lui eût été impossible de supprimer sans mutiler les croquis. Certains lui apparaissaient, sinon compromettants, du moins inutilement révélateurs pour des yeux indiscrets. La plupart des dates avaient disparu.

Il semble que Rimbaud ait pris l’habitude d’illustrer ses lettres à la suite de sa correspondance avec Verlaine. Ainsi la lettre de « Laïtou » est la première de Rimbaud que nous connaissons illustrée. De plus le langage des lettres était une sorte d’argot et de patois. Ils se complaisaient à de monstrueuses démonstrations du plus simple vocabulaire. Delahaye se mit au diapason des deux amis. Verlaine avec « son accent parisiano-ardennais » comme il le dit lui-même rend malaisée l’identification des êtres, des lieux et des choses.


C’est la difficulté que nous avons rencontrée avec la lettre du 18 mai 1873. 


Il ressort de la recherche précédente que le quatrain sous le monarque est celui-ci


Vive notre grand Monarquô

Féculard et fils premierô

Sur son front il a la marquô

Qui prédestine au cimiérô ! ( ter)


Le personnage Dupont est un séminariste qui a été élève avec Rimbaud au collège de Charleville. Son nom apparaît au palmarès des prix de la classe de seconde et de rhétorique.


Palmarès classe de seconde. DR.

Palmarès classe de rhétorique. DR.

La phrase sous le miroir qui représente un joueur de billard (qui est ce personnage ?) ne donne qu’un mot sûr : « béliard ». Des interprétations ont été données. Voir les commentaires des précédents articles.


vendredi 23 juillet 2021

Les mystérieux dessins des lettres de Verlaine à Rimbaud du 15 et du 18 mai 1873 (dernière mise à jour le 27 juillet)

DR. Médiathèque Voyelles.

Dans notre précédent article, nous avons obtenu d’importants éclaircissements sur les dessins de la lettre du 18 mai 1872. Grâce à de nombreux commentaires, des explications ont été apportées. Ainsi, il est avéré que DUPONT (écrit au miroir) est un séminariste que Rimbaud a connu au collège. Le monarque représente Verlaine en Napoléon III. Il rejette dans des coupelles du caca. Le quatrain sous le monarque a été très modifié par rapport à la version donnée par Pakenham. Une discussion disputée a donné raison à Franck Delaunoy sur le mot  « cimier ». Le débat me semble de bon niveau. Il faut signaler à ce sujet les excellentes interventions de David Ducoffre. On espère que des verlainiens participeront au débat. Il ne faut pas minimiser l’importance de cette recherche. La lettre du 18 mai 73 représente un moment capital des relations Verlaine-Rimbaud. Rimbaud est en train d’écrire sa Saison en enfer. Verlaine veut publier le recueil Romances sans paroles avec une dédicace à Rimbaud. Pourtant le drame de Bruxelles n’interviendra que deux mois après. La lettre de Verlaine est la dernière connue avant ce fameux drame. Déchiffrer ce que Verlaine a écrit sur les dessins peut nous donner des informations capitales. Il reste encore des énigmes. Par exemple : qui est le nommé Béliard sous le dessin de gauche ? Pourquoi ce jeu de Miroir ? 


Afin d’aider au débat je publie la lettre de Verlaine à Delahaye qui a été écrite 3 jours avant par Verlaine et qui comporte d’importants dessins bien commentés cette fois par Pakenham. Mais notre version que nous publions grâce à l’obligeance de la  Médiathèque Voyelles est bien meilleure pour la qualité des dessins.


La lettre comporte quatre feuillets. Le premier donné en tête de notre article : deux dessins. En haut de la page « Nous » , c'est à dire Verlaine et Delahaye de chaque côté du panneau-frontière, chacun laissant tomber leur pipe et pleurant; du côté « Pelchique », Verlaine a reçu une lettre et se lamente : Quoi ! Nul dessein de vous. ho! ho! hi hi hi »; du côté «  Frince », Delahaye pleure en s’écriant : «  oh c’remord! ». En dessous « Lui », Rimbaud, en haut de forme, est attablé devant un verre et deux bouteilles, et fume tranquillement la pipe en s’écriant « ah merde ! »


DR.Médiathèque Voyelles

En page 2, Verlaine annonce : « j’envoie sans retard mon livre (Romances sans paroles) À Claye à Paris-Dans un mois ça sera imprimé [Dessin : autoportrait à la manière d’un médaillon de la Renaissance, avec la légende : « PAOLO VERLANIO POETA FORESTIERE » ] et à vous envoillié avec une belle affaire en forme de dédikasse » [ DESSIN : Verlaine en paysan empérruqué présente Romances sans paroles à Delahaye ]

En page 3 , sous le titre « Salon de 1873-galerie des refusés » deux DESSINS : statue de Verlaine nu avec une feuille de vigne, tenant un drapeau (O Rus ! »), et sur le socle l’inscription : » L’ENNUI jehonville faciebat »; un tableau signé «  P.V.faciebat, représente une paire de fesses d’où sort un énorme étron qui se répand sur une ville avec la légende : «  destruction de Charleville,ses imprimeurs et ses journalistes.


Les commentaires des dessins sont de Michael Pakenham.


On donne aussi le quatrième feuillet de la lettre :



DR.Médiathèque Voyelles.

Mise à jour 26 juillet : suite au commentaire de Franck Delaunoy du 24 juillet 12h 22 je publie deux dessins de Verlaine :

Ancienne collection Matarasso. DR.

Album Verlaine p. 71.

J’ajoute quelques précisions : 


C’est en 1930 que l’on a pu consulter le dossier de l’affaire de Bruxelles détenue par la Bibliothèque Royale de Belgique. La quasi-totalité du dossier avec des fac-similés a été publiée pour la première fois par André Fontainas en 1931. C’est de sa publication que nous avons extrait les documents concernant la lettre de Verlaine du 18 mai 1873. La publication la plus complète et la plus récente est celle du remarquable catalogue de l’exposition « Verlaine cellule 252. Turbulences poétiques » qui eu lieu en 2015-2016. J’ai eu le plaisir d’aller à cette exposition. Le catalogue réalisé par Bernard Bousmanne est une référence très précieuse pour les chercheurs. On y trouve une magnifique reproduction des dessins de la lettre de Verlaine de 1873 p. 63-64. Il est utile de donner ici les commentaires du dessin par Bernard  Bousmanne : « Dans sa réponse, Paul se dessine une première fois attablé dans le café fumant la pipe, avec à l’arrière un joueur de Billard. Une seconde illustration le montre en roi avec la légende : « Vive notre grand monarquô/ Féculard et fils premierô/Sur son front il a la marquô/Qui prédestine au limiérô ! (ter).


On voit que Bernard Bousmanne avait donné déjà toutes les corrections que nous avons publiées à l’exception de « limierô » qu’il ne change pas.


Mise à jour du 27 juillet :


Voici le dessin agrandi qui pose un gros problème. On lit correctement les mots « phameux » et « béliard », mais quelle est leur signification ? Qui est le joueur de billard dans la glace ? 


DR.Bibliothèque Royale de Belgique.


samedi 17 juillet 2021

Les mystérieux dessins d'une lettre de Verlaine à Rimbaud en mai 1873

 

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La lettre de Verlaine à Rimbaud du 18 mai 1873 comporte des dessins qui ont été très peu commentés et qui posent des énigmes que nous soumettons aux lecteurs du Blog.


Précisons d’abord le contexte de cette lettre. Rimbaud est à Roche où il commence à écrire Une saison en enfer. Verlaine est à Jehonville en Belgique. Les deux poètes avaient pris l’habitude de se rencontrer avec Delahaye à Bouillon à l’hôtel des Ardennes. Le 18 mai Verlaine ne trouve personne à Bouillon car les deux autres n’avaient pu venir. En les attendant, il écrit à Rimbaud cette lettre que l’on retrouvera dans le portefeuille de Rimbaud à Bruxelles après le fameux drame. ( Et non dans le portefeuille de Verlaine comme l’écrit Lefrère dans sa biographie de Rimbaud )


Sur la lettre Verlaine s’est représenté écrivant à Rimbaud. C’est peut-être lui aussi dans l’attitude du monarque sous lequel il faudrait expliquer le texte : 


Vive notre grand Monarquô

Faculard et fils premier ! 

Sur son front il a la marque

Qui predestine au limier ! ( ter)


Très mystérieux aussi le DUPONT à l’envers sur le personnage (Verlaine ?) à côté du monarque.


Les dessins sont représentés dans l’édition de la correspondance de Verlaine par Pakenham. Mais aucune explication n’est donnée sur les mystères que nous signalons. 

Mise à jour du 18 juillet : La première partie du manuscrit de la lettre :



Mise à jour du 19 juillet : voici les documents du dossier du fameux Dupont. L'acte de naissance et le livret militaire qui  montre que Dupont était séminariste. Il me reste à retrouver le palmarès du collège de Charleville où le nom de Dupont apparaît avec celui de Rimbaud.




la mention séminariste est en première ligne à droite de Dupont

Après corrections le texte sous le monarque Verlaine devient :

Vive notre grand Monarquô

Féculard et fils premierô

Sur son front il a la marquô

Qui prédestine au cimiérô ! ( ter)

dimanche 11 juillet 2021

Décès de Yann Frémy

Yann Frémy bien connu des spécialistes de Rimbaud est décédé à Strasbourg le 5 juillet 2021 à l’âge de 49 ans.

Il avait soutenu sa thèse : L'énergie poétique : "Une saison en enfer" d'Arthur Rimbaud, en 2003 sous la direction du regretté Alain Buisine. Cette thèse a donné lieu à une publication en 2009 par  les éditions Classiques Garnier : « Te voilà, c'est la force ». Il était d’ailleurs devenu un spécialiste reconnu d’Une Saison en enfer. Ses nombreuses publications, interventions radiophoniques, vidéos peuvent être consultées sur le site du CERIEL. Sa carrière universitaire se déroulait à l’Université de Strasbourg où l’on devait lui confier à la rentrée une nouvelle charge d’enseignement. 


La célébration des funérailles aura lieu le mardi 13 juillet 2021 à 10 heures 30, en l’église Saint-Martin de Noyelles-Godault.