Parallèlement, le portrait de Verlaine en amoureux transi, au
point d'en devenir victime manipulable à l'envi n'est guère plus flatteur.
Coste nous épargne une tentative d'explication de l'inexplicable, et nous
laisse, c'est heureux, seuls devant ce mystère.
lundi 31 mars 2014
mardi 18 mars 2014
samedi 15 mars 2014
"La Muse des méphitiques", par Jacques Bienvenu
© Musée Rimbaud |
Dans La Liberté du 18 juillet 1898, Izambard
racontait qu’il avait envoyé à Rimbaud une parodie des triolets du Cœur volé, qu’il avait reçue le 15 mai 1871, dans une lettre
fameuse, l’une des deux lettres dites du Voyant. Cette parodie était
intitulée : La Muse des méphitiques.
Il s’agissait de se moquer gentiment de Rimbaud en lui expliquant qu’il était
facile de faire des vers incohérents. En 1898, Il
n’avait pas retrouvé la lettre dans laquelle Le Cœur supplicié [1] était
inséré, mais il reproduisait, avec quelques erreurs le texte du Cœur volé reproduit par Verlaine dans ses Poètes
maudits de 1888. Dans son ouvrage Verlaine juxtaposait au Cœur volé une version du poème Tête de faune, j’y reviendrai.
Extrait de l'article d'Izambard de 1898 reproduit dans Rimbaud tel que je l'ai connu. |
Suite de l'extrait précédent et version de La Muse des méphitiques de 1898. |
La lettre du Voyant envoyée
à Izambard fut seulement publiée, en octobre 1926, dans un article de La Revue européenne avec une autre version, en trois triolets,
de
La Muse des méphitiques.
Version de La Muse des méphitiques de 1926. |
Le 20 mars 1998, la vente Jean Hugues révélait un manuscrit autographe de La Muse des méphitiques qui comportait cette fois quatre triolets. Nous reproduisons pour la première fois les deux pages en couleur qui permettent de distinguer les encres distinctes. Le lecteur pourra s’amuser à élucider les différentes numérotations.(Voir la reproduction en tête de l'article).
Ce manuscrit révèle qu’il a été écrit dans les années 1880-1890 comme le montre le fait qu’Izambard avait écrit en sous-titre du poème : Triolets décadents, avant de surcharger à l’encre le mot décadents par : dans la manière de Rimbaud. Il n'existait pas d'école décadente en 1871. On a donc tout lieu de croire que c’est dans les années 1880-1890 qu’Izambard a écrit cette parodie qu’il a présentée dans deux versions successives. L’existence même d'un envoi d’Izambard à Rimbaud n’est pas certaine. Cette parodie pourrait être une invention tardive d’Izambard qui n’avait visiblement pas encore compris en 1898 l’importance de l’auteur du Cœur volé.
Marc Dominicy, a publié dans le numéro 15 de la revue Parade sauvage, l’année même où le manuscrit d’Izambard a été retrouvé [2], une étude de 179 pages sur Tête de faune. Les métriciens ayant remarqué que ce poème dans les deux versions connues avait des césures surprenantes, Marc Dominicy observe que les décasyllabes de La Muse des méphitiques ont une métrique identique à ceux du poème Tête de faune. Il en déduit que Rimbaud, ayant reçu la parodie d’Izambard, avait réutilisé celle-ci pour écrire Tête de faune. Ainsi le mystère des étranges césures du poème de Rimbaud était expliqué. Certes, on pourrait penser plus simplement que les vers d’Izambard parodiaient les triolets de Rimbaud révélés par Verlaine en 1888 et qu’ils parodiaient aussi la métrique de Tête de faune publié précisément en même temps par Verlaine. Mais chacun a sa logique.
Le Cœur volé et Tête de faune des Poètes maudits de 1888. |
Au cinquième vers du premier triolet du manuscrit, le
mot hydropiques est barré et remplacé au dessus par rachitiques. Jean-Jacques
Lefrère, qui a le premier retranscrit le manuscrit de La Muse des méphitiques, a résolu à sa manière ce petit problème de déchiffrement.
Il lit hycropiques au lieu de hydropiques et
excentriques au lieu de rachitiques. [3]
Cette parodie d'Izambard est en définitive, riche d'enseignements.
Inscription à :
Articles (Atom)