Concernant son
intervention sur La « puissance
d’ironie » du Poète, Michel Murat a cité assez longuement le Blog de David Ducoffre opposant son explication de Voyelles
jugée par ce dernier critique définitive à la vision ironique du sonnet selon
Yves Reboul. Il n’a pas tranché entre les deux interprétations qu’il rejette,
se plaçant au dessus de la mêlée dans une position somme toute confortable et
pontifiante. Yves Reboul n’a pas donné sa réponse lors de la discussion finale.
La question de savoir si Rimbaud est ironique dans certains poèmes a été
qualifiée d’ « indécidable » par l’auteur de L’Art de Rimbaud. Il observe que la
seule occurrence du mot « ironie » se trouve dans le poème L’Homme juste où Rimbaud
écrit : « L’ironie atroce de ma lèvre ». Il n’en tire pas
d’information importante. Pour ma part j’aurais noté l’accouplement du mot
ironie à celui d’atroce dont j’ai fait une étude ici.
Le développement sur
l’ironie de Rimbaud que je propose est le suivant : cette ironie est
manifeste dans certaines lettres d’Afrique. Par exemple celle-ci écrite à Ilg
en juillet 1889 :
« M. Brémont
manifeste l’intention de bâtir une maison ici, appropriée à son énorme
mouvement commercial et ses habitudes élégantes. Il a déjà, paraît-il, édifié
quelque chose au lieu dit Djibouti, mais c’était en éponges imparfaitement pétrifiées,
et aux pluies de printemps sur la côte, il paraît que ça a gonflé, pour ensuite
se dégonfler et rouler sur le sol. Il prétend toujours créer sur la route d’ici
au lieu dit Djibouti un service de caravanes avec horaire, itinéraires, et
tarifs fixes,- mais pour lui seul. Il revendique la franchise complète en
douane, et tous les privilèges imaginable en tous temps et lieux. Souhaitons la
réussite prompte dans cette tâche qu’il qualifie lui-même, et à raison de laborieuse ! Cependant il se promet
de faire un voyage prochainement au Choa. Là peut-être il voudra encore bâtir. - il est devenu
castor ! »
Loin d’être
indécidable, l’ironie de ce texte est décapante. On peut penser à un portrait à
la manière de La Bruyère. C’est ici que peut se poser la question de l’opposition
entre les deux Rimbaud - le poète et le négociant qui lui a succédé. Certains auteurs, et non des
moindres comme Yves Bonnefoy, estiment que seul le Rimbaud poète mérite de
l’intérêt. L’un des conférenciers me disait à Venise que c’était sa position.
D’autres critiques, en revanche, comme Alain Borer s’étendent beaucoup sur la
« seconde » vie. J’ai même lu récemment un rimbaldien qui expliquait
que la vie de Rimbaud poète serait incompréhensible sans la connaissance de la
vie d’explorateur et de négociant qui a suivi.
Pour ma part je dirai
modestement que la « seconde » vie de Rimbaud m’intéresse surtout
dans la mesure où elle peut nous éclairer sur le poète. Pourrait-on, par
exemple, déduire de la lettre précédente que l’ironie de Rimbaud a pu se
manifester tout autant dans ses poèmes ?
Voilà une question que
je pose en débat.
Une petite remarque, à
présent qui concerne la fin du colloque de
Venise. À une dame qui posait l’intéressante question de savoir si Rimbaud
avait lu les poèmes en prose de Baudelaire, je suis intervenu peu après les
réponses pertinentes qui lui furent faites, en lui disant que certains poèmes
en prose de Baudelaire avaient été publiés dans la Revue fantaisiste. Quelques personnes ayant émis des doutes sur le moment, Il est utile de préciser que Baudelaire a bien publié en novembre 1861 des poèmes en
prose dans La Revue fantaisiste.
|
Revue fantaisiste, novembre 1861,p.323. |
|
p.327. |
Mise à jour du 13/12/2013 : Voir l'article de David Ducoffre intitulé : Une intervention surprenante
qui se termine par : « À
vous de comprendre si vous êtes à la hauteur ».Le blog de David Ducoffre, cité lors d'un colloque prestigieux - et notamment bien relayé sur le site d'Alain Bardel,, semble prendre une dimension nouvelle.Par ailleurs, j'ai légèrement modifié mon article maladroitement rédigé concernant l'anecdote des poèmes en prose.