lundi 9 décembre 2013

L’ironie de Rimbaud, prolongement sur un écho du colloque de Venise, par Jacques Bienvenu. ( Voir à la fin de l'article notre mise à jour du 13/12/2013)




Concernant son intervention sur La « puissance d’ironie »  du Poète, Michel Murat a cité assez longuement le Blog de David Ducoffre opposant son explication de Voyelles jugée par ce dernier critique définitive à la vision ironique du sonnet selon Yves Reboul. Il n’a pas tranché entre les deux interprétations qu’il rejette, se plaçant au dessus de la mêlée dans une position somme toute confortable et pontifiante. Yves Reboul n’a pas donné sa réponse lors de la discussion finale. La question de savoir si Rimbaud est ironique dans certains poèmes a été qualifiée d’ « indécidable » par l’auteur de L’Art de Rimbaud. Il observe que la seule occurrence du mot « ironie » se trouve dans le poème L’Homme juste  où Rimbaud écrit : « L’ironie atroce de ma lèvre ». Il n’en tire pas d’information importante. Pour ma part j’aurais noté l’accouplement du mot ironie à celui d’atroce dont j’ai fait une étude ici.

Le développement sur l’ironie de Rimbaud que je propose est le suivant : cette ironie est manifeste dans certaines lettres d’Afrique. Par exemple celle-ci écrite à Ilg en juillet  1889 :

« M. Brémont manifeste l’intention de bâtir une maison ici, appropriée à son énorme mouvement commercial et ses habitudes élégantes. Il a déjà, paraît-il, édifié quelque chose au lieu dit Djibouti, mais c’était en éponges imparfaitement pétrifiées, et aux pluies de printemps sur la côte, il paraît que ça a gonflé, pour ensuite se dégonfler et rouler sur le sol. Il prétend toujours créer sur la route d’ici au lieu dit Djibouti un service de caravanes avec horaire, itinéraires, et tarifs fixes,- mais pour lui seul. Il revendique la franchise complète en douane, et tous les privilèges imaginable en tous temps et lieux. Souhaitons la réussite prompte dans cette tâche qu’il qualifie lui-même, et à raison de laborieuse ! Cependant il se promet de faire un voyage prochainement au Choa. Là peut-être il voudra encore bâtir. - il est devenu castor ! »

Loin d’être indécidable, l’ironie de ce texte est décapante. On peut penser à un portrait à la manière de La Bruyère. C’est ici que peut se poser la question de l’opposition entre les deux Rimbaud - le poète et le négociant qui lui  a succédé. Certains auteurs, et non des moindres comme Yves Bonnefoy, estiment que seul le Rimbaud poète mérite de l’intérêt. L’un des conférenciers me disait à Venise que c’était sa position. D’autres critiques, en revanche, comme Alain Borer s’étendent beaucoup sur la « seconde » vie. J’ai même lu récemment un rimbaldien qui expliquait que la vie de Rimbaud poète serait incompréhensible sans la connaissance de la vie d’explorateur et de négociant qui a suivi.

Pour ma part je dirai modestement que la « seconde » vie de Rimbaud m’intéresse surtout dans la mesure où elle peut nous éclairer sur le poète. Pourrait-on, par exemple, déduire de la lettre précédente que l’ironie de Rimbaud a pu se manifester tout autant dans ses poèmes ? 

Voilà une question que je pose en débat.

Une petite remarque, à présent qui concerne la fin du colloque de Venise. À une dame qui posait l’intéressante question de savoir si Rimbaud avait lu les poèmes en prose de Baudelaire, je suis intervenu peu après les réponses pertinentes qui lui furent faites, en lui disant que certains poèmes en prose de Baudelaire avaient été publiés dans la Revue fantaisiste. Quelques personnes ayant émis des doutes sur le moment, Il est utile de préciser que Baudelaire a bien publié en novembre 1861 des poèmes en prose dans La Revue fantaisiste


Revue fantaisiste, novembre 1861,p.323.

p.327.

Mise à jour du 13/12/2013 : Voir l'article de David Ducoffre intitulé : Une intervention surprenante
qui se termine par : « À vous de comprendre si vous êtes à la hauteur ».Le blog de David Ducoffre, cité lors d'un colloque prestigieux - et notamment bien relayé sur le site d'Alain Bardel,, semble prendre une dimension nouvelle.Par ailleurs, j'ai légèrement modifié mon article maladroitement rédigé concernant l'anecdote des poèmes en prose.

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