samedi 14 décembre 2013

La mauvaise hygiène sexuelle de Rimbaud selon Verlaine, un témoignage d'Ernest Delahaye



DR.Pour agrandir cliquer sur les photos.

« C'est un garçon qui a une mauvaise hygiène : d'abord il ne baise pas assez ! » disait Verlaine en novembre 1871, selon Ernest Delahaye.

lundi 9 décembre 2013

L’ironie de Rimbaud, prolongement sur un écho du colloque de Venise, par Jacques Bienvenu. ( Voir à la fin de l'article notre mise à jour du 13/12/2013)




Concernant son intervention sur La « puissance d’ironie »  du Poète, Michel Murat a cité assez longuement le Blog de David Ducoffre opposant son explication de Voyelles jugée par ce dernier critique définitive à la vision ironique du sonnet selon Yves Reboul. Il n’a pas tranché entre les deux interprétations qu’il rejette, se plaçant au dessus de la mêlée dans une position somme toute confortable et pontifiante. Yves Reboul n’a pas donné sa réponse lors de la discussion finale. La question de savoir si Rimbaud est ironique dans certains poèmes a été qualifiée d’ « indécidable » par l’auteur de L’Art de Rimbaud. Il observe que la seule occurrence du mot « ironie » se trouve dans le poème L’Homme juste  où Rimbaud écrit : « L’ironie atroce de ma lèvre ». Il n’en tire pas d’information importante. Pour ma part j’aurais noté l’accouplement du mot ironie à celui d’atroce dont j’ai fait une étude ici.

Le développement sur l’ironie de Rimbaud que je propose est le suivant : cette ironie est manifeste dans certaines lettres d’Afrique. Par exemple celle-ci écrite à Ilg en juillet  1889 :

« M. Brémont manifeste l’intention de bâtir une maison ici, appropriée à son énorme mouvement commercial et ses habitudes élégantes. Il a déjà, paraît-il, édifié quelque chose au lieu dit Djibouti, mais c’était en éponges imparfaitement pétrifiées, et aux pluies de printemps sur la côte, il paraît que ça a gonflé, pour ensuite se dégonfler et rouler sur le sol. Il prétend toujours créer sur la route d’ici au lieu dit Djibouti un service de caravanes avec horaire, itinéraires, et tarifs fixes,- mais pour lui seul. Il revendique la franchise complète en douane, et tous les privilèges imaginable en tous temps et lieux. Souhaitons la réussite prompte dans cette tâche qu’il qualifie lui-même, et à raison de laborieuse ! Cependant il se promet de faire un voyage prochainement au Choa. Là peut-être il voudra encore bâtir. - il est devenu castor ! »

Loin d’être indécidable, l’ironie de ce texte est décapante. On peut penser à un portrait à la manière de La Bruyère. C’est ici que peut se poser la question de l’opposition entre les deux Rimbaud - le poète et le négociant qui lui  a succédé. Certains auteurs, et non des moindres comme Yves Bonnefoy, estiment que seul le Rimbaud poète mérite de l’intérêt. L’un des conférenciers me disait à Venise que c’était sa position. D’autres critiques, en revanche, comme Alain Borer s’étendent beaucoup sur la « seconde » vie. J’ai même lu récemment un rimbaldien qui expliquait que la vie de Rimbaud poète serait incompréhensible sans la connaissance de la vie d’explorateur et de négociant qui a suivi.

Pour ma part je dirai modestement que la « seconde » vie de Rimbaud m’intéresse surtout dans la mesure où elle peut nous éclairer sur le poète. Pourrait-on, par exemple, déduire de la lettre précédente que l’ironie de Rimbaud a pu se manifester tout autant dans ses poèmes ? 

Voilà une question que je pose en débat.

Une petite remarque, à présent qui concerne la fin du colloque de Venise. À une dame qui posait l’intéressante question de savoir si Rimbaud avait lu les poèmes en prose de Baudelaire, je suis intervenu peu après les réponses pertinentes qui lui furent faites, en lui disant que certains poèmes en prose de Baudelaire avaient été publiés dans la Revue fantaisiste. Quelques personnes ayant émis des doutes sur le moment, Il est utile de préciser que Baudelaire a bien publié en novembre 1861 des poèmes en prose dans La Revue fantaisiste


Revue fantaisiste, novembre 1861,p.323.

p.327.

Mise à jour du 13/12/2013 : Voir l'article de David Ducoffre intitulé : Une intervention surprenante
qui se termine par : « À vous de comprendre si vous êtes à la hauteur ».Le blog de David Ducoffre, cité lors d'un colloque prestigieux - et notamment bien relayé sur le site d'Alain Bardel,, semble prendre une dimension nouvelle.Par ailleurs, j'ai légèrement modifié mon article maladroitement rédigé concernant l'anecdote des poèmes en prose.

jeudi 5 décembre 2013

Photographie des intervenants du colloque de Venise réalisée par Yoshikazu Nakaji


Cliquer sur la photographie pour la voir agrandie.


De gauche à droite : Yoshikazu Nakaji, André Guyaux, Yves Reboul,  Andrea Schellino, Olivier Bivort, Aurélia Cervoni, Adrien Cavallaro, Henri Scepi, Seth Whidden, Michel Murat, Hermann Wetzel, Jean-Luc Steinmetz, Yann Mortelette, Dominique Combe.


Je remercie Yoshikazu Nakaji de m'avoir envoyé cette photographie, bien meilleure que la mienne donnée dans l'article précédent, et qui me permet  de présenter correctement les participants de ce colloque vénitien.
  

lundi 2 décembre 2013

Le diable, au milieu des docteurs, à Venise.


Satan photographe à Venise.
                       Cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée !


L'ensemble des participants du colloque de Venise
                             

Le diable s'excuse pour cette photo infernale, faute de mieux, pour l'instant. Il espère l'améliorer ou en avoir prochainement une autre de meilleure qualité.

samedi 30 novembre 2013

Novembre à Venise, clôture du colloque Rimbaud, par Jacques Bienvenu

Venise, le samedi 30 novembre 2013.


Magnifique succès du colloque Rimbaud organisé par Olivier Bivort professeur à l'Université Ca' Foscari de Venise ! C'était vraiment une idée de génie d'organiser dans ce lieu merveilleux, une manifestation sur Rimbaud. La salle était bondée le premier jour (environ 70 personnes) ce qui est remarquable pour un colloque universitaire qui s'adresse  à un public de spécialistes et d'étudiants. Beaucoup de jeunes gens dans l'assemblée. Je rends compte brièvement, par quelques images la fin du colloque suivi d'une sympathique discussion. 

Le palais Foscari vue du Grand Canal.



Le Grand Canal vu de la salle de conférence.

Dernière séance du Vendredi 29 à 15H.


Aurélia Cervoni, André Guyaux, Michel Murat, Adrien Cavallero

Pendant la discussion de clôture, de droite à gauche au premier rang : Yoshikazu Nakaji,Yves Reboul, Olivier Bivort, Henri Scepi, Dominique Combe, Seth Whiden.

lundi 18 novembre 2013

Les manifestations du 20 octobre et du 7 novembre autour de Rimbaud à Charleville et Marseille, par Alain Tourneux.


En juin dernier la ville chinoise de Nanchong organisait un colloque consacré à Arthur Rimbaud, cela en lien avec l'Université de l'Ouest de la Chine, la ville de Charleville-Mézières et son musée Rimbaud y étaient étroitement associés, ce sont les accords existants entre la Province du Sichuan et la Région Champagne-Ardenne qui ont facilité ce partenariat qui sera amené à se  poursuivre.

De nombreux récitants de l'œuvre d'Arthur Rimbaud étaient présents à cette occasion.

                     Lecture par un poète chinois, grand admirateur de Rimbaud.


C'est dans cette logique que la publication d'une nouvelle traduction en chinois des poèmes d'Arthur Rimbaud a été alors annoncée et qu'elle a été présentée à Charleville-Mézières le 20 octobre dernier,  jour anniversaire. A cette occasion Mme Jie Wang qui a traduit un choix de  poèmes (*) comme elle l'avait déjà fait pour l'œuvre de Baudelaire avait convié de nombreux amis rimbaldiens. Beaucoup d'entre eux ont découvert la ville à cette occasion, le projet du nouveau musée Rimbaud a également été dévoilé à cette occasion.


(*) Rimbaud, le météore de la poésie française, traduction de Jie Wang, préface de Claude Jeancolas (éditions Castor & Pollux /2013).Récente traduction de poèmes de Rimbaud, Mme Jie Wang est la première femme à avoir traduit l'œuvre du poète en chinois.

Quelques jours plus tard, le 7 novembre, c'est à Marseille qu'il était question d'Arthur Rimbaud, de Charleville du nouveau musée. en effet grâce à la grande implication de Jacques Bienvenu l'Hôpital de la Conception a accepté d'organiser une conférence ayant pour titre "Rimbaud, Charleville, Marseille et l'Orient", les trois principaux acteurs en  ont été Marie-Anne Bardey, Jacques Bienvenu et Alain Tourneux.
Cette présentation qui se voulait grand public a permis de réunir une centaine de personnes dans l'auditorium Arthur Rimbaud de l'Hôpital, il faut souligner la qualité de l'écoute et l'excellence de l'accueil réservé par l'administration hospitalière qui avait largement communiqué autour de cette soirée.

On aperçoit dans l'encadrement de la porte, sur fond bleu, les visages de Jacques Bienvenu et Alain Tourneux, avant la conférence.

A priori il n'y avait pas eu de manifestation consacrée à Arthur Rimbaud à l'Hôpital de la Conception depuis la pose de la plaque en 1946  dans l'ancien établissement.


La plaque apposée en 1946 à l'Hôpital de la Conception a été déplacée lors de la reconstruction de l'établissement, elle figure aujourd'hui dans l'amphithéâtre Arthur Rimbaud.

                  Marie-Anne Bardey devant le portrait de son grand oncle Alfred.
                         

                                      Alain Tourneux qui a débuté la conférence.

                     Jacques Bienvenu devant une photographie de Marseille en 1890.

Marie-Anne Bardey, Jacques Bienvenu et Alain Tourneux aux Arcenaulx après la conférence

Ainsi Marseille, capitale européenne de la culture pour 2013 n'aura pas oublié Arthur Rimbaud en cette date proche du 10 novembre, autre date anniversaire.


Mise à jour 20/11/2013 : Les trois photographies qui représentent les  conférenciers sont de Fabrice Massot qui est l'auteur d'un portrait peint de Rimbaud accroché au fond de l'amphithéâtre et que nous reproduisons ci-dessous. 

          Rimbaud d'après une photographie de Carjat,
© Fabrice Massot.
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samedi 16 novembre 2013

Colloque Rimbaud à Venise, 28 - 29 novembre 2013.



                                                       
Jeudi  28 novembre 2013

9h30
Saluti della Direttrice del Dipartimento di Studi
Linguistici e Culturali Comparati
Anna Cardinaletti

Presentazione del convegno
Olivier Bivort
Matinée sous la présidence de Yoshikazu Nakaji
10h
Dominique Combe (Sorbonne nouvelle, ENS)
Rimbaud poéticien ?
Henri Scepi (Sorbonne nouvelle)
Rimbaud : poésie objective
pause
11h30
Yann Mortelette (Brest)
Rimbaud et la poétique parnassienne
Yves Reboul (Toulouse)
Mérat le Voyant
discussion
Après-midi sous la présidence de Jean-Luc Steinmetz
15h
Yoshikazu Nakaji (Tokyo)
Rimbaud autocritique
Hermann Wetzel (Regensburg)
La poétique de Rimbaud est-elle à la hauteur
de ses poèmes ?
pause
16h30
Andrea Schellino (Firenze)
Bruit et harmonie des Illuminations
Maria Emanuela Raffi (Padova)
Départ : des rumeurs et des bruits

Vendredi 29 novembre 2013

Matinée sous la présidence de Michel Murat
9h30
André Guyaux (Paris-Sorbonne)
Les avatars du moi
Jean-Luc Steinmetz (Nantes)
Le Rimbaud des hallucinations
pause
11h
Mario Richter (Padova)
Autour de la poétique de la Beauté dans
Une saison en enfer
Seth Whidden (Villanova)
Le sacré dans Alchimie du verbe
discussion
Après-midi sous la présidence d’André Guyaux
15h
Michel Murat (Paris-Sorbonne, ENS)
La « puissance d’ironie » de Rimbaud
Aurélia Cervoni (Paris-Sorbonne)
Les « sophismes » de Rimbaud
pause
Adrien Cavallaro (Paris-Sorbonne)
Pour une poétique de la formule rimbaldienne
au xxe siècle
discussion et clôture du colloque

samedi 9 novembre 2013

La dernière trace du passage de Rimbaud à Charleroi n’a pas résisté à la promotion immobilière, par André Guyaux


DR

Voir la façade ci-dessus, à droite.

La façade de ce qui fut la « Maison verte » vient de tomber sous les coups de pioche des démolisseurs. Célébrée par Rimbaud dans deux sonnets datés d’octobre 1870 : Au Cabaret-Vert et La Maline, et dans un poème de mai 1872, Comédie de la soif, où il l’appelle « l’Auberge verte », l’établissement se trouvait sur l’actuelle place Émile Buisset, dans une maison construite en 1851, dont la sobre et belle architecture néoclassique méritait à elle seule moins de brutalité. Il existe une photographie datant de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe, montrant le bâtiment et son enseigne[1].

Rimbaud a fait trois séjours à Charleroi : en août 1870, en octobre de la même année, puis, avec Verlaine, en juillet 1872. En août 1870, il fuit Charleville, sa ville natale, dans le but de rejoindre Paris. Pour des raisons liées à la guerre, la ligne de chemin de fer la plus directe pour Paris et qui passe par Reims, est coupée. Mais Rimbaud sait qu’il peut rejoindre la Belgique et prendre à Charleroi un train pour Paris. Sans doute a-t-il pris le train de Charleville jusqu’à Givet et poursuivi à pied jusqu’à Charleroi. Il quitte Charleville le 29 août et reprend le train de Charleroi pour Paris le 31. Il a de quoi acheter un billet pour Saint-Quentin, à mi-parcours. Interpellé à la gare du Nord à Paris, il passe quelques jours en prison. Georges Izambard, son professeur au collège de Charleville, vient le délivrer. Il séjourne quelque temps à Douai, la ville d’Izambard, puis rentre à Charleville, d’où il repart aussitôt pour Charleroi, au tout début d’octobre. Il ne s’agit plus à ce moment de gagner Paris : Charleroi est le but du voyage. Au collège de Charleville, il a croisé Jules Bufquin des Essarts, fils du directeur du Journal de Charleroi, Louis-Xavier Bufquin des Essarts. Il voudrait s’y faire embaucher et devenir journaliste. Il est reçu à dîner dans la famille des Essarts, mais ses propos non-conformistes choquent. Le lendemain, il est éconduit. Il rejoint Bruxelles et de là à nouveau Douai.
           
Rimbaud aura seize ans le 20 octobre de cette année 1870. Il est à la croisée des chemins. Il ne sera pas journaliste. Mais il est poète. Il l’a écrit à Théodore de Banville, le 24 mai, dans une lettre accompagnée de trois poèmes. L’un d’eux dit son désir de liberté :

                            Par les beaux soirs d’été, j’irai par les sentiers,
                            Picoté par les blés, fouler l’herbe menue.

À Charleroi, le fugueur vit un moment de quiétude qui devient un ressourcement. Les lieux fermés de sa ville natale – la famille, l’école – lui sont hostiles. C’est du moins de cette manière qu’il le ressent. Charleroi lui offre d’hospitalité dans l’espace d’une petite brasserie ou d’un bistrot, où il se restaure :

Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi
– Au Cabaret-vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.

L’image se fixe. Quand en mai 1872 il se joue la « comédie de la soif », il se souvient avec nostalgie de « l’auberge verte » comme d’un lieu désormais inaccessible :

Et si je redeviens
Le voyageur ancien
Jamais l’auberge verte
Ne peut bien m’être ouverte.

Dans le symbolisme des couleurs, qui féconde la poésie de Rimbaud, le vert est le chromatisme déterminant : c’est la couleur de l’eau de mer qui mouille le bateau dans Le Bateau ivre :

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sûres
L’eau verte pénétra ma coque de sapin.

C’est la couleur des « vibrements divins des mers virides » dans le sonnet des Voyelles, et celle des « fronts studieux », car le cerveau peut recréer le monde, sa verdeur, sa vigueur.
            
Parvenu à Charleroi après avoir traversé les Ardennes, Rimbaud entre à la Maison verte, parce qu’elle est à proximité de la rue du Collège, où il va rencontrer Louis-Xavier Bufquin des Essarts, et parce qu’elle est verte. Un architecte d’intérieur, improvisé sans doute, a eu cette idée, facétieuse et moderne, de tout peindre en vert dans cette petite auberge, où le jambon et « la fille aux tétons énormes » offrent sur le fond vert un appétissant contraste.
          
La ville de Charleroi n’avait jamais fait grand cas de ce lieu de mémoire. Désormais, il il n’existe plus. On aurait pu espérer un sursaut, voire un tournant dans l’urbanisme carolorégien, qui s’est souvent distingué par de déplorables destructions. On peut d’autant plus le regretter qu’un regain d’intérêt se manifeste en Europe pour le patrimoine littéraire. Une « Fondation Rimbaud et Verlaine » vient d’être créée à Londres. Son siège est la maison, que l’on a pris soin de préserver, où Verlaine et Rimbaud ont vécu à l’automne 1872. Son but est d’encourager la création poétique contemporaine. Le musée Rimbaud de Charleville fait peau neuve : un grand cabinet d’architecte est chargé de repenser l’espace intérieur du « Vieux Moulin ». En 2015, une importante exposition consacrée à Verlaine s’ouvrira à Mons.


                                              
Cet article a été publié, le 28 octobre 2013, dans La libre Belgique, mais n'a pas été mis en ligne sur le site du journal.


[1] Cette photographie a figuré à l’exposition du centenaire de la mort de Rimbaud, en 1991, au musée d’Orsay. Elle est reproduite dans le livre de Bernard Bousmanne, Reviens, reviens, cher amiRimbaud-Verlaine, l’affaire de Bruxelles, Calmann-Lévy, 2007, p. 47.

vendredi 8 novembre 2013

Un mot et une photo


Jacques Bienvenu pendant son intervention sur Rimbaud à Marseille. Debout, devant la porte, Alain Tourneux.

Un mot et une photo sur la soirée d'hier à  l' hôpital de la Conception à Marseille  qui a été un succès sur tous les plans. Un seul problème technique : mon appareil photo a donné des images en noir et blanc. Elle sont au diapason des photographies anciennes provenant pour la majorité du Musée Rimbaud et de la collection Marie-Anne Bardey. J'ai demandé à Alain Tourneux de faire un petit compte rendu sur la manifestation au Musée Rimbaud du 20 octobre et sur celle de Marseille du 7 novembre car il était présent pour ces deux dates rimbaldiennes. Avec sa gentillesse habituelle, il me l'a promis. Mais je sais qu'il est très occupé et je souhaite vivement qu'il ait le temps de le faire pour Rimbaud Ivre.
JB

samedi 26 octobre 2013

Conférence « Rimbaud, Charleville, Marseille et l’Orient », le jeudi 7 novembre à Marseille.



Le jeudi 7 novembre à 17H 30 à l’hôpital de la Conception, 147 Bd Baille 13005 Marseille. Intervenants : Marie-Anne Bardey, Jacques Bienvenu et Alain Tourneux.

dimanche 6 octobre 2013

Les enseignements du manuscrit de "Promontoire", par Jacques Bienvenu


© Musée Rimbaud

Le manuscrit autographe de Promontoire  est, à plus d’un titre, un document remarquable. Ce poème en prose faisait partie de la liasse de poèmes qui se trouvèrent sur le bureau de La Vogue en 1886. Il fut publié dans le numéro 8 de la revue sous l’intitulé : « Illuminations suite ». Il était suivi de deux autres poèmes en prose Scènes et Soir historique, puis de trois pièces de vers Michel et Christine, Bruxelles, Honte. Après les publications hebdomadaires puis en plaquette de La Vogue, ce manuscrit parvint ensuite à l’éditeur Vanier  qui le vendit au docteur Octave Guelliot. Ce médecin l’avait acheté avec le livre de l’édition Vanier des Illuminations et de la Saison en enfer de 1892, dans lequel le manuscrit était inséré.  Un fac-similé de ce manuscrit  fut révélé seulement en 1933, et la fille du docteur Guelliot en fit don par la suite au musée Rimbaud de Charleville où il est à présent conservé. On peut lire en haut à gauche de ce feuillet qu’il  comporte de « légères variantes » avec la page 34 de l’édition Vanier de 1892. Voici cette page 34 :
       
  

                                                        
          
page 35



Ces « légères variantes » sont en vérité d’importantes différences entre le manuscrit et la version imprimée. On constate notamment que les mots « Scarbro’ », « penchants des têtes d’Arbre du Japon » ont été supprimés ; qu’une ligne entière du manuscrit a sauté : « des côtes, -  et même aux ritournelles  des vallées  ».

Cependant, il se trouve que ce n’est pas le manuscrit de Promontoire  qui a servi directement pour l’impression  dans La Vogue, mais une copie allographe. La première page de cette copie  a figuré au catalogue de la vente Berès du 20 juin 2006.Voici, pour la première fois, les deux pages de ce manuscrit allographe qui est conservé lui aussi au Musée Rimbaud de Charleville.

                      
© Musée Rimbaud


© Musée Rimbaud


On observe que les deux pages de ces feuillets comportent certaines erreurs reproduites dans les éditions de La Vogue (revue hebdomadaire et plaquette) et dans l’édition de Vanier, notamment la ligne entière du manuscrit qui a sauté comme on peut le constater sur la deuxième page du document allographe. On mesure avec quelle légèreté le manuscrit original a été reproduit. 

Mais les conséquences importantes de cette information sont ailleurs. On réalise que le manuscrit de Promontoire est le seul des manuscrits de Rimbaud publiés par La Vogue à ne pas être paginé. Tous les autres manuscrits publiés  dans cette revue, comportent, sans exception, un chiffre dans la marge où en haut du feuillet. Le manuscrit allographe de Promontoire comporte la numérotation qui correspond à celle du numéro 8 de la Vogue  et on voit aussi la signature d’un prote qui indique le nombre de lignes. On comprend d’ailleurs ce qu’il a dû se passer. Le manuscrit étant très raturé, il semble vraisemblable que ce soit pour cette raison qu’il ait été retranscrit. Il en résulte que Rimbaud ni aucun autre, ne l’avait  paginé, bien qu’il fît partie de la liasse des poèmes en prose de La Vogue. Si Rimbaud avait paginé les poèmes d’Après le Déluge à Barbare dans le but de constituer un recueil cohérent, on se demande pour quelle raison il aurait oublié Promontoire qui s’apparente de près à d’autres poèmes de l'hypothétique recueil. Lorsque Fénéon a présenté l’édition en plaquette de La Vogue, il a tout naturellement regroupé Promontoire avec Villes, Métropolitain et Scènes

 Dans la seconde édition de son livre, parue en 2013, L’Art de Rimbaud, Michel Murat explique d’abord que Fénéon avait compris «  les enjeux idéologiques » des poèmes en prose, en bon anarchiste qu’il était, en redistribuant les poèmes dans la plaquette de La vogue, mais qu’on ne pourrait en déduire que Fénéon avait dès le début « suivi sa propre inspiration » pour folioter les manuscrit de la BN. Il ajoute en note :

 C’est la thèse soutenue récemment par Jacques Bienvenu : «  Le fait que Fénéon a complètement changé, dans la plaquette, l’ordre adopté par lui dans La Vogue hebdomadaire, prouve bien qu’il avait dès le début, suivi sa propre inspiration » (Jacques Bienvenu, « la pagination des Illuminations, consulté le 26/09/2012 sur internet à l’adresse : http://rimbaudivre.blogspot.fr/2012/02/la-pagination-des-illuminations-par.html.) Que Fénéon soit responsable de la pagination de la préoriginale, c’est précisément ce qui reste à démontrer : l’argument relève d’une pétition de principe.[1]

Une première remarque est que Michel Murat m’attribue une phrase qui n’est pas de moi mais de Bouillane de Lacoste[2] ce qui en modifie la portée. En effet, on a peu souligné le fait que l’expert en  graphologie rimbaldienne, Bouillane de Lacoste, ne pensait pas que la pagination était de Rimbaud. 

La deuxième remarque est que ce n’est pas « une pétition de principe » de penser que Fénéon  était responsable de la pagination de la préoriginale. On a tout de même son témoignage, le seul qui soit vraiment précis dans une lettre du 30 avril 1939 à Bouillane de Lacoste : « j’ai préparé les Illuminations non seulement pour leur publication dans le périodique, mais pour leur réimpression en plaquette. Si entre ces deux opérations, leur ordre s’est modifié, ce changement, quelque inopportun et fâcheux qu’il puisse être, m’est expressément imputable »[3]. Michel Murat cite de manière inexacte et partielle cette lettre, avec une mauvaise référence,  dans sa nouvelle édition : «  De l’une à l’autre[4], le changement m’est expressément imputable »[5] en ne citant pas la phrase qui précède. Cette citation tronquée ne montre pas que Fénéon s’est occupé des deux publications. Observons, en outre, que Fénéon  se souvient d’une mutation de personnel, au moment de la publication du numéro 6, laquelle est attestée par les nouveaux noms des protes qui apparaissent à partir du numéro7 dans les marges des manuscrits[6]. Ce changement de personnel correspond d’ailleurs à une nouvelle pagination des manuscrits. D’autre part ce témoignage de Fénéon  dans la lettre de 1939 rejoint celui qu’il avait donné dans son compte rendu des Illuminations donné dans Le Symboliste en 1886 : « Les feuillets, les chiffons volants de M. Rimbaud, on a tenté de les distribuer dans un ordre logique. »

Une troisième remarque, la plus importante à mon sens, est que Michel Murat ne renvoie pas à la seconde partie de mon article  où l’essentiel de mon raisonnement est formulé[7]. Le jugement de Bouillane de Lacoste n’était qu’une introduction à l’ensemble de ma démonstration où je réfute l’hypothèse d’une pagination autographe par des  arguments codicologiques précis. J’ajoute que dans  sa première version de L’Art de Rimbaud, Michel Murat avait écrit  dans son paragraphe « Le recueil » (page 260, édition 2002) : « Dans le cas où l’hypothèse de la pagination autographe, dont cette réflexion sur le recueil est tributaire, serait réfutée de façon décisive, les remarques qui suivent conserveraient une partie de leur portée[…] » Dans la nouvelle version de 2013, au même paragraphe « Le recueil » (page 213) on observe que la phrase précédente a été supprimée. On voit que pour Michel Murat l’hypothèse du manuscrit paginé par Rimbaud est acceptée à présent sans réserve. La question de la pagination des manuscrits est purement factuelle. Il ne doit pas y avoir de « pétition de principe » ou « d’enjeu idéologique » dans ce débat. Le manuscrit de Promontoire, non paginé et publié dans les conditions que l’on vient de voir, est une pièce supplémentaire à ajouter au dossier et une raison de plus de ne pas attribuer à Rimbaud la pagination des manuscrits publiés dans La Vogue.

Mais le manuscrit de Promontoire n’a pas fini de nous étonner. La présence du mot Illumination écrit d’abord au crayon au singulier, puis écrit à l’encre au pluriel est aussi un cas unique pour les manuscrits des Illuminations. Cela fera l’objet d’une autre publication.




[1] Michel MuratL’Art de Rimbaud, Corti, 2013, p.204, note 27.
[2] Arthur Rimbaud, Illuminations, édition critique par H. de Bouillane de Lacoste, Paris, Mercure de France, 1949, p.155
[3] Ibid., p.139.
[4] C’est moi qui souligne l’erreur de transcription.
[5] L’Art de Rimbaud, op.cit, p.203, note 25..Michel Murat écrit que la lettre est citée p. 139 dans La thèse de Bouillane de Lacoste Rimbaud et le problème des Illuminations alors qu’il s’agit de l’édition des Illuminations par le même Bouillane.
[6] Arthur Rimbaud, Illuminations, Bouillane de Lacoste, ed. cit., p.141
[7] À la date où Michel Murat a consulté la première  partie de l’article, le 26/09/2012, la seconde partie était en ligne, annoncée et accessible par un lien à la fin du premier article.

dimanche 8 septembre 2013

" Rimbaud patriote ?", par Jacques Bienvenu

 © Musée Rimbaud
 © Musée Rimbaud
                                                                   

Nous dévoilons ici, pour la première fois, la feuille entière du Progrès des Ardennes du 25 novembre 1870, recto-verso. Ce journal qui contient l’article Le rêve de Bismarck signé Jean Baudry alias Arthur Rimbaud, est à présent au Musée Rimbaud. Je remercie vivement Alain Tourneux de m’avoir donné l’autorisation de le publier ici.


 Le Rêve de Bismarck a relancé la question du patriotisme de Rimbaud. Historiquement elle s’était posée en ces termes : Rimbaud avait écrit à Izambard le 25 août 1870 : « c’est épatant, comme ça a du chien, les notaires, les vitriers, les percepteurs, les menuisiers, et tous les Ventres, qui chassepot au cœur, font du patrouillotisme aux portes de Mézières ; ma patrie se lève ! … Moi j’aime mieux la voir assise ; ne remuez pas les bottes ! C’est mon principe. »

La situation était claire concernant le patriotisme du poète à ce moment-là. Mais en 1927, Izambard a révélé que Rimbaud avait écrit en septembre 1870, lors de son séjour à Douai, une pétition adressée au maire de cette ville. Il y réclamait des fusils pour ceux qui faisaient partie de la garde nationale. Le professeur en déduisait que depuis la proclamation de la république, le 4 septembre, Rimbaud s’était tout d’un coup retrouvé militariste et patriote. Izambard employait le terme de quatre-septembriste, pour qualifier le ralliement de Rimbaud à la guerre contre les Prussiens. Disons un mot de cette pétition. Il s’agit d’un texte manuscrit de la main de Rimbaud  qui porte à la fin une seule signature, celle d’un certain Félicien Petit, seul à avoir signé la pétition. Comme le souligne Bouillane de Lacoste, il s’agit d’une écriture calligraphiée qui intéresse peu le graphologue et où il observe quelques singularités. Il est permis de penser que c’est en présence de ce Félicien Petit que Rimbaud a recopié un texte dont Petit lui a peut-être soumis le brouillon (la signature de Félicien  Petit semble de la même encre que le manuscrit). Ce qui fait qu’on n’est même pas assuré que ce soit Rimbaud tout seul qui ait rédigé ce texte. Les souvenirs d’Izambard sont vieux de 57 ans quand il écrit son article, et on peut douter que Rimbaud ait manifesté le désir de s’engager avec son professeur dans la garde nationale. Curieusement, les premières publications du manuscrit de la pétition évitaient de donner la fin du document avec la signature de Félicien Petit. Izambard précisait même : « Il n’y aurait pas grand intérêt à reproduire en entier cet autographe » Ce n’est que récemment que Claude Jeancolas a publié, le premier, l’intégralité avec la signature finale.


Source : Passion Rimbaud

La publication du Rêve de Bismarck semble appuyer de manière décisive la thèse d’Izambard d’un Rimbaud devenu patriote après le 4 septembre. Néanmoins, il ne faut pas conclure trop vite. À la demande de Jacoby qui voulait des articles d’actualité et non des poèmes, Rimbaud avait envoyé au Progrès des Ardennes une caricature de Bismarck. Ceci peut simplement montrer que Rimbaud n’aimait pas le militarisme allemand, pas plus qu’il n’appréciait celui de la France qui avait déclaré la guerre. C’était, en outre, une occasion pour lui de publier un article dans la presse. Observons qu’il est étonnant que Delahaye n’ai rien su de cette publication dont il avait donné cependant une description assez proche dans ses souvenirs. On a beaucoup glosé sur le manque de fiabilité de Delahaye qui révèle cependant à cette occasion qu’il avait une bonne mémoire. En revanche, personne n’ose mettre en doute la parole d’Izambard qui serait le plus fiable des témoins même quand il donne des souvenirs de près de soixante ans.
Je ne trancherai pas sur le patriotisme de Rimbaud pendant la période qui succède au quatre septembre 1870. Je me borne à observer que moins de deux mois après la rédaction de la pétition, il écrit le 2 novembre 1870 à Izambard à propos de la guerre : « Par-ci par là, des francs-tirades – Abominable prurigo d’idiotisme, tel est l’esprit de la population. On en entend de belles, allez. C’est dissolvant. »

Rien de fondamental ne semble avoir changé. Il est utile dans ce débat sur le patriotisme de Rimbaud de donner le tract que les surréalistes avaient distribué le jour de l’inauguration du second buste de rimbaud à Charleville, le 23 octobre 1927. Je donne les pages de cet article connu qui s’intitulait Permettez ! et qui émettait quelques doutes sur la patriotisme de Rimbaud.



Fermeture d'un grand site rimbaldien, par Jacques Bienvenu

Le site mag4.net a « fermé ses portes » après quinze ans d’existence à la surprise générale. C’est une grande perte pour tous les amateurs de Rimbaud. Avec plus de trois millions de visiteurs, il avait connu un succès considérable. Il présentait au public une impressionnante série de documents, dont l’intégrale de l’œuvre poétique du poète, des documents iconographiques, des lettres etc. La présentation des poèmes était illustrée avec un sens de l’art consommé. Très bien informé, très précis, remis à jour avec soin, mag4.net sera sans doute  irremplaçable. L’auteur du site, Catherine, n’a pas souhaité nous donner les raisons de cette fermeture soudaine. Respectons sa décision. Permettons-nous simplement de la remercier pour ce travail totalement bénévole, réalisé avec passion et qui a représenté certainement  des milliers d’heures de travail.

Mise à jour du 21/09/2013.

Catherine maintient la fermeture de son site, néanmoins on peut lire à présent à la même adresse qu’ « à titre d’archives pour les étudiants, certaines pages resteront en ligne, tant que durera l’hébergement, et plus particulièrement la partie anglaise. » Ces pages permettent de lire une biographie en deux partie : Du poète à l’Aventurier, avec de très nombreux liens qui permettent de retrouver notamment des documents iconographiques et des lettres. L’ensemble de l’œuvre poétique est accessible sous  la forme de l’ancien site avec ses traductions anglaises.

mercredi 28 août 2013

"Le portrait de Rimbaud par Jef Rosman est-il authentique ?", par Jacques Bienvenu


Rimbaud par Jef Rosman. Collection du Musée Rimbaud

Sur les quatre volets du paravent situés en haut à gauche du tableau (dont nous donnons la reproduction ci-dessus) on peut lire : Épilogue à la Française. Portrait du Français Arthur Rimbaud blessé après boire par son intime le poète français Paul Verlaine. Sur nature par Jef Rosman. Chez Mme Pincemaille, marchande de, tabac, rue des Bouchers, à Bruxelles.

L’histoire de ce tableau commence le 5 avril 1947 lorsque Le Figaro littéraire  révéla au public un portrait représentant Rimbaud blessé après avoir reçu de Verlaine un coup de revolver, en juillet 1873 à Bruxelles. Sous la signature de Maurice Monda, l’article était intitulé : « Épilogue du drame de Bruxelles, un portrait inconnu de Rimbaud. » 

Le grand rimbaldien Pierre Petitfils en avait déjà parlé, quelques mois auparavant, dans le numéro 6 d’une revue assez confidentielle : Le Rimbaldien. Il émettait des doutes sur l’authenticité du portrait et s’étonnait que Rimbaud « ait accepté de poser dans cette attitude et de livrer à la postérité la révélation d’un incident humiliant ». Il récidivait  dans La Grive de juillet 1947 en ajoutant  que le  tableau était probablement  une œuvre

Le Rimbaldien, numéro 6, article de Pierre Petitfils

apocryphe.  Il avait, en outre,  écrit une longue lettre au rédacteur en chef du Figaro littéraire en lui déclarant que ce portrait était incontestablement un faux. Maurice Monda, piqué au vif, lui répondit par cette lettre publiée dans un article de La Grive d’octobre 1947 :

                            À propos d’un portrait inédit de Rimbaud

Dans notre dernier Numéro, notre collaborateur PIERRE PETITFILS a émis des doutes quant à l'authenticité du Portrait de Rimbaud reproduit et commenté, dans « Le Littéraire » du 5 avril dernier, par M. MAURICE MONDA.

Nous avons reçu de M. Maurice Monda, qui est l'auteur des bibliographies de Rimbaud, de Verlaine et de Mallarmé et le Secrétaire général des « Amis de Verlaine », la lettre suivante

                                                                                          Paris, le 22 juillet 1947
                                                                                                 Mon cher confrère,

Dès la publication dans « Le Littéraire » du portrait de Rimbaud, M. Maurice Noël, rédacteur en chef de ce journal, a reçu de M. Petitfils (dont j'admire l'ardeur partisane), une longue lettre tendant à démontrer par des arguments imaginatifs et sentimentaux (mais certes non contrôlés) que ce portrait était « incontestablement un faux ».
J'ai répondu à M. Maurice Noël; de façon non moins longue, et cette réponse, qui date donc d'avril dernier, a dû être transmise en temps voulu à M. Petitfils par les soins du « Littéraire ». Or, quelle n'est pas ma surprise en constatant que dans « La Grive » de Juillet, non seulement la moindre allusion à cette réponse n'est formulée, mais que bien au contraire, M. Petitfils réitère en termes identiques son opinion : « Il y a de fortes chances que ce tableau soit une œuvre apocryphe. »
 Je veux croire que ma lettre n'est pas parvenue à M. Petitfils. Je me vois donc contraint de vous demander de donner asile à cette réfutation des arguments personnels de M. Petitfils.
 Le peintre Jef Rosman et la dame Pincemaille « qui sont peut-être des noms nouveaux pour les Rimbaldiens » ne sont pas, à coup sûr, inconnus des Belges et M. Matarasso en possède toutes les preuves. Le portrait a été fait pendant un séjour de Rimbaud à Bruxelles, (séjours que mes amis Ernest Raynaud et Ernest Delahaye m'ont toujours confirmés. Voir Bibliographie de Rimbaud, par Monda et Montel).
La légende : « Epilogue à la française. Portrait du Français Arthur Rimbaud, blessé après boire, par son intime le poète français Paul Verlaine, sur nature, par Jef Rosman, chez Mme Pincemaille, marchande de tabac, rue des Bouchers, à Bruxelles », doit être postérieure à l'exécution du portrait, car incontestablement, Rimbaud ne l'aurait pas tolérée. Mais cependant cette remarque qui a son importance : LE FRANÇAIS ARTHUR RIMBAUD (donc poète encore inconnu à cette époque), par son intime, LE POÈTE FRANÇAIS PAUL VERLAINE (poète déjà connu, même en Belgique)
Enfin: conclusion de M. Petitfils: « Seule une expertise pourrait établir si oui ou non ce tableau est âgé de 75 ans ».
Que M. Pierre Petitfils soit donc satisfait: M. André Schoeler, l'expert bien connu et des plus qualifiés, affirme que ce portrait a été exécuté, sans nul doute, d'après nature et entre 1873 et 1875. Il m'autorise à faire état de son affirmation. Je n'ai rien de plus à ajouter.

Veillez croire, mon cher confrère, à mes sentiments les meilleurs.

                                                                                                       Maurice Monda



Dans sa lettre, Maurice Monda déclarait qu’Henri Matarasso, libraire et grand collectionneur des œuvres de Rimbaud, à l’époque,  possédait toutes les preuves de l’authenticité du portrait. Ces preuves Matarasso les a données, quelques mois plus tard, dans un article du Mercure de France du 1er novembre 1947 intitulé : « À propos d’un nouveau portrait de Rimbaud ».

Pour l’expertise il écrivait : « M. Monda a eu l’extrême obligeance de montrer le tableau à l’expert bien connu M. A. Schœler » dont il reproduit le jugement : ce portrait, sans nul doute d’après nature, a été fait entre 1873 et 1875, son exécution sur panneau d’acajou est également un témoignage de cette époque et rien ne peut faire douter de son authenticité.


Henri Matarasso dévoilait l’existence d’une dame Pincemaille qui vivait avec sa fille marchande de tabac rue des Bouchers à Bruxelles. Le seul problème, comme le précise son avocat  chargé de faire les recherches auprès des services de l’état civil belge, est que cette dame Pincemaille n’a pas été inscrite rue des Bouchers avant le 13 août 1891 comme sa fille qui n’avait que 10 ans à l’époque. Pour palier cette difficulté Matarasso affirmait sans aucune preuve qu’elle était « revenue » à la rue des Bouchers en 1891, ce qui permettait de supposer qu’elle y avait déjà été en 1873.Quel argument !

Quant à Jef Rosman, Matarasso révélait l’existence d’un certain Rosman André, Marie, Joseph né à Bruxelles le 31 janvier 1853. Ce qui prouve naturellement que c’est bien celui-là qui a exécuté le tableau puisqu’il avait vingt ans en 1873. Un joli coup de pinceau pour un amateur dont personne n’a jamais retrouvé un tableau qu’il aurait exécuté. D’ailleurs, l’état civil indique qu’il est sans profession.



À la suite de cet article, Pierre Petitfils fut pleinement convaincu. Il écrivit, peu après, dans le numéro 10 du Rimbaldien que les documents de Matarasso établissaient de manière irréfutable l’authenticité du portrait.

Le Rimbaldien, numéro 10

Néanmoins, le tableau fut présenté lors de l’exposition Rimbaud de 1954 à la Bibliothèque nationale avec la légende prudente : « Ce tableau aurait été fait à Bruxelles en 1873 ». Dans la biographie de Rimbaud, de Pierre Petitfils et Henri Matarasso (1962) le tableau était reproduit. Les auteurs se contentaient de mettre en note que c’était plus probablement « Petite rue des Bouchers » que le tableau avait été exécuté, conformément à l’état civil de Mme Pincemaille révélé par Henri Matarasso (Il existe, en effet, à côté de la rue des Bouchers à Bruxelles une Petite rue des Bouchers distincte de la précédente). En 1967, le tableau trouve sa consécration dans l’album Pléiade dont l’iconographie a été réalisée et commentée à nouveau par Pierre Petitfils et Henri Matarasso. Comme visiblement les documents de Matarasso laissaient un peu à désirer, l’enquête avait été reprise par Adriaan De Graaf dans le Mercure de France du 1er août 1956. Le rimbaldien hollandais découvrait l’existence d’une Anne Lorson, épouse Pincemaille, qui avait été inscrite comme fille de boutique au registre de la population de Bruxelles entre 1872 et 1874. A. de Graaf aurait retrouvé la descendante qui lui aurait affirmé que sa grand-mère était marchande de tabac rue des Bouchers. Le seul problème est qu’en 1873 Anne Lorson n’était pas encore mariée comme l’indique lui-même de Graaf à la note 4 de la page 632 de son article et donc ne s’appelait pas Pincemaille à ce moment-là… Ce qui fait que cette dame Pincemaille est encore moins crédible que la précédente.


Pierre Petitfils, qui avait trouvé que les documents publiés par Matarasso en 1947 étaient irréfutables, changea d’avis par la suite et écrivit dans sa biographie de Rimbaud publiée en 1982 que l’un d’entre eux était douteux : Il précisait que la Pincemaille-Porson [sic] d’A.de Graaf était plus vraisemblable que la « douteuse veuve Pincemaille » de Matarasso (p.411, note123). Plus récemment, Jean-Jacques Lefrère, dans sa biographie de Rimbaud, ne tranche pas : il donne les deux références Matarasso et A. de Graaf. Dans son livre Face à Rimbaud, il déclare que l’authenticité de ce tableau « est aujourd’hui reconnue ».

On voit bien le rôle déterminant de Pierre Petitfils  dans cette reconnaissance. Il croyait à son authenticité après en avoir douté ce qui renforçait sa conviction. Pierre Petitfils, admirateur inconditionnel de Rimbaud, était à l’affût de nouveaux documents et fit preuve parfois d’un emballement un peu rapide. Ainsi, avait-il donné foi  à des souvenirs apocryphes sur Rimbaud et avait cru découvrir un poème de Rimbaud qui était en fait de Scarron.

 Il faut quand même le dire : le dossier de l’authenticité est léger. L’affirmation de l’expert qui date ce tableau à deux ans près n’a aucune valeur scientifique. Matarasso ne donne d’ailleurs aucun certificat détaillé et se contente d’une affirmation sans argument pour dater le tableau. L’existence d’un certain Rosman né en Belgique en 1853 et sans profession n’autorise pas à inventer un peintre Rosman qui aurait fait un portrait de Rimbaud. L’accumulation de détails écrits sur le paravent du tableau est-elle une preuve d’authenticité ? Pincemaille est un nom qui n’est pas rare en Belgique et les preuves qui varient sur l’existence d’une dame Pincemaille, marchande de tabac rue des Bouchers, laissent à désirer. L’inconnu Jef Rosman aurait été au courant de l’incident Verlaine-Rimbaud resté confidentiel et aurait su que Verlaine était l’intime de Rimbaud, cela semble vraiment très étonnant. À cela s’ajoute le mystère complet sur la provenance du tableau. Le libraire qui le possédait et dont on ignore le nom avait dit à Matarasso que ce portrait de Rimbaud « avait appartenu à l’un de ses clients qui l’avait acheté au marché aux puces et acquis pour la somme de 25 francs ! »

Il serait temps de remettre en cause l’authenticité de ce portrait de Rimbaud et de reprendre ce dossier. Un  faussaire qui pouvait très bien connaître, à cette époque, la photographie de Carjat représentant Rimbaud, n’aurait eu aucune peine à réaliser un portrait ressemblant. Le peintre s’est d’ailleurs arrangé pour ne représenter que la tête, dissimulant même le poignet blessé de Rimbaud sous les draps. Ce tableau fait partie d’une série de documents rimbaldiens révélés par Le Figaro littéraire comme le plus que douteux portrait de Rimbaud par Garnier. Surtout, observons que Maurice Monda avait aussi reconnu comme authentique une fausse carte de Delahaye, publiée par le Figaro littéraire du 12 octobre 1935,et qui lui appartenait à l'époque.

Photographie Matarasso © J.Bienvenu

Ce type de carte postale (Correspondance / Adresse) n'existait pas en 1885.Ce document eut quand même l'honneur de figurer aussi dans le fameux album Pléiade de Pierre Petitfils et Henri Matarasso.