mercredi 20 décembre 2023

Un nouveau président des Amis de Rimbaud

 

De gauche à droite : Pierrette Dupoyet, Gaëlle Vatimbella, Alain Borer,
Patricia Bonnin, Corentin Carlier, Christophe Arnaud et Nicolas Chabanne

L’assemblée générale de l'association des Amis de Rimbaud du samedi 16 décembre s’est déroulée en présence de Jean-Noël Tessier-Rimbaud fils de Jacqueline à laquelle cette AG était dédiée.

Le nouveau bureau a deux vice-présidents : Gaëlle Vatimbella est vice-présidente chargée du secrétariat général et Nicolas Chabanne est vice-président chargé de la trésorerie. Restent membres du bureau Christophe Arnaud et Patricia Bonnin. Les entrants sont Corentin Carlier et Pierrette Dupoyet.


Alain Borer succède à Alain Tourneux comme président. Il faut rendre hommage ici à Alain Tourneux qui a assuré cette présidence depuis 7 ans. Il a réalisé un travail considérable et a réussi à remettre à flot l’association grâce à une gestion exemplaire. On lui doit notamment d’avoir réalisé la suite de la revue Rimbaud vivant dont le dernier numéro 62 est une anthologie, 1973-2023, 50 ans sur les pas d’Arthur. Cet ouvrage est un hommage à Jacqueline Teissier-Rimbaud.


L’idée de cette anthologie revient à Jean-Baptiste Baronian qui a sélectionné les premiers articles figurant dans cette publication. Jean-Baptiste Baronian est désormais le correspondant de l’association pour la Belgique.


Alain Borer est comme chacun sait un personnage historique de la rimbaldie et sa place de président des Amis de Rimbaud est une chance pour l’association.


Tout se présente bien en cette fin d’année pour une nouvelle année pleine de promesses pour les Amis de Rimbaud.

vendredi 8 décembre 2023

Le prix de l'Éternité

Le manuscrit du poème L'Éternité de Rimbaud a été adjugé pour 540 000 euros, beaucoup plus que la valeur estimée.

On peut consulter ce lien. Et celui de notre article.


dimanche 26 novembre 2023

Succès du colloque Banville, premières impressions

Le colloque Banville s’est terminé hier. Très bien organisé sur deux jours, des communications originales permettent de renouveler l’importance de Banville. De grands spécialistes (voir le programme) étaient présents. Il faudrait tout citer. L’ambiance était conviviale. Il renouvellera la perception de Banville poète assez oublié. 


 En ce qui concerne Rimbaud j’ai pu faire ma communication sur le dialogue entre Rimbaud et Banville avec d’intéressantes questions posées par Alain Chevrier et Yalla Seddiki.


Gérard Dôle a pu présenter au public la photo de Rimbaud qu’il a découverte.

Il faut féliciter les organisateurs Pierre Brunel et Jean-Marc Hovasse qui ont assuré le succès de ce colloque passionnant


Je donnerai prochainement des précisions concernant la date de la publications des actes du colloque


Dans le train,


Jacques Bienvenu

vendredi 17 novembre 2023

Colloque Banville du 24-25 novembre


Cliquer sur l'image


Ce colloque est organisé par Pierre Brunel, Etienne Crosnier et Jean-Marc Hovasse à l’occasion des deux cents ans de la naissance de Banville.


J’interviens le samedi 25 à 16h 45 pour une communication intitulée : « Le dialogue de Théodore de Banville et d’Arthur Rimbaud », Université Sorbonne Paris IV,  Amphithéâtre Guizot, 17, rue de la Sorbonne, 75005 Paris

Voir aussi ce lien

mercredi 15 novembre 2023

Le manuscrit de "L'Éternité" retrouvé et mis en vente

 

DR. Piasa.

Jean Richepin avait confié à Paterne Berrichon des manuscrits de Rimbaud. Celui-ci dévoila leur existence, le 1er mai 1914, dans un article du Mercure de France intitulé « versions inédites d’illuminations ». Puis il en publia les fac-similés dans « Les Manuscrits des maîtres », Albert Messein, 1919.


Cependant ces manuscrits de Richepin avaient mystérieusement disparu et depuis la mort du poète en 1926 on ne savait pas ce qu’ils étaient devenus.


Le manuscrit de L’Éternité provient de la collection d'un bibliophile « passionné et secret » qui les compila de 1930 à 1990.


La maison Piasa annonce qu’elle va mettre en vente ce manuscrit qui a été présenté hier à Charleville-Mézières. Il est la pièce maîtresse de la vente et annoncé à 300 000 euros.


La vente aura lieu le 8 décembre à la maison Piasa à Paris. 

samedi 11 novembre 2023

Un livre important d'Alain Vaillant sur "Une Saison en enfer"

 


Alain Vaillant vient de publier un petit livre de 175 pages aux excellentes éditions Champion intitulé : Une Saison en enfer de Rimbaud, ou le livre à « la prose de diamant ».

Alain Vaillant est connu pour avoir été l’un des directeurs du dictionnaire Rimbaud édité chez Garnier.

Son livre se propose de donner une interprétation nouvelle d’Une Saison enfer. Il précise dans son Avant-propos qu’il s’est imposé une règle de conduite qui consiste à s’en tenir à la lettre même du texte. Il précise que ce livre est le résultat d’un compagnonnage ininterrompu d’un demi-siècle avec Rimbaud.


Alain Vaillant veut expliquer toutes les phrases mystérieuses de Rimbaud qu’il présente comme des énigmes qu’il cherche à résoudre comme un détective. Il parle de « l’herméneutique littéraire comme d’une enquête policière ».

Il examine plusieurs possibilités. Il revient dans ses explications à des intertextes, des digressions sur des auteurs du 19e siècle. Flaubert a sa prédilection. Il a recours à des explications historiques, plaçant Rimbaud dans son époque. Il évoque aussi des  rimbaldiens connus pour appuyer ses thèses.

 Sur les problèmes classiques de La Saison voici quelques exemples :


L’auteur s’étend longuement sur l’identification l’époux infernal/ Rimbaud et de la vierge folle/Verlaine. Il juge l’attribution vraisemblable.

Plus généralement Il écrit « La Saison n’est pas une autobiographie. Mais elle contient beaucoup d’autobiographique. » Il ajoute : « Rimbaud ne doit pas être confondu avec le personnage de La Saison. »


 Sur l’homosexualité Alain Vaillant écrit que l’oeuvre de Rimbaud n’est pas concevable sans l’homosexualité et la difficulté à en parler à cette époque. « arriver à l’inconnu par le dérèglement de tous les sens » est le moyen poétique pour y arriver.

Dans l’étude de Mauvais sang l’auteur voit dans l’évocation de la luxure et de la castration que Rimbaud fait d’obscures et fugitives allusions sur son homosexualité. Il ne pense pas que « le vice qui a poussé ses racines de souffrances à mon côté, dès l’âge de raison » soit justement l’homosexualité mais « l’idolâtrie religieuse, le mauvais christianisme de la race inférieure »


Dans « Le prologue » il montre que le « festin ancien » n’est rien d’autre que le bonheur de la foi religieuse, mais il ajoute que Rimbaud a trop de lucidité pour retomber dans l’ornière de la foi. C’est une impasse : il n’y aura pas plus de retour vers l’enfer  que vers le paradis de la religion.


Concernant les brouillons il estime « qu’il est utile de confronter ces ébauches avec la version finale, mais elles n’ont aucune préséance sur elle, précisément puisqu’elles ont été abandonnées. »


Il explique que La Saison fait de brusques embardées ou volte-face qui rendent ce texte si difficile à suivre.

Il évoque la phrase : « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux -Et je l’ai trouvée amère-Et je l’ai injuriée. Et explique : « cette répudiation de la beauté contient en germe le renoncement au vers mesuré ». Sa poésie est un instrument de connaissance de soi ( Je est un autre). Le poète ne doit pas se contenter d’écrire mais tout risquer pour libérer l’inconnu en soi.


Il explique la fin d’ Adieu « il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et dans un corps » par un happy end sentimental «  le « je » amoureux, grâce à son séjour dans l’enfer a acquis le droit de connaître l’amour - le vrai, à l’inverse des « vielles amours mensongères et des couples menteurs » il ajoute que la critique refuse de voir ce qu’il y a dans le texte ».



Je me permets à présent de faire quelques critiques. Alain Vaillant observe que dans Alchimie du verbe, Rimbaud a supprimé une strophe du Château romantique par rapport à une autre version. Il écrit :

 

« la suppression d’une strophe est particulièrement significative : « Ah! Mille veuvages /De la si pauvre âme /Qui n'a que l'image /De la Notre-Dame! Est-ce que l'on prie/ La Vierge Marie ? L’allusion à Verlaine (« Je suis veuve », disait la Vierge folle) y était transparente.


Mais ce n’est pas de Verlaine qu’il s’agit ici. D’abord au moment où le poème est écrit Verlaine n’est pas du tout veuf. Au contraire, il a éloigné Rimbaud pour se rapprocher de sa femme. Pour sa bigoterie elle était aussi à venir. Tout le monde sait que Verlaine cultivera sa foi retrouvée en prison et qu’il écrira Sagesse. En réalité Rimbaud s’en prend ici à Hugo. Il suffit de lire un extrait du commentaire que fait Léon Valade de L’Année terrible dans La Renaissance littéraire et artistique, pour le comprendre. Rimbaud l’a lu à coup sûr puisqu’il figure dans le premier numéro de la revue qui paraît en avril 1872 :

« Telle est la grandeur épique en ce volume, où d’ailleurs l’infini variété des tons s’égaie au vertigineux entassement des catastrophes. Un deuil de famille s’ajoute pour le poète au deuil public : un père est frappé cruellement, et voici que nous retrouvons dans ces pages un écho de la plainte déchirante, inoubliable, que nous avions entendu déjà dans le livre des contemplations. » 

Faut-il rappeler en effet que Hugo avait exprimé dans les contemplations les douleurs de son âme après la mort de sa fille. Parmi les veuvages il faut donc comprendre ces deuils et la souffrance de l’Exil. Mais les deux vers suivant sont encore plus explicites : Qui n'a que l'image /De la Notre-Dame! Est-ce que l'on prie/ La Vierge Marie ? Faut-il le dire ? Cette image renvoie inévitablement au poète auteur universellement connu de Notre Dame de Paris et à sa piété dont Rimbaud s’était déjà moqué dans l’Homme juste


À la page 69, l’auteur évoque la dernière section de Mauvais sang dans laquelle Rimbaud écrit : 

Où va-t-on ? Au combat?  Je suis faible ! Les autres avancent. Les autels, les armes…le temps.


Alain  Vaillant écrit une note que je reproduis intégralement : 


David Ducoffre lit sur le brouillon de « Mauvais sang » « autels » au lieu de « outils »(Voir David Ducoffre, «  les ébauches du livre Une saison en enfer , dans Lectures des poésies et d’Une saison en enfer de Rimbaud, dir.S.Murphy, PUR, 2009, P.197). Mais le tracé manuscrit n’est pas si évident qu’il doive invalider la version imprimée, d’autant que, que dans l’idée de marche en avant qui est évoquée par le texte, la présence d’ « autels » reste problématique.


Si Alain Vaillant n’est pas d’accord il faut dire aussi qu’il ne l’est pas avec La Pléiade qui écrit : Le texte imprimé donne outils, rectifié d’après le brouillon ( p.928)

Ici Alain Vaillant prend un risque. Si sa lecture de « autels » est fausse alors il doit remettre en cause toute son analyse. En effet selon lui « un seul indice incompatible avec le scénario échafaudé par les enquêteurs oblige à tout reprendre à zéro. » Pour la thèse de Ducoffre on peut voir aussi son article « Le sabre et le goupillon » sur notre blog.


Enfin cette étude aurait gagné en lisibilité si elle reproduisait en marge de chaque critique le texte imprimé. 


Néanmoins, pour conclure je dirai que cette étude est stimulante. La lecture pas-à-pas du texte de Rimbaud  me semble novatrice. Je pense que cet ouvrage est digne d’être une référence pour les rimbaldiens.


samedi 28 octobre 2023

Du nouveau sur la rime daines /soudaines de "L'Homme juste" que Rimbaud a "empruntée"

 

DR. BNF.

On peut lire depuis peu un article de Marc Dominicy intitulé  Les deux premières strophes de « L’homme juste » publié dans l’hommage à Yann Fremy : Rimbaud ,Verlaine et Cie, un devoir à chercher. Cette publication a déclenché l’ire de David Ducoffre dans un article que l'on peut lire ici.


J’avais publié sur mon blog un texte de Ducoffre en octobre 2010 intitulé : L’Homme juste, deux vers enfin déchiffrés. J’avais à l’époque qualifié la démonstration de Ducoffre de définitive et brillante, appréciation que je maintiens aujourd’hui.


Marc Dominicy est connu comme « un des plus brillants commentateurs de Rimbaud » par Steve Murphy. Néanmoins il souligne l’erreur du critique qui avait supposé que le poème prétendument envoyé par Izambard à Rimbaud « La muse des méphitiques » avait  suscité la métrique de Tête de faune. Sa publication dans le Parade sauvage 15 de novembre 1998 : Tête de Faune ou les règles d’une exception comportait 79 pages (!). Cet article trop long en devenait illisible.Voir notre publication à ce sujet.


Revenons à la démonstration de Ducoffre. Il précise que la rime daines /soudaines se retrouvait dans un poème d’Ernest d’Ervilly dont un extrait est cité  par Théodore de Banville dans un article- Les livres- publié dans la revue L’Artiste en mars 1872 ( retenons bien cette date).





Selon Ducoffre cet article de Banville donne une garantie de la viabilité de la rime. C’est moi qui avait signalé cet article à Ducoffre, mais je n’avais pas saisi à l’époque toutes les implications. Je crois aujourd’hui qu’il faut prendre le problème à l’envers. C’est l’article de Banville selon moi qui a suscité la rime ( daines/ soudaines) de L’Homme juste.


Je m’explique : la plupart des spécialistes de Rimbaud pensent que les deux derniers quintils ont  été rajoutés à une date qu’il faut placer en 1872. Steve Murphy en tête, suivi par Alain Bardel qui écrit « il est certain que ces deux derniers quintils ( vers 66-75) ont été rajoutés après coup, car ils ne figuraient pas sur la copie de Verlaine. »


En avril 1872 Rimbaud est à Paris, il voit discrètement Verlaine. À cette date on est au cœur des relations entre Banville et Rimbaud. Il a été hébergé par le maître du Parnasse en novembre 1871 et j’ai prouvé dans plusieurs articles que Verlaine et Rimbaud ont longuement discuté du traité de Banville qui avait été publié en novembre 1871. On comprend dans ces conditions que Verlaine et Rimbaud ont eu connaissance à coup sûr de l’article de Banville.


Rimbaud a emprunté la rime daines/soudaines du poème de d’Hervilly. Ce n’est pas la première fois qu’il emprunte des rimes à un poète et notamment à Banville. Ceci  renforce notablement la démonstration de Ducoffre. Nous pouvons préciser que la date du rajout des quintils est postérieure à mars 1872.


Signalons que la rime daines/soudaines est admise par la Pléiade. À présent, on comprend mieux que Rimbaud ait utilisé cette rime ultra rare précisément au moment de la publication de l’article de Banville. Dans cet article Banville présente d’Hervilly de cette façon : « parmi les jeunes poètes dont la réputation depuis quelques années, je n’en connais pas un qui soit plus original et plus nouveau qu’Ernest d’Hervilly, qui vient de publier sont petit livre des Baisers ». Or Banville connaissait bien Rimbaud ! C’était assurément lui le poète original et nouveau qui avait écrit Le Bateau ivre ! Banville ajoutait que tous les élèves apprendraient par cœur plus tard le poème Les Baisers, mais qui connaît le poète d’Hervilly aujourd’hui ? Il est permis de penser que Rimbaud a été blessé par cet article et qu’il a peut-être éprouvé un sentiment de jalousie à l’égard d’Hervilly. Faut-il voir là la raison des mauvaises relations qu’il a eues avec ce poète ?


En conclusion on peut  réfuter  la proposition de rime : naines/soudaines par Marc Dominicy.

mercredi 11 octobre 2023

Isabelle Rimbaud et Berrichon meilleurs graphologues que Bouillane de Lacoste

 



 

Dans l’édition des oeuvres complètes de Rimbaud dont le texte avait été établi et annoté par Rolland de Renéville et Jules Mouquet en 1946, on peut lire dans les brouillons de La Saison la phrase : 

« j’avais été damné par l’arc-en-ciel et les magies religieuses. »

Les éditeurs nous précisent qu’ils ont reproduit le texte de l’édition critique d’Une Saison en enfer par Bouillane de Lacoste.

Dans son édition critique, Bouillane de Lacoste écrit bien cette phrase.

L’édition d’Antoine Adam de 1972 reproduit aussi la leçon de Bouillane. 


La nouvelle édition des oeuvres de Rimbaud établie par Suzanne Bernard et André Guyaux en 2000 précise par une note d’André Guyaux : « le texte de ces brouillons a été revu sur les manuscrits, que M. Jacques Guerrin m’a permis de consulter et qui ont, depuis lors, été acquis par la Bibliothèque nationale (vente du 17 novembre 1998) . »


Cependant cette édition reproduit la phrase : « J’avais été damné par l’arc-en-ciel et les magies religieuses », en précisant que le mot magies surcharge un autre mot.


Il a fallu attendre 2009 pour avoir la bonne lecture. Dans sa remarquable communication « L’atelier d’Une saison en enfer. Étude des brouillons. » (publiée dans : Études réunies par André Guyaux , Rimbaud, des Poésies à la Saison, Paris, éditions Classiques Garnier, 2009) Aurélia Cervoni a pu rétablir la phrase « J’avais été damné par l’arc-en-ciel et les féeries religieuses » le mot magies ayant été barré par Rimbaud.


Dans la version imprimée, Rimbaud n’a conservé que la phrase : « J’avais été damné par l’arc-en-ciel. » ce qui permet à Aurélia Cervoni d’expliquer finement la raison de cette suppression.


Mais ce n’est pas tout !


 Aurélia Cervoni nous réserve une surprise en indiquant que le terme féeries avait été déchiffré correctement par Isabelle Rimbaud « Rimbaud mystique. Les Illuminations et la Chasse spirituelle, Le Mercure de France, 16 juin 1914, p.708 et Paterne Berrichon, « Ébauches d’Une saison en enfer d’Arthur Rimbaud », La Nouvelle Revue française, 1er août 1914, p.244, n.3 



Il aura donc fallu 95 ans pour savoir qu’Isabelle Rimbaud et Paterne Berrichon avaient fait une meilleure lecture du manuscrit des brouillons de La Saison que Bouillane de Lacoste. Pourtant, il avait bien lu l’article de Berrichon qu’il avait corrigé minutieusement, mais il n'avait pas conservé la bonne lecture de féeries !

samedi 30 septembre 2023

Une saison en enfer, dossier

 

L’année 2023 marque le 150ème anniversaire de la publication d’Une saison en enfer. À cette occasion plusieurs publications voient le jour :


La bibliothèque de la Pléiade des éditions Gallimard, propose un volume sous étui spécial à cette occasion.


Il n’ existait pas jusqu'ici de véritable fac-similé de l’édition originale d’Une saison en enfer. On peut s’en procurer un en consultant sur le site d’Alain Bardel ce lien


Nous donnerons prochainement un compte rendu du livre d’Alain Vaillant : Une saison en enfer de Rimbaud ou le livre à « la prose de diamant », Honoré Champion (à paraître, 26.10.2023).


Signalons aussi le livre de Patti Smith : Arthur Rimbaud, Une saison en enfer 1873 et autres poèmes, photographies, écrits dessins de Patti Smith, Gallimard, 2023. (à paraître, 28.9.2023)


Nous préparons un dossier sur Une saison en enfer que nous donnerons prochainement

dimanche 10 septembre 2023

Venus Anadyomène, des singularités qu'il faut voir à la loupe

 

Premier manuscrit donné à Izambard

Venus Anadyomène


Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête

De femme à cheveux bruns fortement pommadés

D’une vieille baignoire émerge, lente et bête,

Avec des déficits assez mal ravaudés ;


Puis le col gras et gris, les larges omoplates

Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;

Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor ;

La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;


L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût

Horrible étrangement ; on remarque surtout

Des singularités qu’il faut voir à la loupe…...


Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;

– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe

Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.

Arthur Rimbaud


Le poème Venus Anadyomène daté par Rimbaud du 27 juillet 1870 fut confié à son professeur Izambard, puis en octobre 1870 à Paul Demeny dans un ensemble appelé Cahier de Douai ou recueil Demeny.


La majorité des commentaires de Venus Anadyomène pense qu’un  poème de Glatigny : « Les Antres malsains » est  une source du poème de Rimbaud. Comme le poème de Glatigny décrit une prostituée qui a un tatouage ( Pierre et Lolotte) comme celui de Rimbaud (Clara Vénus) on en a déduit que Rimbaud décrivait une prostituée.La pratique des tatouages par les prostituées est connue depuis longtemps et l’on peut consulter ce livre qui lui est consacré.


Toute la question est de savoir ce qui amène Rimbaud à donner d’une femme une vision si dépréciative. Izambard et Demeny auraient pu être choqués par ce poème, mais nous n’avons aucun témoignage en ce sens. Selon une étude importante et déjà ancienne par Steve Murphy ce poème aurait une dimension politique et condamnerait le Second Empire qui permettait la dégradation de la femme et de la France. Il ne serait pas question de misogynie dans ce texte.


Il se trouve que Le Cahier de Douai est au programme du bac de français en 2024. Cela a donné lieu à plusieurs publications destinées aux élèves. Nous retiendrons celle de Jean-Luc Steinmetz et Henri Scepi. Dans sa préface Steinmetz évoque le poème Venus Anadyomène : « La femme qu’il montre émergeant d’une baignoire verte étonne par l’enlaidissement à plaisir de son corps. Projeté avec une incroyable audace, le dernier vers - « Belle hideusement d’un ulcère à l’anus » - résonne en violente antithèse face à l’ « étrangement belle de « Soleil et Chair ». Le Rimbaud du Recueil Demeny est donc capable d’inverser au besoin, pour notre plus grand étonnement, les critères de la beauté. » Dans le Dossier Henri Scepi évoque l’esprit satirique de Rimbaud : « Venus anadyomène par le mouvement de renversement des valeurs esthétiques et morales qu’il renferme : la satire y devient le ferment d’une profonde entreprise de subversion des normes et des règles de la Beauté, liée à un engagement politique dont l’épisode de la Commune donnera plus tard toute la mesure et l’ampleur. »


Cependant dans ces commentaires on ne souligne pas un vers essentiel : « Des singularités qu’il faut voir à la loupe… » Le regretté Marc Ascione avait suggéré que le syntagme : « Des singularités qu’il faut voir à la loupe… » constituait une consigne impérieuse, exigeant de la part du lecteur une attention redoublée à de petits détails et indices qui permettent de bien interpréter le poème. Précisons d’ailleurs que les trois points de suspension de la version du poème donnée à Izambard vers juillet 1870 deviennent dans la version donnée à Demeny vers septembre 1870, six points de suspension. C’est-à-dire que Rimbaud a voulu dans le manuscrit postérieur, souligner encore davantage l’importance de ces mots.

Second manuscrit donné à Demeny
DR. British Library


Si Rimbaud incite à relire son poème, c’est probablement qu’il cache quelque chose qu’il ne peut exprimer directement. On peut le comprendre aisément. L’image de l’ulcère à l’anus est choquante par l’évocation de certaines pratiques sexuelles qu’il suppose. Les bons pères de famille du Second Empire recherchaient souvent des plaisirs qu’ils ne pouvaient demander à la mère de leurs enfants. On peut s’étonner de la connaissance que Rimbaud pouvait avoir de ces pratiques. Il est probable que c’est dans les livres peut-être écrits par des hygiénistes qu’il a pu les lire. À noter que dans le livre d’un certain Alexandre Parent-Duchatelet on pouvait lire que Clara figure parmi les surnoms répertoriés dans la « classe élevée » pour les prostituées. 


On n’a pas assez relevé que Rimbaud n’hésitait pas à demander des « imprimés inconvenants » à son professeur Izambard (lettre du 12 juillet 1871, mais écrite  avant) . Rimbaud était tout sauf un innocent.

mercredi 30 août 2023

Le supplément de la Pléiade établi en 2021

 On se souvient que Takeshi Matsumura avait étudié minutieusement les modifications apportées entre l’édition de 2009 et le troisième retirage de 2015 des Œuvres complètes de Rimbaud dans la Pléiade. On peut se rapporter à l’article de notre blog.


Dans le dernier retirage de 2021, on trouve un supplément établi à cette date. Il s’agit de la lettre de Rimbaud à Jules Andrieu du 16 avril 1874 établie à partir du fac-similé donné par Alain Rochereau. La référence est précisée ainsi : C’était Jules.Jules Louis Andrieu ( 1838-1884), un homme de son temps, en ligne, 2018, p.208-209.


On constate que la Pléiade Rimbaud ne donne pas d’adresse internet, mais se contente d’écrire « en ligne ».


Dans le texte qui précède la lettre proprement dite, on rappelle que l’ouvrage que Rimbaud désire publier : L’Histoire splendide est un projet qu’Ernest Delahaye avait signalé. Ce qui montre que les souvenirs de Delahaye sont plus fiables que ce que nous disent certains critiques. André Guyaux écrit avant de divulguer le texte de la lettre : «  Si Rimbaud s’adresse à Andrieu, c’est aussi parce qu’il le sait très introduit dans les milieux éditoriaux britanniques et rompu à la vulgarisation historique et littéraire : l’ancien Communard (sic) avait publié une Histoire du Moyen Âge ( 1866) et gagnait sa vie en donnant des leçons particulières.».


Suit  une petite bibliographie dont la dernière mention est : «  Quelques remarques sur une lettre inédite de Rimbaud à Andrieu », en ligne sur le site « Rimbaud, le poète, 12 juin 2019.

Il s’agit d’une intervention d’Yves Reboul sur le site d’Alain Bardel que l’on peut lire ici.


On peut regretter que la bibliographie ne mentionne pas mon article publié dans le Rimbaud vivant N°58/ 2019 : « La lettre de Rimbaud du 16 avril 1874 et la transmission des Illuminations. » Je montrais en remarquant que sur le fac-similé de la lettre que tous les « f » minuscules ne sont pas bouclés vers le bas. J’en déduisais que la mise au net des Illuminations avait eu lieu après le 16 avril. Puis en utilisant d’autres arguments je prouvais que Rimbaud n’avait pas mis au net les Illuminations avec Germain Nouveau au printemps de 1874, comme on le croyait, mais juste avant de partir à Stuttgart en janvier-février 1875 à Charleville.


Enfin pour conclure je signale une coquille surprenante dans le texte qui précède la transcription de la lettre : « Mais Andrieu , littérateur parisien, d’intelligence hardie et fine, était son pré2021féré, (!) »

On se demande comment les éditions Gallimard si attentives ont pu laisser échapper cette coquille. Nul doute qu’elle sera corrigée dans la prochaine réimpression.

jeudi 20 juillet 2023

Rimbaud et la canicule


Le 25 août 1880, Rimbaud depuis peu à Aden écrit à sa famille : « la chaleur y est excessive, surtout en juin et septembre, qui sont les deux canicules. 35° la température nuit et jour constante d’un bureau très frais et très ventilé. »


En juillet 1886 il écrit de Tadjourah à sa famille « Je me porte bien, aussi bien qu’on peut se porter ici en été, avec cinquante et cinquante-cinq centigrades à l’ombre »


Le 23 août 1877, il écrit, toujours à sa famille, qu’il est venu au Caire «  parce que les chaleurs étaient épouvantables cette année dans la mer Rouge, tout le temps à 50° à 60° »


Le 20 février 1891, il écrit à sa mère de Harar que s’il rentrait en Europe il mourrait vite à cause du froid. Il ajoute même qu’il pense retourner à Aden, car la grande chaleur lui ferait du bien.


On voit que peu à peu il préférait la canicule d’Aden au climat de l’Europe.


Vous qui avez chaud en ce moment pensez à Rimbaud et méditez sur sa capacité à supporter la chaleur.

jeudi 13 juillet 2023

Rimbaud et le 14 juillet

 


Le 15 août 1871, Rimbaud a envoyé à Théodore de Banville une lettre de sept pages comportant le long poème : Ce qu’on dit au poète propos de fleurs.

Tout en haut de la première page, Rimbaud a écrit, en lettres minuscules, et soulignés : « Charleville, Ardennes, 15 août 1871 »


Cependant à la fin de la lettre, Rimbaud a daté son poème au 14 juillet 1871


Le 14 juillet est évidemment une référence à la prise de la Bastille de 1789. Le 15 août est adopté comme fête nationale par Napoléon III et célébrée pendant tout le Second Empire. Le 15 août est la date de naissance de Napoléon.


Mais pourquoi Rimbaud fait référence de ces deux dates à Banville ? Aucun commentateur n’a donné à ce jour une explication satisfaisante.



mardi 4 juillet 2023

Décès de Jacqueline Teissier - Rimbaud

 

Jacqueline Teissier-Rimbaud en 2014. DR.



Jacqueline Teissier-Rimbaud vient de nous quitter ce lundi 3 juillet. Elle avait 77 ans. C’était l’arrière-petite-fille de Frédéric Rimbaud. Depuis plusieurs décennies elle donnait beaucoup de son temps à l’association des amis de Rimbaud dont elle fut  secrétaire générale, trésorière, vice-présidente enfin membre d’honneur.


C’est grâce à son intervention que la panthéonisation de Rimbaud n’a pas eu lieu. On se souvient qu’une lettre que le président Macron lui avait adressée avait mis fin à cette initiative surprenante.


Depuis six mois Jacqueline n’habitait plus Levallois-Perret, elle avait préféré rejoindre Tarbes et les Hautes-Pyrénées où résident son fils et sa famille.

Ses obsèques seront célébrées le vendredi 7 juillet 2023, à 11 heures en l'église de Bagnères-de-Bigorre.

samedi 17 juin 2023

Histoire d'un carnet de Rimbaud, partie 2

 

Voir la partie 1 ici


On entendit plus parler du carnet de Rimbaud jusqu’en novembre 1988 où il apparut dans la collection de Jacques Guérin avec le titre suivant :


Manuscrit autographe de sa première œuvre. 58p.in-16. Reliure cartonnée toile noire. Joint L.A.S de Paterne Berrichon. Paris 20 juin 1922.2p.in-8et 2L.A.S. et MS aut.sign. de Jules Mouquet1934-1935,7p.in8



Ainsi 34 ans après l’article de Petitfils et celui des surréalistes on admettait à nouveau que le poème de Scarron était le manuscrit autographe de la première œuvre de Rimbaud ! On  reprenait les conclusions de Jules Mouquet qu’il avait exposées dans le brouillon de son article.


L’ensemble du carnet, des lettres de Berrichon et de Mouquet fut offert généreusement par le collectionneur Guérin au musée Rimbaud de Charleville.


Dans un article d’hommage à Pierre Petitfils « Documents rimbaldiens » Parade Sauvage 6, juin 1989, Steve Murphy écrit que l’attribution à Rimbaud est graphologiquement précaire et il annonce que Parade Sauvage publiera l’intégralité de la documentation et fera le point de ces incertitudes. Cependant la mise au point annoncée n’aura jamais lieu, néanmoins, il publiait la première page du carnet. 


Premier feuillet du carnet. PS 6

Pourtant l’écriture de Rimbaud est bien attestée. Le carnet provenait de Berrichon qui connaissait bien l’écriture de Rimbaud et Jules Mouquet, même s’il s’est trompé sur Scarron, avait bien reconnu l’écriture de Rimbaud qu’il connaissait parfaitement.Il aurait publié en tête d’un livre sur Rimbaud le premier feuillet. Mais je n’ai pas réussi à le vérifier. Il pourrait s’agir de son livre : « Verlaine raconté par Rimbaud ».


Aucune édition actuelle de Rimbaud ne mentionne ce carnet dans ses œuvres complètes, même pas dans les œuvres attribuées. Pourtant il s’inscrirait bien entre le Cahier des 10 ans et la grammaire qu’il avait annotée.


Un autre mystère existe pour la lettre de Mouquet que signale Pettitfils et le catalogue Guérin. Il existerait à la fin du carnet des mots au crayon « Vitalie Rimbaud à Charleville ». Or l’ensemble du carnet du musée que j’ai pu consulter ne comporte pas cette mention de Vitalie. 

Quoi qu’il en soit on connaît l’écriture de Vitalie et l’écriture du carnet n’est pas la sienne.

Le but de notre article est de faire réapparaître ce carnet de Rimbaud qui avait disparu de tous les commentaires.