Dessin de Verlaine. DR. |
Il est temps de donner la réponse de la petite énigme qui m’a été soumise par un ami rimbaldien. Je rappelle que Verlaine n’a jamais écrit à notre connaissance qu’il avait nommé Rimbaud « l’homme aux semelles de vent » et on peut se demander d’où vient cette attribution verlainienne. Je remercie la personne qui a bien voulu donner une première réponse (voir l’article précédent) que je reproduis ci-dessous :
Cette expression apparaît pour la première fois dans une lettre de Delahaye à Verlaine envoyée vers la fin de l’été 1878 (« l’ « ’homme aux semelles de vent est décidément lavé. Rien de plus »). puis dans une lettre du 31 décembre 1881 toujours de Delahaye à Verlaine (« Sur ton renseignement touchant le « Monstre » [...] je réponds aujourd’hui à Mme Rimbe pour la prier de faire parvenir mon poulet si elle connaît l’adresse exacte de « l’Homme aux semelles de vent ».).Les guillemets utilisés montrent que Delahaye ne serait pas à l’origine de l’expression... Mais je n’en sais guère plus.
Tout ce qui est écrit dans ce message est parfaitement exact. Observons que, pour l’instant, ces lettres ne disent pas clairement que l’expression « l’homme aux semelles de vent », vient de Verlaine. Elles le laissent entendre.
Poursuivons l’enquête. On peut se demander si Delahaye n’a pas été plus clair dans des écrits ultérieurs sur ce sujet. C’est le cas d’un article de la revue d’Ardennes et d’Argone dans laquelle le témoin de Rimbaud écrit en novembre 1905, parlant de Verlaine :
Les aventures de « l’homme aux semelles de vent », comme il l’appelait, furent saluées de dizains bouffons qu’il appelait des « Coppée ».
À ce moment, le surnom de Rimbaud reste un peu confidentiel. Il appartenait à Berrichon de le faire connaître aux rimbaldiens dans sa biographie Jean-Arthur Rimbaud le poète publiée en 1912 :
Verlaine rappelle désespérément celui qu’il appelle « l’homme aux semelles de vent » […]
Berrichon connaissait Delahaye depuis 1896 et il existe des dizaines de lettres de Delahaye à Berrichon. On peut donc être sûr que l’appellation « l’homme aux semelles de vent » a suivi la chaîne : Verlaine - Delahaye - Berrichon.
Certes, on ne peut pas avoir la certitude absolue que Verlaine est l’inventeur du surnom de Rimbaud puisque c’est un propos de seconde main, mais « L’homme aux semelles de vent » reste une trouvaille de génie qui ne pouvait être formulée que par un grand poète.On doit beaucoup à Delahaye de nous l’avoir transmise.
Je remercie Olivier Bivort pour les utiles informations qu’il m’a données.