mardi 22 septembre 2020

L'avis d'un grand rimbaldien sur la panthéonisation de Verlaine et Rimbaud.( Voir la mise à jour à la fin)


Louis Forestier a établi deux éditions de référence sur Rimbaud. La première aux éditions Gallimard avec une préface de René Char s’intitule : Poésies, Une Saison en enfer, Illuminations. La seconde aux éditions Bouquins donne les œuvres complètes et la correspondance. Pour cet ouvrage, remarquons que c’est chez le même éditeur que la nouvelle édition de la biographie de Jean-Jacques Lefrère a été donnée.

Louis Forestier est un rimbaldien historique. Je pense qu’il est le plus ancien et il a joué un rôle très important dans les études rimbaldiennes. J’ai le plaisir d’être en contact avec lui et nous avons souvent de longues discussions principalement sur la littérature. Tout récemment, je l’ai interrogé sur la question actuelle de la panthéonisation de Rimbaud. Je lui ai demandé son opinion qu’il m’a autorisée à faire savoir.

Voici comment il voit les choses : Il faut d’abord examiner les critères qui permettent d’entrer au Panthéon. Ils n’ont pas changé fondamentalement depuis l’entrée de Victor Hugo au Panthéon en 1885 : « Les restes des grands hommes qui ont mérité la reconnaissance nationale y seront déposés ». 

La question qui s’impose est donc de savoir si Rimbaud et Verlaine méritent la reconnaissance nationale. Cette reconnaissance doit être unanime et incontestée. C’est par exemple le cas de celle de Jean Moulin où plus récemment en 2018 celle de Simone Veil. Il s’agit d’êtres admirables dans leur action et dans leur vie.

Prenons le cas de Rimbaud. Quel service a-t-il rendu à la nation ? Est-ce en vendant des armes au Roi Ménélik ? Rimbaud a toujours été fâché avec sa patrie qu’il a quittée pour une autre contrée où il serait plus libre. Son obsession sur son lit de mort à Marseille était d’y retourner. Le fait que Rimbaud soit un poète de génie n’est pas suffisant pour entrer au panthéon. À l’évidence ce n’est pas une figure nationale. Pour Verlaine, c’est encore pire. C’est un grand poète certes, mais, peut-on donner une reconnaissance nationale à un homme qui battait sa femme, son enfant, qui a tenté de tuer Rimbaud et qui est allé une seconde fois en prison pour avoir menacé sa propre mère ?

Dans ces conditions on voit bien que Rimbaud et Verlaine ne peuvent rentrer au Panthéon. On comprend alors que la question de la sexualité de Rimbaud et Verlaine est hors sujet.

Mise à jour 15H 10,

Louis Forestier m'envoie ce message qu'il souhaite que je reproduise sur mon blog :

 Cher ami,

   Je vous remercie de m’avoir introduit dans votre blog et, pour clore nos bavardages, vous adresse, comme dit Bossuet, 'les restes d’une voix qui tombe et d’une ardeur qui s’éteint '.

   Nous avons beaucoup parlé de Rimbaud ces temps-ci. Notamment des raisons invoquées pour et contre une « panthéonade ». Elles sont diverses, parfois solides, parfois spécieuses, et conduisent à se demander si cette pétition spécifique ne recouvre pas des desseins plus lointains et fort différents.

   Aussi avez-vous raison de rappeler qu’il me semble que la question doit être posée autrement. Vous me faites me demander si l’on peut donner une reconnaissance nationale à un poète qui bat sa femme et tente d’assassiner son amant ou à un autre qui pratique le trafic d' armes. A vrai dire, ce n’est pas le problème.

   Ce qui importe c’est de comprendre ce qu'exige aussi l’entrée au Panthéon : la conscience collective par la nation d’une dette commune à l’égard d’un individu. Hugo, Jean Moulin ou Simone Veil répondent à ce critère.

   Que Rimbaud, et même Verlaine, soient de grands poètes, qu’ils nous inspirent à titre personnel, Madame la Ministre de la culture ou Monsieur Martel l’ont très bien dit. Que La Patrie, l’ensemble des Français (tous les connaissent-ils ?) puissent leur être collectivement reconnaissants à tous deux d'un service éminent et d'une vie tangiblement changée, ce n’est pas sûr. 

   Bien amicalement à vous. » 

Merci

L.F.

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