On
sait que Jean-Louis Forain n’aimait pas que l’on parle du temps
où il connut Rimbaud. Il fut souvent interrogé, mais jamais on ne
put obtenir de lui des renseignements importants sur l’auteur du
Bateau ivre.
Un de ses biographe Jean Puget écrivait : « Forain, toute
sa vie tira le rideau sur cette sorte de complicité dans les
relations de Verlaine et Rimbaud. Il esquivait toute question
concernant cette amitié fameuse dont il avait été l’intime et
presque seul témoin. » Puget ajoute que pendant dix ans de
relations suivies et amicales avec Forain il n’obtenait aucune
réponse quand il prononçait notamment le nom de Rimbaud.
Cependant,
il y eut une exception, celle du Figaro
du 24 novembre 1923 dans l’article Le
Point final où Forain
évoque sa relation avec Rimbaud, publiquement, l’année même où
il fut nommé membre de l’institut. Il convient de tenter
d’éclairer cet événement.
Marcel
Raval avait publié le poème Poison
perdu dans les
Feuilles libres
de septembre-octobre 1923. Il en donnait simplement la transcription
en le présentant comme inédit. Il n’en indiquait pas la source et
ne remerciait personne pour cette publication.
On
sait que Breton déclara le 21 octobre dans L’Intransigeant
que Poison
Perdu ne pouvait pas
être de Rimbaud. Le lendemain Marcel Raval répliquait dans le même
journal. Il convient de donner en entier cette information
capitale :
« C’est
l’obligeance de M. J-L Forain qui m’a valu de pouvoir publier ce
sonnet. Personne n’ignore les liens de camaraderie qui unirent le
poète et le peintre. Or c’est en 1874 exactement que Rimbaud
remit lui-même à son ami le manuscrit de ce sonnet,
qui est aujourd’hui en possession de ce dernier. »
C’était
vraiment la pire chose qui puisse arriver à Forain, lui qui tenait
tant à la discrétion sur ses relations avec Rimbaud, surtout à
l’époque où il était membre de l’Institut. Le comble est que
Raval indiquait comme date 1874, c'est-à-dire après le drame de
Bruxelles. André Breton exigea alors qu’on produise le manuscrit
de Forain. Il était impossible alors au peintre de s’esquiver.
Mais dans Le point
final ce n’est pas
un manuscrit trouvé chez Forain qui a été publié et à cet
article était joint une réponse écrite de Forain :
« Mes
souvenirs sont formels. Le sonnet Poison
perdu est d’Arthur
Rimbaud. Lui-même m’en avait remis une réplique de sa main, sinon
le manuscrit original ainsi que d’autres vers de lui entre les
années 1872-1873. Ces manuscrits, je les ai conservés
jusqu’en 1874. Partant faire mon service militaire, je les avais
confiés à l’un de mes amis. Après ma libération, j’ai oublié
de les lui réclamer et lui de me les rendre. Mon ami s’appelle
encore ou s’appelait M. Bertrand Millanvoye. »
Observons
la première phrase : « mes souvenirs sont formels ».
En 1923, ses souvenirs datent de cinquante ans… On peu s’étonner
qu’il se souvienne précisément de Poison
perdu. Du moins, il
prend soin d’éliminer la date fâcheuse de 1874 donnée par
Raval. En mars 1874, Forain était pourtant à Paris au moment où
Rimbaud y séjournait avant de partir à Londres avec Germain
Nouveau. Cette mémoire de Forain est d’autant plus surprenante
qu’il avait complètement oublié le nom de Millanvoye dans les
années 1880 au moment où Verlaine réclamait désespérément des
poèmes inédits de Rimbaud. L’information qu’il donnait sur
Millanvoye était connue depuis 1911 par Berrichon qui avait pu les
faire acheter par Louis Barthou.
Un
certain Maurevert a raconté comment il avait eu connaissance de ces
poèmes de Rimbaud transmis par Forain à Millanvoye. C’est lui
d’ailleurs qui le fit savoir à Berrichon. Cependant, il affirmait,
après la polémique de Poison
perdu, que dans le
dossier de Millanvoye qu’il avait consulté, on ne trouvait pas de
trace de ce poème contredisant l’information donnée par Forain.
Tout
cela laisse un peu perplexe sur la déclaration de Forain. Il y des
chances que Marcel Raval n’ait pas inventé qu’il avait pris la
copie du poème chez le peintre. Répétons qu’aucune mention de la
source du poème n’était indiquée dans Les
feuilles libres,
peut-être à la demande de Forain. Mais après la polémique où il
était impliqué le peintre ne pouvait garder le silence. Il
cautionnait à sa manière le fait que Poison
perdu était de
Rimbaud, mais déniait posséder le manuscrit. Marcel raval n’est
plus intervenu estimant sans doute que la caution donnée par Forain
suffisait et qu’il valait mieux en rester là.
Sur cette question voir la notice Poison perdu du Dictionnaire Rimbaud.
Très vite pendant la Première Guerre mondiale, pour sa survie, le soldat doit se fondre dans le paysage. La mission du peintre est de rendre le soldat invisible : en 1915 dans la section de camouflage de l'armée française Forain invente des trompe-l’œil, des fausses perspectives, des tenues chromatophoresques.
RépondreSupprimer« Si vous possédez des informations inédites sur Rimbaud ou si vous souhaitez écrire un article, n'hésitez pas à nous contacter » : voilà c'est fait.