Théophile de Viau. DR. |
Théophile de Viau est un poète français né en 1590 et mort en 1626.
Illustre en son temps, il connut une longue éclipse et fut redécouvert au 19e siècle par Théophile Gautier à la faveur d’un ouvrage intitulé Les grotesques qui eut plusieurs éditions, la première en 1844 et la dernière en 1859 du vivant de l’auteur.
Rimbaud, qui avait classé Théophile Gautier parmi les poètes très voyants dans sa lettre à Demeny, avait certainement pu lire Les grotesques.
À la page 94 de la seconde édition, Gautier cite un poème de Théophile de Viau où l’on trouve ce vers :
Mon âme incague les destins
Gautier ajoute en parlant d’un jésuite le père Garasse :
Il trouve dans cette expression « incague les destins » une preuve irrécusable d’athéisme et vomit un torrent d’injures qui ont failli provoquer la mort du poète
Remarquons d’abord que le vers : « Mon âme incague les destins » est typiquement rimbaldien et on ne serait pas surpris que l’auteur du Bateau ivre l’ait écrit.
Cependant on observe que le verbe incaguer très rare est un hapax dans son oeuvre. Il se trouve dans le poème Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs où le poète écrit :
« Incague la mer de Sorrente,
Où vont les cygnes par milliers »
Sorrente renvoie à Lamartine.
Je fais l’hypothèse que Rimbaud a employé le verbe incaguer après avoir lu le livre de Gautier.
Dans la suite de son ouvrage, Gautier explique que Théophile de Viau fut condamné à mort après la publication d’un livre : Le Parnasse satyrique, mais il en édulcore la vraie raison.
Le Parnasse Satyrique du Sieur Théophile publié en 1620 comportait un premier sonnet signé Théophile dans lequel le dernier vers était :
Je fais voeu désormais de ne foutre qu’en cul.
On comprend que l’ennemi mortel de Viau le père Garasse ait pu obtenir son arrestation pour accusation du crime de sodomie en 1623.
Théophile de Viau est considéré par les spécialistes du poète comme bisexuel.
Il fut emprisonné de longues années mais fut gracié et évita le bûcher. Mais son séjour en prison l’avait épuisé et il mourut peu après sa libération.
Peut-être pourrait-on étudier la possible lecture de Rimbaud des oeuvres de Théophile de Viau. Dans ce sens la « vieillerie poétique » d’Alchimie du verbe pourrait être évoquée.