samedi 1 novembre 2025

Une information inédite pour les proses évangéliques

 

DR. Gallica.

Dans sa biographie de Jésus,  Jean Christian  petitfils le fils du rimbaldien Pierre Petitfils, nous apprend qu’en 1871 on avait fait des fouilles sur le parvis de l’église Sainte-Anne de Jérusalem, ce qui avaient permis d’identifier les piscines de Bethesda ( Betsaïda)  où Jésus avait guéri des infirmes. (Page 219 de la biographie)


Rimbaud avait donc écrit ses proses évangéliques où il évoquait à sa manière les guérisons miraculeuses de Betsaïda au moment où ces piscines étaient identifiées.


Une recherche sur Gallica confirme cette information. En janvier 1872 Ernest Renan communique à une revue archéologique le résumé d’une lettre de M. Clermont-Ganneau se rapportant à Béthesda et à la piscine probatique que M. Ganneau croit avoir été située sur l'emplacement actuel de l'église Sainte-Anne.


DR. Gallica.

Or, le nom de Renan est associé aux proses évangélique de Rimbaud par des spécialistes du poète. Ainsi André Guyaux écrit dans la Pléiade (page 920) : 


Le regard de Rimbaud, dans cette paraphrasera pu paraître proche aussi de celui de Renan. Comme l’auteur de La Vie de Jésus, Rimbaud reste fasciné par la figure du Christ « transformateur du réel ». Renan, dont le nom apparaît dans Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs, a pu suggérer à Rimbaud une lecture de l’Évangile empreinte de dilettantisme et de scepticisme.Yves Reboul a observé le caractère renanien de l’évocation de la Galilée, « délicieux séjour », dit Renan, dont l’ « air » est « léger et charmant ».


La coïncidence de l’identification des piscines de Betsaïda à Jérusalem et de la composition des proses évangéliques n’avaient jamais été signalé avant Jean Christian Petitfils. On a vu que c’est aussi un argument fort pour l’importance de Renan qui était informé de cette identification en 1872. 


mardi 30 septembre 2025

Les Curiosités de l'histoire de France

Au début de l’année 1870, Rimbaud envoie à Izambard une lettre où il lui demande  de lui prêter les Curiosités historiques et les Curiosités bibliographiques de Ludovic Lalanne ainsi  que les Curiosités de l’histoire France du bibliophile Jacob.

Tous les éditeurs des oeuvres de Rimbaud  pensent que cette demande concerne la préparation de son devoir : la lettre de Charles d’Orléans à Louis XI.


Rimbaud demandait dans sa lettre à Izambard de lui envoyer la deuxième série des Curiosités de l’histoire de France. Or, il s’agit de bien autre chose qu’une documentation pour la lettre de Charles d’Orléans à Louis XI.


En effet, on trouve dans cet ouvrage un texte sur Gilles de Rais qui avait tué et violé des centaines d’enfants. L’horreur des pratiques du maréchal y est dévoilée ( p.64) : 


Ces petits enfants étaient menés le soir dans la chambre du maréchal. Après avoir assouvi son affreuse luxure, le sire de Rais prenait plaisir à couper la gorge de ces innocentes victimes, ou bien il ordonnait (…) d’enfoncer un poignard dans la jugulaire des enfants de manière que le sang jaillit sur lui et l’inondât de jets intermittents : la chaleur de ce sang ruisselant sur sa chair lui causait une sorte de délectation extatique.


Rimbaud qui avait seulement quinze ans a certainement été impressionné par cette lecture.

S’est t-il inspiré de ce texte quand il écrivait dans Conte à propos d’un prince qui égorgeait bêtes et gens « peut-on s’extasier dans la destruction, se rajeunir par la cruauté ! » ?


Plus troublant encore dans la deuxième série des Curiosités de l’histoire de France on apprend que le surnom de Gilles de Rais était barbe-bleue, et on trouve dans Après le Déluge : «  Le sang coula chez Barbe-Bleue ».

 

Voir le commentaire de l'article Une étrange lettre dont cet article s'inspire.

Mise à jour du 2 octobre
Dans sa lettre du 12 juillet à Izambard Rimbaud écrivait : « Si vous avez des imprimés inconvenants dans une [bibliothèque de professeur et que vous vous en ]apercevi[ez, ne vous gênez pas], mais vite, je vous prie, on me presse. »
Rimbaud qui avait reçu à ce moment-là les Curiosités de l’histoire de France savait qu’Izambard pouvait avoir d’autres imprimés inconvenants.

samedi 6 septembre 2025

Rimbaud et Catulle Mendès, le malentendu.

 

Catulle Mendès. DR.

Catulle Mendès fut un témoin de Rimbaud, mais il n’a jamais apprécié le poète et ceci dès le début. Nous savons par Verlaine qu’il ne partageait pas l’enthousiasme pour le jeune prodige, il écrivait le 1er décembre 1895 dans Les beaux arts : « Les grands Parnassiens (Coppée, Mendès, Heredia) n’admirèrent que mal ou pas du tout le phénomène nouveau. » 


On est certain que Rimbaud et Mendès se sont rencontrés le 15 novembre 1871 à la représentation du Bois de Glatigny à l’Odéon. Edmond Lepelletier en avait donné un compte rendu le lendemain dans Le Peuple souverain : «  Tout le Parnasse était au complet, circulant et devisant au foyer, sous l’œil de leur éditeur Alphonse Lemerre. On remarquait ça et là le blond Catulle Mendès donnant le bras au flave Mérat. Léon Valade, Dierx, Henri Houssaye causaient ça et là. Le poète saturnien Paul Verlaine donnait le bras à une charmante jeune personne, Mlle Rimbaut(sic). » On ne sait pas si Rimbaud  a pu à cette occasion parler à Mendès.


Notre poète n’avait pas a priori d’animosité à l’égard de Mendès. Dans sa lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871 il citera Mendès comme représentant des « fantaisistes » ce qui laisse entendre qu’il avait probablement connaissance de la Revue fantaisiste dont Mendès était le fondateur en 1861. Dans cette revue des articles très importants de Baudelaire, Banville et Gautier avaient été publiés. Rimbaud a su aussi que Mendès avait créé en 1866 avec Louis Xavier de Ricard la revue Le parnasse contemporain.


Le 15 juin 1872, Rimbaud pouvait lire dans La Renaissance littéraire et artistique trois poèmes de Mendès. Nous ne savons pas ce que Rimbaud a pu en penser.


Les trois poèmes de Mendès  dans La Renaissance

La femme de Mendès, Judith, était la fille de Théophile Gautier. Elle avait aussi écrit dans La Renaissance littéraire et artistique des poèmes en prose dont la forme semble avoir inspiré Rimbaud. Pour la petite histoire Gautier qui n’aimait pas son gendre l’avait surnommé « crapule m’embête ».



Dans son  Rapport à M. le ministre de l'Instruction publique et des beaux-arts sur le mouvement poétique français de 1867 à 1900, Mendès minimise l’influence de Rimbaud avec un parti pris de dénigrements comme le montrent des extraits de ce rapport :



Pour ce qui est d'Arthur Rimbaud, bien loin d'avoir rien innové du tout, il fut, non sans intensité d'ailleurs, avec quelque chaude violence, un exaspéré Romantique attardé (…)

je pense au Bateau ivre, on n'y peut pas même voir une allégorie; ce n'est qu'une figure de rhétorique, démesurée.(…)

je songe aux Effarés, aux Pauvres à l'église, aux Premières communions, Chercheuses de poux), l'intention symbolique d’Arthur Rimbaud paraît bien improbable. La vérité, c'est que, le plus souvent. il s'efforce à l'expression excessive, mais directe, de ce qu'il éprouve. de ce qu'il imagine, de ce qu'il voit. Et, romantique, — le Sonnet sur la couleur des voyelles n'a rien qui me contredise, — il l'est quant à la forme aussi. Son vers, à la rime riche et qui veut être rare, son vers rude, cassant, cassé, cacophonique, (chaque strophe faisant l'effet d'un panier plein de tessons de bouteilles)(…)Arthur Rimbaud ne semblera guère dans l'avenir, je pense, qu'un Petrus Borel naturaliste.

Catulle Mendès a joué un grand rôle pour la poésie de son temps. Il a laissé un nombre considérable d’écrits mais la postérité l’a complètement oublié. Dommage .


Mise à jour du 8 septembre : Anré Guyaux "Rimbaud au crépuscule de ses 20 ans"

dimanche 3 août 2025

La lettre de Valade à Blémont

DR
 

 

Cliquer sur le texte pour l''agrandir


À partir des éléments de cette lettre nous allons essayer de reconstituer ce qu’il s’est passé le 30 septembre 1871 au dîner des Vilains bonshommes. Valade nous dit que Rimbaud avait une figure absolument enfantine qui pourrait convenir à un enfant de 13 ans. C’est donc le portrait de la première photo de Carjat qui correspond à cette date.

DR

Valade nous dit qu’il a eu trois semaines de réflexions pour exprimer son enthousiasme. Comme sa lettre est du 5 octobre, sa réflexion date du 15 septembre environ. Or Rimbaud est arrivé à Paris vers le 10 septembre. On comprend que Verlaine a présenté rapidement son protégé à Valade. Sans doute Verlaine lui a montré des vers et d’ailleurs nous savons que Rimbaud lui a donné Oraison du soir

Que savons-nous des vers que Rimbaud a lus aux convives du dîner ? On a longtemps cru que notre poète avait lu le Bateau ivre. On se basait sur le témoignage de Delahaye, mais la critique récente ne le pense plus avec de sérieux arguments. 

Quels vers Rimbaud a-t-il lus au dîner des vilains bonshommes ?

On peut faire des hypothèses. Vraisemblablement,  Verlaine et Valade ont conseillé leur jeune protégé.

Il semble que Oraison du soir soit un bon candidat. Il avait beaucoup plu au public quand Verlaine l’avait révélé dans les Poètes maudits en 1884.

Ensuite, on peut aussi penser aux Assis, mais quel poème peut correspondre aux « corruptions inouïes » ? Le seul possible est le Sonnet du trou du cul. Cependant on peut  douter que Rimbaud l’ait lu d’autant plus que Verlaine y avait participé. Valade a dû le connaître auparavant car il était connu des amis de Verlaine.

Si Rimbaud a « terrifié » son auditoire et s’il est apparu comme un diable c’est qu’il a dû exprimer ses idées sur la voyance et expliquer qu’il pratiquait le dérèglement de tous les sens. Voilà de quoi en effet inquiéter son auditoire!


Mise à jour du 7 août :


La lettre de Valade fut révélée en 1905 par Émile Blémont. Il avait été décidé à cette époque d’élever une statue à Bordeaux en hommage à Valade. À cette occasion Blémont relut les lettres de Valade qu’il avait conservées et retrouva la lettre fameuse qui concernait Rimbaud. Il l’a confiée à Albert Desvallois qui la publia en 1905 dans (cliquer sur le lien) : Le penseur 

La statue fut inaugurée en 1906 à Bordeaux


DR.


Mise à jour du 9 août :


Voici les trois témoins de Rimbaud cités dans la lettre :


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Ernest d'Hervilly. DR.

Edmond Maître. DR.


Soury, d'Hervilly, Maître sont morts respectivement en 1915,1898,1911. À cette époque l'oeuvre de Rimbaud était bien connue. On peut regretter que ces témoins n'aient pas publié de souvenirs sur Rimbaud.


 Mise à jour du 13 août


Lettre importante de  Léon Valade à Jules Claretie du 9 octobre1871 signalée dans les commentaires :


«Pour augmenter vos remords de n'avoir point assisté au dernier dîner des Vilains Bonshommes, je veux vous apprendre qu'on y a vu et entendu pour la première fois un petit bonhomme de 17 ans, dont la figure presque enfantine en annonce à peine 14, et qui est le plus effrayant exemple de précocité mûre que nous ayons jamais vu. Arthur Rimbaud, retenez ce nom qui (à moins que la destinée ne lui fasse tomber une pierre sur la tête), sera celui d'un grand poète. «Jésus au milieu des docteurs», a dit d'Hervilly. Un autre a dit : C'est le diable ! – ce qui m'a conduit à cette formule meilleure et nouvelle : le diable au milieu des docteurs…»


Il faut préciser que Théodore de Banville avait présidé la séance du 30 septembre 1871.


On peut lire l’article de David Ducoffre 


vendredi 30 mai 2025

Rimbaud et le miroir

DR

Les historiens nous apprennent qu’au milieu du XIXe siècle, le chimiste allemand Justus von Liebig invente le miroir argenté en utilisant le nitrate d'argent. Cette innovation permet la production en masse. En favorisant l'acquisition de miroir grâce à un prix moins onéreux, ce nouveau procédé de fabrication offre la possibilité de s’approprier son image. D’abord à la bourgeoisie puis progressivement au plus grand nombre.

À partir des années 1870, on assiste à la prise du miroir qu’il faut comparer à la prise d’écriture dont le développement du journal personnel témoigne. Le miroir se démocratisant devient un objet individuel, un objet à soi et pour soi

Le thème du miroir est présent chez tous les grands poètes du XIXe siècle. Ainsi Baudelaire. On se souvient du début de L’ Homme et la mer :

Homme libre, toujours tu chériras la mer !

La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme

Le poète avec un art consommé donne à son vers la structure d’un miroir où l’âme et la mer se reflètent.

Rappelons les derniers vers de La Musique :


…D’autres fois, calme plat, grand miroir

           De mon désespoir !


Et dans L’Héautontimoroumênos :

Je suis le sinistre miroir 

Où la mégère se regarde. 


Ici, comme dans L’Irrémédiable : le poète s'identifie avec le miroir, en un tête-à-tête diabolique d'où il ne sortira plus : 


Tête-à-tête sombre et limpide

 Qu'un cœur devenu son miroir !

 Puits de Vérité, clair et noir,

 Où tremble une étoile livide, 


Le poème en prose Le Miroir atteste de l’importance de ce thème chez Baudelaire.

De même on trouverait de nombreuses occurrences du miroir chez Verlaine, Mallarmé, Victor Hugo.


Alors, on pourrait s’étonner que le mot miroir soit un hapax dans l’oeuvre de Rimbaud.

Sauf erreur on ne le trouve qu’une fois dans Mémoire ( ou Famille maudite) sous la forme d’un terne miroir :


au midi prompte son terne miroir, jalouse

au ciel gris de chaleur la Sphère rose et chère


Cette singularité de Rimbaud a-t-elle une explication ?

Sans doute Madame Rimbaud possédait dans sa maison des miroirs. Arthur pouvait ainsi s’observer tous le matins devant sa glace. L’image de son « moi » dans un miroir révélait une image qui est celle d’un autre et qui a pu inspirer le fameux « Je est un autre ».

Mais pourquoi le miroir serait terne ?


Rimbaud craignait-il  de voir son image qui se modifiait de 1869 à 1872 ?

Laissons pour l’instant ses interrogations auquel un critique pourra un jour répondre.






mardi 29 avril 2025

Rimbaud et le Prince impérial

 

Le Prince impérial par Carpeaux. DR.

On se souvient que Rimbaud avait écrit, en mai 1868, une épître en vers latins félicitant le jeune Prince impérial de sa première communion. La lettre n’a jamais été retrouvée, mais on le sait par des témoignages fiables.


Monsieur Hervé Lepori me transmet l’image d’une statuette inédite représentant le Prince impérial en pied par Carpeaux. Il observe que cette statuette ressemble étrangement au Rimbaud photographié par Carjat en 1871. Il souligne la tenue modeste et le noeud du foulard.


Certes, Carpeaux ne connaissait pas Rimbaud, mais cette ressemblance méritait d’être soulignée.


À propos de Carpeaux je signale une monographie de ce sculpteur par Claude Jeancolas écrite avant qu’il entre en rimbaldie. Je ne crois pas qu’il ait signalé la ressemblance avec Rimbaud de la statue  du prince impérial par Carpeaux.


On pourra rendre hommage à ce grand rimbaldien qui a écrit pas moins de 19 livres sur Rimbaud, l’an prochain, pour les 10 ans de sa disparition un an avant Jean-Jacques Lefrère.


mercredi 16 avril 2025

Jean-Jacques Lefrère, 10 ans déjà !

DR

Jean-Jacques Lefrère nous a quittés depuis 10 ans déjà. Ses publications sur Rimbaud sont considérables et restent toujours indispensables.