Rendez-vous avec un fantôme, Jean Charles Félix CUIF
Le fantôme de Roche se manifestait par une bouche d’ombre…
ou l’identification au père d’Arthur Rimbaud
J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants, et désigner à Arthur son père biologique, naturellement. Telle ne fut pourtant pas sa véritable histoire, dès le début, encore tout enfant.
Hé Rimbaud ! C’est quoi l’histoire ?
A l’âge de dix ans, Rimbaud transcrit dans un cahier, aujourd’hui conservé par le Musée Rimbaud, un rêve qu’il a fait, et qui concerne son père.
Curieusement, ce cahier ne semble pas avoir eu beaucoup de succès auprès des psychanalystes qui ont conclu à l’identification de Rimbaud à son père biologique, sans doute un peu hâtivement : ayant de toute évidence peu lu Rimbaud, ils se seraient contentés des biographies existantes, incomplètes ; or mesurons bien la chance qui est la nôtre, à l’échelle des propres valeurs de Sigmund Freud :
on a un enfant,
cet enfant fait un rêve,
ce rêve porte sur le père de l’enfant,
au réveil, l’enfant se souvient de son rêve,
pressentant sans doute qu’il sera un jour un écrivain célèbre, l’enfant transcrit très précisément son rêve dans un cahier de brouillon qui n’est pas même un cahier de classe,
ce cahier nous est aujourd’hui parvenu, plus d’un siècle et demi après son écriture, c’est notre chance et le mérite de tous ceux qui ont contribué à constituer le musée Rimbaud et ses collections.
Le père rêvé et décrit par Arthur correspond-il au capitaine Frédéric Rimbaud ?
Le rêve de l’enfant
A la vérité, pas vraiment… Comment disait-il déjà ? Oui… Et le rêve fraîchit… comme nous allons le voir.
Ce que Suzanne Briet a appelé le Cahier des dix ans est le premier écrit qui nous soit parvenu d’Arthur Rimbaud. Il date des années 1863-1865, Arthur Rimbaud a une dizaine d’années. Ce cahier, qui n’appartient pas à l’œuvre littéraire de Rimbaud, n’est pas un journal intime, mais plutôt le cahier de brouillon d’un écolier, un cahier de récréation.
Aux pages dix et onze du cahier, Arthur Rimbaud imagine, rêve son père au Moyen-âge. Il l’envisage soldat du roi, et en donne une description physique d’une grande netteté :
« Je rêvai que………[…] mon père était officier dans les armées du roi, c’était un homme grand, maigre, chevelure noire, barbe, et yeux, peau de même couleur… ».
Parole de Rimbaud aux pages 10 et 11 du Cahier des dix ans
Voilà une précision bien étrange, même dans un récit imaginaire : un gamin des Ardennes au XIXe siècle décrit un père à peau noire…
Les traits physiques du père de Rimbaud peuvent être retrouvés. Les archives militaires de Vincennes viennent nous renseigner très précisément : le père de Rimbaud était blond, il avait les yeux bleus, et l’on ne pouvait pas dire qu’il était particulièrement grand – dans l’une des affectations du père de Rimbaud en Algérie, le commandant de son régiment a l’idée ingénieuse, une certaine année, de mesurer tous ses officiers : il ressort de ces mesures que le père de Rimbaud était d’une taille très légèrement inférieure à la moyenne parmi les officiers de son régiment : 1,665 mètres.
Un petit blond aux yeux bleus donc !
Il a bien les yeux de son père, mais qu’a-t-il dans le crâne ?
Continuons de bien mesurer notre chance : moins de dix ans plus tard, le gamin devenu génie s’avise de nous laisser témoignage de la figure qui, alors qu’il était « encore tout enfant », forçait son admiration. Il choisit de nous en parler au premier chapitre - qu’il intitule Mauvais sang, car il y explore son hérédité - d’une saga tout autant biographique que psychologique dira un compagnon d’enfer : Une Saison en enfer, justement. Ecoutons Rimbaud :
« Encore tout enfant, j’admirais le forçat intraitable sur qui se referme toujours le bagne. […] Il avait plus de force qu’un saint, plus de bon sens qu’un voyageur – et lui, lui seul ! pour témoin de sa gloire et de sa raison. […]
Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice. Je n’ai jamais été de ce peuple-ci ; je n’ai jamais été chrétien ; je suis de la race qui chantait dans le supplice ; je ne comprends pas les lois ; je n’ai pas le sens moral, je suis une brute : vous vous trompez…
Oui, j’ai les yeux fermés à votre lumière. Je suis une bête, un nègre […].
[…] les blancs débarquant, je tomberai au néant. »
Parole de Rimbaud, section 5 du premier chapitre Mauvais Sang d’Une Saison en enfer.
Trouve-t-on, dans la famille d’Arthur Rimbaud, un forçat sur qui se referment toujours les portes du bagne… et qui serait un grand brun à peau noire ?
Il s’agit de Jean Charles Félix CUIF, le frère aîné de la mère de Rimbaud. Il a six ans et Vitalie cinq seulement lorsqu’ils perdent leur mère. Ils ont grandi ensemble à Roche jusqu’au moment où, à l’âge de dix-huit ans, Félix s’engage dans l’armée pour sept ans. Il y restera finalement douze années, dont dix ans de bagne (l’archipel du Biribi en Afrique du nord). A Roche, la famille ne le voit pas revenir. Félix n’en finit pas de ne pas revenir car, régulièrement, ce qui est jugé par ses supérieurs comme des manquements à la discipline prolongent son séjour au bagne (des peines de nature pénitentiaire suspendent le décompte des sept années de son engagement initial).
Durant dix années, au fil de ses multiples condamnations, Félix connaîtra les différents types d’établissements de l’archipel du Biribi ; il y épuisera la justice militaire – comme son frère cadet, Charles Auguste, épuisera plus tard la justice civile en contractant de multiples dettes :
Compagnies de fusiliers de discipline en 1844, 1846 et 1847 ;
Compagnies de pionniers de discipline en 1847, 1848, 1852 et 1853 ;
Ateliers de travaux publics en 1845 ;
Ateliers du boulet en 1849, 1850 et 1851 ;
Pénitencier des fers en 1844 ;
Prisons militaires en 1848 et 1849.
Le beau gosse de Roche
Voici pour la description physique de Félix sur le registre de la matricule lors de son incorporation : Félix est un grand brun aux yeux noirs, au nez « bien fait » dit le registre, et au « teint coloré » est-il précisé comme marque particulière en bas à droite de l’image ci-dessous.
Que Félix ait eu la peau noire après avoir été tannée par le soleil d’Algérie durant dix ans au bagne n’est pas douteux – c’est ce que rapporte Georges Darien, grand témoin et accusateur du régime militaire colonial, dans Biribi, après y avoir passé seulement trois ans (trente-trois mois); de retour à Paris près du Pont-neuf nous souvenons-nous, une petite fille désigne Georges Darien à sa mère et lui dit : « Regarde maman, le monsieur… il est noir ! ».
De la même façon à son retour à Roche après dix ans de bagne, les voisins surnommeront Félix « l’Africain ». Le capitaine Rimbaud a pourtant, lui aussi, passé de nombreuses années en poste en Algérie, mais personne ne l’a jamais appelé l’Africain à son retour. Si l’on avait surnommé Félix l’Africain, c’est avant tout parce qu’il avait la peau noire.
Ainsi : dix-huit ans, grand, brun, yeux sombres, nez bien fait, teint coloré, fils premier d’une famille de propriétaires terriens destiné à reprendre la ferme familiale… bref, au moment où il rejoint l’armée, Félix, c’est le beau gosse de Roche.
Il choisit un régiment de chasseurs à cheval car il est passionné de chevaux (le pays d’Attigny et de Roche est un terroir où l’on élève aussi des chevaux et où on améliore la race, des concours sont régulièrement organisés au niveau départemental ; la ferme de Roche possèdera toujours plusieurs chevaux, qui, après la guerre de 1870, seront recensés annuellement ; les Archives départementales des Ardennes conservent ces recensements, où l’on retrouve la ferme de Roche au temps de Rimbaud, le nom et la description précise de tous les chevaux de la ferme, et il n’y avait pas que Comtesse !). C’est sans doute pour cela que Félix s’engage pour sept ans et non cinq : les régiments de cavalerie font partie des régiments « nobles » qui exigent un temps plus long d’engagement, car il y a plus de techniques à apprendre. On se souvient de la fierté de Verlaine quand il admirait Lucien Létinois sur son cheval lors d’une parade militaire.
Autant dire que, contrairement à ce qui est répété, à l’envie presque et cela nous étonne, par une majorité de biographes qui se sont succédés depuis plus d’un siècle, Félix ne rejoint pas la légion à dix-sept ans pour échapper à une condamnation en correctionnelle après s’être rendu coupable à Roche d’on ne sait trop quoi exactement. Encore très récemment, un biographe, pourtant ardennais, a prétendu que Félix aurait potentiellement abusé d’une jeune fille sur un tas de fumier (sic). Il est grand temps que les biographes de Rimbaud ne projettent plus sur la famille du poète leurs propres turpitudes… potentiellement bien entendu – n’attribuez pas aux autres ce que vous reproche très nettement votre conscience, disait une célèbre encyclique du début du XXe siècle. Félix n’est pas un personnage de roman, permettons-nous de le rappeler.
Non, Félix s’engage volontairement et régulièrement à dix-huit ans (et non dix-sept, dix-sept sonnait sans doute plus vrai pour un délinquant, car l’on pouvait prétendre qu’il avait été contraint de devancer l’appel), c’est-à-dire exactement au même âge que le capitaine Rimbaud, le vrai père osons-nous dire. Rien ne nous autorise donc à prétendre que Félix était plus malfamé que le père de Rimbaud, son engagement dans un corps « noble », la cavalerie, montrerait même suffisamment le contraire, et ce n’est pas sans raison que sa sœur, la mère d’Arthur, a pu entretenir sa mémoire auprès de ses enfants après sa mort… malgré ce qui suit toutefois.
Peau noire, révolte blanche : condamnation à mort pour excitation de ses camarades à la révolte, menaces, insultes et refus formel d’obéissance
Ce n’est qu’un an et demi environ après son incorporation que les choses se gâtent pour Félix, et qu’il est envoyé en Algérie au bagne du Biribi. Comme son neveu génial plus tard… Félix semble manquer de docilité auprès de ses supérieurs… C’est au niveau de la souplesse de l’échine que la chose semble se jouer… De Félix ou du cheval, les officiers du 2e Régiment de chasseur à cheval semblent avoir été plus satisfaits du cheval que de Félix sur ce plan-là.
En juillet 1849, alors qu’il est déjà au bagne depuis plus de cinq ans, Félix est condamné à mort par un Conseil de guerre. Ne serait-il pas arrivé à Félix la même aventure qu’à Billy budd, marin, à bord du navire Les droits de l’homme, le célèbre héros d’Hermann Merville, lui aussi condamné à mort pour d’obscures raisons ? En tous les cas, cela aurait plus de classe que le tas de fumier, mais passons.
Transcription du jugement de condamnation à mort :
Les questions :
1ière question : Le nommé CUIF Jean Charles Félix, pionnier à la 1ière Compagnie de pionniers de discipline, accusé d’insultes et menace par propos envers ses supérieurs, est-il coupable ?
2ième question : Le même, accusé d’avoir excité ses camarades à la révolte, est-il coupable ?
3ième question : Le même, prévenu de refus formel d’obéissance en ne se conformant pas aux ordres de ses supérieurs, relatifs au service, est-il coupable ?
Les réponses :
«[…] le Président […] déclare le nommé CUIF Jean Charles Félix sus qualifié, sur la 1ière question, à l’unanimité coupable.
Le même, sur la 2ième question, à la majorité de cinq voix sur sept coupable.
Le même, sur la 3ième question, à l’unanimité coupable. »
Le jugement :
« Sur quoi le Commissaire du Gouvernement […] condamne le nommé CUIF Jean
Charles, pionnier à la 1ière Compagnie de pionnier de discipline, à l’unanimité à la peine de
mort, conformément aux articles 3 et 15 de la loi du 21 brumaire an 5 […]
Article 3 précité : La révolte et la désobéissance combinée envers les supérieurs, emportera
peine de mort contre ceux qui l’auront suscité, et contre les officiers présents qui ne s’y seront
point opposé par tous les moyens à leur disposition.
Article 15 précité : Tout militaire convaincu d’avoir insulté ou menacé son supérieur de
propos [?] sera puni de 5 ans de fers, s’il s’est permis des voies de fait à l’égard du supérieur,
il sera puni de mort.
Article 10 précité : Tout militaire qui sera convaincu de ne s’être pas conformé aux ordres
de son supérieur, relatif au service, sera destitué, mis un an en prison, et déclaré incapable
de servir dans les armées de la République, et si c’est dans une affaire en présence
de l’ennemi, il sera puni de mort. »
Félix et le chat des monts rocheux : Mauvais sang
Félix était sans doute le père d’identification sinon biologique du chat des Monts rocheux. L’esprit de révolte était bien présent chez les Cuif de Roche. On le retrouve aussi chez Adolphe Cuif, un cousin de Roche du même âge que Félix (ils ont grandi ensemble à Roche). Chez les Cuif de Roche, Adolphe est de la branche de Nicolas (Félix et Arthur sont de la branche de Jean, Nicolas et Jean étant fils du fameux Jean-Baptiste, c’est sans doute pour cela que Paterne Berrichon nommera Rimbaud : Jean-Arthur, en abandonnant le prénom Nicolas). Adolphe Cuif de Roche est décrit dans un rapport de police au tournant des années 1850 comme, nous citons textuellement : « espèce d’énergumène dangereux, prêt à tous les excès au moment du triomphe » (le triomphe, alors, d’une république plus socialiste bien entendu, vingt ans avant la Commune).
Mais revenons à Félix. Après commutation de sa peine de mort à plusieurs années de fers, Félix sera libéré après douze années, rachètera la ferme familiale de Roche à son frère cadet Charles Auguste, et y décèdera l’année suivante.
Qu’emporte cette identification de Rimbaud à l’oncle défunt plutôt qu’au père absent ?
On savait que la mère avait une personnalité complexe, on peut dorénavant en désigner les contours. À cause de Félix, la famille avait une pente à remonter, ailleurs qu’à Roche, à bonne distance, ce sera Charleville. À Roche, la famille Cuif était devenue la famille du bagnard, et Vitalie, la sœur du bagnard. Quand on est propriétaire terrien, parent de près ou de loin d’à peu près tous les maires des communes à trois lieues à la ronde, depuis plusieurs générations - depuis la Révolution de 1789 en fait -, on vous respecte, mais attention ! il ne faut pas plier le genou. En ces temps de conquêtes coloniales, les mazagrans fument dans les estaminets et la colonisation est populaire ; servir dans l’armée, c’est faire son devoir, y compris pour la conquête des colonies, qui est alors une fierté nationale.
C’est Vitalie qui a fait revivre, dans l’intimité de son foyer carolopolitain, auprès de ses enfants et en l’absence du père, huis clos, la mémoire de l’oncle défunt, le frère aîné sans doute chéri. Et c’est sans doute la mémoire d’un fantôme, celui de Félix, que véhiculait la bouche d’ombre.
La sœur Isabelle a voulu détourner de la Saison en enfer l’attention des Rimbaldiens, au profit du dernier recueil, Illuminations, également pour les éléments biographiques très explicites que l’ouvrage véhiculait : la vierge folle, Verlaine, mais aussi l’oncle Félix, le bagnard – que le colonel Godchot n’a pas pu retrouver, et c’est fort heureux, car qu’en aurait-il dit ? (Godchot avait bien retrouvé dans les archives le parcours du frère cadet, Charles Auguste, mais l’aîné Félix s’était dérobé. Charles Auguste s’était donc pris double volée de bois vert dans Ne Varietur ! Par contraste, le capitaine Rimbaud en sortait grandi, ce qui était bien le but recherché par Godchot).
Si le pays de Roche est la terre des loups, la maison de Roche est celle d’un fantôme, Félix ; il y est né, et il y mourut.
« Je visitais les auberges et les garnis qu’il aurait sacrés par son séjour… »
Parole de Rimbaud dans Une Saison en enfer
Quand Félix revient à Roche, Madame Rimbaud est enceinte d’Arthur, elle a déjà donné naissance à Frédéric l’année précédente, nous sommes en 1854, sans doute au printemps. Félix décèdera à Roche dès le second hiver, en décembre 1855 ; Arthur n’a que quatorze mois, le capitaine Rimbaud son père est déjà parti pour la guerre de Crimée depuis plus de six mois, et il quittera définitivement le foyer conjugal six ans plus tard.
Le père n’aura jamais pu lire sa description dans le cahier des dix ans de son fils Arthur ; il se sera évité un certain embarras, sans doute aurait-il été amusé…
Félix fut inhumé au cimetière Saint-Médard de Mery aux côtés de sa mère Félicité, qui lui avait donné son prénom… non prémonitoire. De la famille Cuif ne résidait plus à Roche à la mort de Félix que Charles Morraine – il résidait à Rilly-aux-Oies en fait, tout à côté, dont il était le maire. Charles Morraine était le parrain des deux fils de Nicolas Cuif-Fay, Charles Félix et Charles Auguste, les deux frères de la mère de Rimbaud. Il avait aussi été le témoin de Vitalie à son mariage avec le capitaine Rimbaud à Charleville trois ans plus tôt. Charles Morraine, Franc-maçon, permettra de dévoiler la sensibilité humaniste et politique, voire les engagements, des Cuif de Roche, totalement insoupçonnés et donc absents encore aujourd’hui des biographies de Rimbaud… Mais c’est déjà une autre histoire, une histoire républicaine, vingt ans avant la Commune. Gérard de Nerval ne sous-titrait-il pas ses illuminés : « ou les précurseurs du socialisme » ?
Pour aller plus loin…
On lira avec profit l'article de Bruno Clavier, spécialiste de la psychanalyse transgénérationnelle, repris dans son ouvrage Les fantômes familiaux, sur l’identification au père d’Arthur Rimbaud. Sans rien connaître du parcours de Félix au Biribi, ni même se référer aux textes de Rimbaud, Bruno Clavier expose avec beaucoup de pertinence pourquoi l’oncle Félix est selon lui un candidat plus crédible que le capitaine Rimbaud, s’agissant de l’identification au père d’Arthur Rimbaud.
""Darnières nouvelles"(supplément du 22 mai) : Incroyable rebondissement du secret de famille trente ans plus tard : Frédéric Rimbaud, le frère d'Arthur, deviendra maton en Algérie dans l'un des corps où avait été envoyé l'oncle Félix en tant que forçat trente ans plus tôt, le 1er Régiment de fusiliers de discipline. Le neveu venait donc prêter son concours au régime pénitentiaire et carcéral qui avait condamné son oncle à mort trente ans plus tôt. Celà peut contribuer à expliquer, à la fois la dureté de Rimbaud vis-à-vis de son frère dans l'une de ses correspondances africaines à sa mère (parlant de Frédéric, "on a toujours su que c'était un idiot" ; il y avait, certes, le projet de mariage de Frédéric avec une jeune fille bien plus jeune que lui et sans le sou, mais c'était un ensemble...) et la mauvaise part tenance dans laquelle la mère avait tenu son premier fils Frédéric à partir des années 1880."
Père absent dont la mère a pris soin d’effacer la mémoire en débarrassant son foyer de tout objet qui pouvait le rappeler aux enfants – témoignage de proches de Rimbaud -, ou oncle défunt transmis aux enfants par une bouche d’ombre ?
Franck Delaunoy
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