vendredi 22 juillet 2022

Histoire du premier faux Rimbaud. Le Dessin d'Isabelle Rimbaud. Mis à jour le 26 juillet.

Source : Jean-Baptiste de Proyart. DR.

La ville de Charleville-Mézières vient de lancer une souscription pour l’achat de l’original d’un dessin connu d’Isabelle Rimbaud qui représente son frère en joueur de harpe. L’histoire de ce dessin mérite d’être racontée. 


La première mention de ce dessin a eu lieu dans la revue La Plume le 15 février 1893 avec un poème de Verlaine intitulé : À Arthur Rimbaud d’àprès un dessin de sa soeur le représentant en costume oriental. Nous savons que ce croquis appartenait à son éditeur Léon Vanier qui le  lui avait montré.


Manuscrit de la seconde version du poème
de Verlaine . DR.

Considérons les deux derniers tercets du poème  dans sa réédition de  Dédicaces en 1894 :



Retenons ce passage : «  Je t’admire en ces traits naïfs de ce croquis,/Don précieux à l’ultime postérité/Par une main dont l’art naïf nous est acquis »


Observons le mot naïf qui désigne Isabelle Rimbaud et dont nous allons par la suite découvrir toute la saveur.


Une lettre de Vanier à Louis Pierquin du 30 janvier 1893 nous donne une information intéressante. L’éditeur de Verlaine écrit qu’il  lui a montré le croquis de la tête de Rimbaud et que Verlaine  avait fait le lendemain son sonnet. On en déduit que Vanier possédait le croquis en janvier 1893 et que par conséquent Isabelle le lui avait communiqué entre novembre 1891 (date de la mort de Rimbaud) et janvier 1893.


La seconde mention du dessin apparaît dans la première lettre de Berrichon le 12 juillet 1896 où il évoque « tel dessin touchant de votre main, le représentant lyre aux mains en Orient à la fin de son épopée vécue »


On apprend de la correspondance qu’Isabelle avait effectivement offert ce dessin à Vanier. Berrichon qui voulait absolument avoir ce dessin pour illustrer un article sur Rimbaud n’a jamais pu y arriver car suite à la mort de Vanier en 1898, sa veuve ne parvenait pas à le retrouver.


Donc en 1898 le croquis se trouvait chez Madame Vanier.


Le dessin d’Isabelle réapparut en 1931 dans le catalogue Blaizot, collection de Mme Heartt. Nouvelle apparition en 1936 à l’exposition du cinquantenaire du symbolisme où l’on trouve la curieuse notice N° 64 : Rimbaud en 1991, à son retour d’Éthiopie. Calque de Paterne Berrichon d’après un dessin d’Isabelle Rimbaud -À Mme Paterne Berrichon. 

Rappelons que Paterne Berrichon est mort en 1922 et que sa veuve avait hérité de tous les documents. Ce calque prouve que Berrichon n’avait pu avoir le dessin original de Madame Vanier mais qu’il avait du en prendre copie chez Vanier puisqu’il l’avait vu chez cet éditeur. En 1948 il est reproduit dans l’iconographie de François Ruchon sur la base du document Blaizot (planche XXIII). En 1954. Il figure à l’exposition de la Bibliothèque Nationale organisée pour le centième anniversaire de la naissance d’Arthur. Le catalogue indique au numéro 483 : 

Rimbaud en costume oriental. Tenant une harpe abyssine. Dessin par Isabelle Rimbaud. Avec comme référence la planche XIII de Ruchon.


Mais en 1967 il figure dans l’album Pléiade confectionné par Pierre Petitfils et le libraire et collectionneur Matarasso. On peut penser que Matarasso avait réussi à avoir l’original. Cependant il n’en avait pas fait don au musée Rimbaud et il ne figure pas non plus dans la vente de 1972 de ses collections. C’est tout récemment que l’on a appris que le libraire Jean-Baptiste de Proyart possède l’original et qu’il s’est entendu avec la ville de Charleville-Mézierre pour le céder au prix de 180 000 euros. 


On peut à présent revenir en arrière pour bien comprendre l’histoire de ce portrait.


En 1930, Marguerite Yerta-Méléra grande amie de Berrichon et d’Isabelle Rimbaud avait publié dans l’édition de luxe de sa biographie de Rimbaud des dessins attribués au poète qu’il aurait réalisés au cours de ses pérégrinations en Afrique. Isabelle Rimbaud avait confié ces dessins à Marguerite Méléra qui entretenait à présent la légende d’un Rimbaud dessinateur. Dans son livre « Résonances autour de Rimbaud » elle écrivait : 


Arthur Rimbaud, en Orient, est un commerçant avisé. Et parfois, sur une feuille de papier à lettres, pour l’édification de sa famille il écrit, il dessine le paysage qu’il a sous les yeux. Voici Aden : «  La pointe du Steamer « , voici dans la fraîche et montagneuse Abyssinie : «  Les environs de Farré », «  La maison de soleillet »,voici « Ankober »; les toucouls, les rondes maisons abyssines paillent de boue des indigènes, parmi les broussailles et les pierres. Et quels dessins ! Sages, léchés, exacts, sans relief, directement inspirés par les illustrations aux récits de voyage qu’à onze ans Rimbaud dévorait dans le « Magasin pittoresque » ou « L’Univers illustré ». 

 

                                               On peut cliquer sur l'image pour agrandir

La Maison de Soleillet présentée comme dessin de Rimbaud. Planche  XII.  Col. JB. DR.

Suite à cette publicité les dessins sont vendus assez cher au cours de différentes ventes pendant assez longtemps. 


Mais une découverte importante est venue d’un grand rimbaldien allemand, M. Curd Hochwadt qui avait trouvé en 1965 en préparant une exposition Rimbaud à Hanovre le modèle exact de plusieurs dessins qui figuraient dans le livre de Madame Méléra. En particulier le dessin de la maison Paul Solleilet à Ankober. Le dessin était signé « Taylor » comme on peut le voir sur notre image. La source provenait d’une revue allemande illustrée de géographie et d’Ethnographie nommée Globus.


La maison de Soleillet, dessin de Taylor. Source : Globus. DR.

Cette signature « Taylor »  (en bas à gauche sur l'image) ruinait la réalisation par Rimbaud de ce dessin car c’était une exacte réplique de celui qui figurait dans le livre de Madame Méléra.

L’information fut divulguée en 1966 par Pierre Petitfils dans la revue Bateau ivre N°20.


Ce n’est que 24 ans plus tard qu’on a trouvé la source véritable de ces dessins dans la revue française « Le Tour du monde » et précisément dans l’article « Un voyage au Choa » de 1889.

La découverte a été faite par Steve Murphy : “J’ai tous les talents !’’ : Rimbaud harpiste et dessinateur », Parade sauvage bulletin, n° 6, novembre 1990, pp. 28-38.


Murphy commence à montrer que le dessin de Rimbaud harpiste a été décalqué par isabelle dans cette revue et qu’elle avait remplacé habilement la tête de l’indigène par celle de son frère (voir image ci-dessous). Puis il montre aussi que d’autres dessins du livre de Méléra ont leur origine dans cette revue.


Bulletin N°6 PS. DR.

C’était là une belle découverte. 


Cependant il existe une pointe qui n’a pas été soulignée par les commentateurs. Pour que ces dessins puissent passer pour des oeuvres de son frère il a fallu qu’elle fasse en sorte que l’on ne voit pas le véritable auteur du dessin, ce qu’elle a fait pour « Taylor » et pour le croquis du harpiste où le nom de l’auteur « Roujat » est soigneusement effacé. Quel montage raffiné !


Dès lors, on comprend qu’Isabelle Rimbaud est tout sauf une naïve dans cette affaire. Son travail de faussaire est admirablement réalisé. Le dessin de Rimbaud en harpiste dépasse l’intérêt de son simple portrait. D’ailleurs on peut se demander si ce portrait ressemblait au poète en 1891. Dans une lettre du 21 avril 1890 Rimbaud écrivait à sa mère : «  Je me porte bien, mais il me blanchit un cheveu par minute. Depuis le temps que ça dure, je crains d'avoir bientôt une tête comme une houppe poudrée. C'est désolant, cette trahison du cuir chevelu ; mais qu'y faire ? »

On est en droit de penser qu’en un an et après d’atroces souffrances sa chevelure a pu encore blanchir. Il est donc probable que Rimbaud avait les cheveux blanc à l’hôpital de la conception à Marseille. Ce n’est pas le cas du Rimbaud jouant de la harpe. On est donc pas certain que ce portrait soit fidèle au Rimbaud de 1891. Elle avait confié à Berrichon d’autres portraits de Rimbaud mais elle-même les jugeait sans valeur et Berrichon les trouvait beaucoup moins intéressants que le portrait à la harpe. À son grand regret il ne pourra jamais l’imprimer. On comprend que ce portrait de Rimbaud jouant de la harpe a une valeur exceptionnelle. C’est le premier faux Rimbaud de l’histoire de la rimbaldie (qui en comporte de nombreux) et un symbole de l’entreprise d’hagiographie de la soeur du poète.



Mise à jour du 26 juillet : 

L’actualité a donc remis en scène le dessin d’Isabelle Rimbaud. Avant d’écrire cet article j’ai voulu lire tout ce que j’avais sur cette question. Lefrère a publié deux livres « Face à Rimbaud » et « Les dessins d'Arthur » où l’on trouve déjà beaucoup d’informations. Je possède ces deux livres. Le document essentiel est l’article de Murphy. Je constatais que je n’avais pas dans ma bibliothèque rimbaldienne les bulletins Parade sauvage. J’ai pu l’obtenir en fichier joint grâce à l’amabilité de Madame Elise Nicolas qui travaille au Musée Rimbaud. Je la remercie vivement ici. Je signale que les bulletins Parade sauvage sont épuisés et qu’il serait souhaitable de les republier.

Je n’avais pas fait attention au rôle du grand rimbaldiste allemand Curd Hochwadt dans la révélation que les dessins publiés par Mme Méléra n’étaient pas de Rimbaud. Je ne sais pas s’il existe un catalogue de son exposition réalisée à Hanovre en 1965. J’ai pu consulter la revue Globus que je ne connaissais pas et qui me semble très intéressante.

J’ai relu la correspondance entre Berrichon et Isabelle Rimbaud. J’ai consulté tous les catalogues d’expositions et références iconographiques que je possède. J’ai pleinement réalisé l’incroyable travail de faussaire d’Isabelle Rimbaud que je n’avais pas assez mesuré. L’idée de remplacer une tête par celle de Rimbaud au moyen d’un calque est en avance par rapport aux procédés actuels qui permettent de le faire en deux clics. 

Certes, les mensonges d’isabelle Rimbaud ont été dénoncés depuis longtemps. Etiemble l’avait fait. Plus récemment Yves Reboul notamment a écrit, en 2009, dans Rimbaud en son temps un article intitulé « Isabelle  Rimbaud et l’aveu qu’il s’est trompé » où il dénonce ses impostures. Cependant il omet de signaler le travail de faussaire de la soeur du poète pour ce fameux croquis.








27 commentaires:

  1. Est-on sûr au moins que le dessin vendu au musée est authentique (d'Isabelle Rimbaud) ? Lorsque que l'on joue au jeu des 7 erreurs entre la première et la dernière photo de votre article, on est en droit de s'interroger. Par exemple, le pied replié sous la cuisse et la signature d'Isabelle en bas à droite. Par ailleurs, d'où viennent les stries diagonales du bulletin N°6 (dernière photo),que l'on ne retrouvent pas dans la photo libellée J.B.P (première photo). Ensuite pour le prix (€ 180 k), n'est-ce pas plus cher qu'un manuscrit de Rimbaud (le frère) ? ATSP

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    1. Voir les explications détaillées de l'expert sur le lien suivant :https://deproyart.com/litterature/poesie/portrait-d-arthur-rimbaud-en-abyssin-jouant-de-la-harpe

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    2. La dernière photo de votre article sous-titrée Bulletin N°6 n'est pas une photo de l'original ? C'est bien cela ?

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    3. Non, c'est bien l'original.Je me suis mal exprimé.Mais la signature "Isa R" est à peine visible. La qualité du dessin présenté par l'expert est bien meilleure. Vous avez bien fait de poser votre question car il faut être précis dans cette histoire !

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    4. J'ai supprimé ma réponse de 16 H 11 que je rectifie ainsi : Selon l’expert on trouve sur le dessin qu’il propose à la vente la signature « Isa R ». Ce dessin est sensiblement différent du dernier reproduit dans le blog, car il est de moins bonne qualité. Pour ma part le premier dessin est authentique. L’expert est connu pour son sérieux. La fondation du patrimoine finance ce projet ce qui devrait rassurer.

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  2. Un faux "Isabelle Rimbaud", ça serait le bouquet... mais bien dans l'historiographie que rappelle magistralement votre article. ATSP

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  3. Très intéressant, mais vous manquez, je trouve, de vue globale, de la vue d'aigle ou du bon angle de vue, selon. L'hagiographie d'Isabelle si elle est réelle, le sont tout autant des témoignages de la même, il faut faire la part des choses, le problème c'est qu'on est dans les extrêmes, ou blanc ou noir. Voir mon article «La conversion de Rimbaud » qui contextualise et discerne : http://rimbaudpassion.canalblog.com/archives/2022/09/08/39622520.html). Pour le dessin «Rimbaud jouant de la harpe ethiopienne », qu'Isabelle est fantasmée son frère ainsi et voulut faire passer cette image à la postérité, en dehors du mensonge et du nom effacé de l'auteur de l'image dont elle s'est servie, je n'y vois pas de mal, de motif d'autant de réprobation de votre part, chargeant la barque « Isabelle hagiographe », « Isabelle menteuse », « Isabelle tricheuse », etc., d'autant plus que Rimbaud a très pu, au pays orthodoxe qu'est l'Ethiopie, avoir entendu jouer du begena (vrai nom de la « harpe ethiopienne », instrument au son étrange et hypnotisant qui va bien avec le Voyant... - voir mon article « Petite enquête sur Rimbaud en musique: http://rimbaudpassion.canalblog.com/archives/2014/05/28/29968090.html) et qui sait si un prêtre ne n'en lui aurait pas mis entre les mains ! On croit tout devoir connaître d'après les documents, en premier par les écrits de Rimbaud, or combien de lettres perdues, surtout de sa vie post-littéraire ? Est-on sûr que ce dessin est censé représenter Rimbaud en 1891, avant son rapatriement ? Vous oubliez de dire que pour le visage, elle copie en le modifiant un dessin qu'elle a fait de son frère mourant, datant lui de 1891. Joueur de bégena, c'est ainsi qu'elle imagine son frère en Abyssinie, sans préciser à quelle date, elle téléscope deux sources différentes, le visage qu'elle donne à Rimbaud est à un détail près celui de son frère mourant, or il ne l'était pas là-bas ! (d'où les yeux ouverts au lieu de mi-clos). On oublie un peu trop aussi les dessins extraordinaires d'Isabelle, dont celui de son frère de face, le visage ravagé, ou sur son lit de mort. Là, ce sont des croquis authentiques, sincères et émouvants, comme celui qui lui a servi de modèle pour Rimbaud jouant de la harpe d'Abyssinie. Bien à vous.

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    1. Merci pour votre message. Les passionnés de Rimbaud sont les bienvenus sur mon blog même s’ils ne sont pas de mon avis notamment sur le portrait d’Aden qui n’est plus d’actualité.Sauf erreur vous seriez Stephane Gentilhomme comme l’indique ce lien : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/angers-49000/pres-d-angers-poete-et-chanteur-en-voiturette-849f3ec0-2600-11ec-b619-67ece8bca023

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  4. Au contraire, je trouve que Jacques Bienvenu ne manque guère de "bon angle de vue". Travaillant sur le couple Berrichon, le simple fait que la lettre du 28 octobre 1891 soit apocryphe (et la falsification des lettres même si cette dernière est "assez légère" selon les défenseurs du couple) me fait douter de chaque parole, dessin, geste d'Isabelle. Et puis, surtout, elle n'a rien compris aux textes de son frère !
    Que Rimbaud se soit converti ou non sur son lit de mort, qu'importe ! La littérature était déjà bien loin, et chacun n'a sûrement pas la même rapport à la religion quand on a sept ans et une maman bigote ou quand on a dix-huit ans et un poignet bandé que lorsque l'on a trente-sept ans et l'agonie au front. On sait qu'Isabelle embellit la réalité (tout comme ce fameux autodafé de la Saison qui n'existe que dans ses souvenirs...). Ce dessin, par son embellissement, et ce n'est que mon opinion, n'apporte rien à la recherche rimbaldienne. On ferait mieux d'organiser des souscriptions pour de véritables manuscrits, pas pour des reliquaires qui éloignent bien plus qu'ils n'approchent.

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    1. Juste une p'tite correction en passant vite fait : vous avez cité Léon Pierquin ... son prénom est Louis comme vous le savez pertinemment bien. Voili,voilà, je m'en vais anonymement sur la pointe de pieds.

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    2. C'est juste. Merci, je corrige. La lettre est du 30 janvier 1893.

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  5. Léon... c'est très amusant, car Ernest Delahaye a lui aussi toujours prénommé, dans ses mémoires, Deverriere, Léon (et Bretagne, Charles). Or personne ne s'est jamais appelé,
    ni Charles Bretagne, ni Léon Deverriere a Charleville au temps de Rimbaud. Pour Bretagne, on le sait déjà : au 1er XXe siecle, un chercheur a retrouvé son acte de décès. Donc il se prénommait en fait Paul Auguste je crois. Pour Deverriere, c'est beaucoup plus étrange, car Deverriere est mort à Anvers à la fin de la 1ere guerre mondiale (alors que Bretagne est mort très tôt finXIXe) : pourquoi aucun témoin de Rimbaud n'a-t-il jamais rectifié ? Par exemple Izambard, qui était un grand ami de Deverriere, qu'il avait même invité dans sa famille une fameuse année, Rimbaud les avait rejoint et était devenu un ami très proche de Deverriere (c'est lui qui donnera 1 louis d'or, 20 frcs, à Rimbaud lorsqu'il partira à Paris rencontrer Verlaine en septembre 1871, le don au Frère nécessiteux, Deverriere était FM, sans doute martiniste, car il était d'une loge de Chambéry juste avant de venir se cacher à Charleville (il avait donné à lire "De l'Esprit" d'Helvetius à Rimbaud, on le sait par Delahaye qui a décrit cet homme comme étant d'une très grande humanité en général... et envers Rimbaud spécifiquement...). Pourquoi se cacher à Charleville ? Car il avait été exclu de l'instruction publique (ou plus exactement l'instruction publique lui avait fait comprendre qu'elle ne voulait plus de lui) à la suite d'un incident... un peu particulier... que je préfère taire car n'apportant rien et pouvant être mal interprété). Bref, Deverriere vient à Charleville se refaire un CV dans l'Instruction privée et non plus publique (Institution Rossat qu'avait fréquenté le chat des monts rocheux). Il etait né près de Vitry le francois, il fut gérant du Nordesse... comme disait l'Autre ; on le retrouve ensuite à la questure de l'Assemblée nationale à Versailles, un temps, puis il se marie avec une Belge bien plus jeune que lui (comme Jacoby egalement FM), et redevient un temps professeur, puis négociant, à Liège. Peu de temps avant sa mort en 1918 ou 1919, son fils optera pour la nationalité belge. Ni Delahaye ni Izambard, qui ont écrit/témoigné au XXe, ne pouvaient pourtant ignorer que Leon Deverriere se prenommait en fait Leandre. Les biographes de Rimbaud sont passés à côté de ce personnage, car si on cherche un Leon Deverriere,on ne trouve rien, tandis qu'avec un Leandre Deverriere, les archives s'ouvrent. FD

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    1. On apprend toujours quelque chose avec vous ! Vous avez l’air d’en savoir long sur ce Léandre. À quand une nouvelle biographie de Rimbaud par Franck Delaunoy ?

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  6. Eh bien pas du tout, car de grands travaux de recherches sont encore à mener en Belgique. Comme David Ducoffre est un habitué de votre site et comme il ne veut pas entendre parler d'un Rimbaud "symbolique" (plutôt que symboliste, on est tous d'accord sur cela, cf precedents post il y a quelques mois), je compte sur lui pour farfouiller sur son terroir et nous trouver qch en Belgique, à la fois sur l'appartenance FM de Deverriere à Liege, et partant, l'influence que Deverriere a pu avoir sur l'écriture furieusement symbolique de Rimbaud, qui nous conduira au sens littéral des textes d'Illuminations. FM

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  7. En attendant je donne cette information : Cour d'appel de Nancy. Chambre des appels correctionnels... Note à consulter pour M. Auguste Pouillard, imprimeur à Charleville (Ardennes)... contre M. Léandre Deverrière, gérant du journal le "Nord-Est", appelant d'un jugement du tribunal de police correctionnelle de Charleville, en date du 1er Juillet 1872, qui le condamne à 500 francs d'amende et en 1500[...] de dommages-intérêts pour délit de diffamation envers l'intimé.Où l'on apprend notamment que A. Pouillard cité par Rimbaud dans une lettre se prénomme Auguste.

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  8. Oui, bnf mitterrand je crois. C'est sa seule condamnation, on le sait par son dossier d'entrée en Belgique (la police belge interroge le procureur de Nancy). Noter que Pouillard, le conservateur propriétaire du Courrier des Ardennes était marié avec une fille d'Attigny, près de Roche ou il était lui-même d'Attigny, je ne sais plus... Ah oui au fait : Pouillard etait egalement Franc-macon, ancienne FM furieusement catholique de Charleville, mais il n'y reste pas longtemps, il en est chassé. Le personnage de Deverriere est très interessant pour Rimbaud : Izambard, c'est un météorite geo-croisseur à Charleville : moins de 6 mois en tout et pour tout. Tandis que Deverriere arrive à Charleville avant 1870 et ne repartira qu'après 1875 quand Perrin ("Merde à Perrin !") est chassé de la rédaction en chef du Noresss car jugé trop à droite politiquement).: Leandre est l'ami que Rimbaud a pu rencontrer sur la plus longue durée à Charleville hors les copains de collège, à chaque fois qu'il revenait à Charleville.

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  9. J'ai une autre information. Selon une annonce dans la presse en juin 1871 on demande des ouvriers pour le Nord-Est,mais chose curieuse on demande de contacter Deverrière au 14 rue Forest, ce qui ne correspond pas à l'adresse que donne Rimbaud à cette date qui est 95 sous les Allées. Mystère !

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  10. 95 sous les Allées c'est Vassogne, le photographe, Deverriere y louait une chambre garnie. Son voisin de pallier était Scipion Lenel, prof au College (il se mariera avec la fille du proviseur Desdouest). C'est comme cela je pense que Deverriere a connu Izambard, car Izambard connaissait bien sur Lenel au collège ; Deverriere lui etait chez Rossat. Rue Forest, c'etait peut etre Henri Perrin le redac en chef, mais je le vois plutot rue de Cleves, à verifier effectivement c curieux. FD

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  11. Oui, Deverriere ne pouvait pas donner rendez-vous à un ouvrier dans une chambre garnie... quoique....

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  12. Deverriere a aussi été prof à Henri IV au tout debut de sa carriere, avant Chambéry et Charleville, place du Pantheon (alors lycee Napoleon). Autant dire qu'il avait pu largement parler de Paris à Rimbaud. A Paris, Deverriere havitait rue du mont Thabor (pres de l'hotel particulier de Talleyrand), c'est très sympa sur le plan symbolique. FD

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  13. Pour le 14 rue Forest, il y a peut-être confusion avec le 14 place de la Gare (au bout de la rue Forest quand on venait du pont suspendu) où habitait effectivement Henri Perin, rédacteur en chef du Nord-Est, et c'était peut-être l'adresse du journal (et non pas de l'imprimerie qui se trouvait rue de Clèves je crois). Il peut y avoir confusion dans les années qui suivent la chute de l'Empire, car les noms de rue à Charleville ont été modifiés et les gens avaient beaucoup de mal à s'y retrouver;

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  14. Décidément ce 14 rue Forest vous pose un problème ! Cette annonce précise : s'adresser à M.Deverrière,gérant du journal le Nord-Est,rue Forest n°14, à Charleville Ardennes.Paru début juin . je donnerai bientôt les références photo à l'appui. Ce ne peut pas être une confusion.

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  15. Ce doit etre Perin au 14 place de la gare, a cote de la propriete Corneau, Franc-macon egalement qui fondera le renouveau FM progressiste à partir de 1881, loge La Fraternité encore aujourd'hui rue de Tivoli.. Au 14 rue Forest on ne trouve qu'une veuve qui n'a pas trente ans, et une vielle fille qui en a presque quatre-vingt, les 2 rentieres avec domestiques. FD

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  16. L'annonce a été publiée trois fois au mois de juin 1871. Je ne crois pas que ce soit une erreur.

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  17. Juin 1871 ? Le journal a été créé le premier lundi de la semaine sanglante (22 mai 1871), et son premier numéro est du 1er juillet 1871 selon un acte judiciaire : "Le 1er juillet 1871 paraissait à Charleville le premier numéro du journal le Nord-Est. D'où tenez-vous cet exemplaire ? Sinon, avez-vous les numéros des 30 août et 1er septembre 1871, car la condamnation pour "diffamation, insultes, injures, menaces..." concerne 2 articles publiés dans ces 2 numéros, qui avaient lancé la polémique entre les 2 journaux. A ces dates, Rimbaud aurait pu y mettre son grain de sel, car cela lui ressemble bien ! haha. A cette date, Jacoby se marie à Paris avec une jeune femme qu'il avait présenté comme sa femme depuis son arrivée à Charleville. FD

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  18. Voyez mon article que je publie ce jour : "Où habitait Léon Deverrière ?"

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