samedi 1 avril 2023

Une nouvelle interprétation de "H"

 

DR. JB.



Toutes les monstruosités violent les gestes atroces d’Hortense. Sa solitude est la mécanique érotique, sa lassitude, la dynamique amoureuse. Sous la surveillance d’une enfance, elle a été, à des époques nombreuses, l’ardente hygiène des races. Sa porte est ouverte à la misère. Là, la moralité des êtres actuels se décorpore en sa passion ou en son action – Ô terrible frisson des amours novices, sur le sol sanglant et par l’hydrogène clarteux! trouvez Hortense.

Le manuscrit de « H » est l’un des rares à ne pas être accessible par internet. Sa localisation est inconnue. On ne connaît qu’un fac-similé publié par Bouillane de Lacoste dans Rimbaud et le problème des « Illuminations », Mercure de France, 1949, P.167. C’est celui que nous avons mis en tête de notre article. Le texte qui suit est conforme à celui de la Pléiade.

Gilles Lapointe écrivain Québécois vient de publier un article de 45 pages dans la revue Parade sauvage intitulé : Rimbaud et Victor Hugo, L’énigme de « H ».

« H » est le titre d’une illumination bien connue de Rimbaud qui a reçu de multiples interprétations. Dans son article précis et bien documenté Gilles Lapointe en rappelle un certain nombre notamment celle d’André Guyaux : « H » comme habitude qui désigne le plaisir solitaire expliquant par exemple « Sa solitude est la mécanique érotique »

L’écrivain Québécois propose de montrer que H et Hortense désignent Victor Hugo. Cette illumination ferait suite à L’homme juste de Hugo qui montre que ce poème vise Victor Hugo.

Gilles Lapointe fait référence à un article de mon blog intitulé : Rimbaud ou le meurtre du père Hugo. J’y écrivais qu’après avoir écrit la lettre du Voyant dans laquelle Rimbaud avec quelques réserves écrivait que Les Misérables de Hugo était un vrai poème : « La vraie surprise est que deux mois plus tard, en juillet, dans L’Homme juste, l’opinion de Rimbaud change dans un sens radical. Ce sont même des insultes que profère Rimbaud contre l’auteur des Châtiments. L’explication de cette évolution donnée par Yves Reboul est que Rimbaud, qui avait entre-temps appris l’écrasement de la Commune par les Versaillais, ne supportait pas la position de Hugo qui implorait le pardon des communards après les avoir attaqués ». Puis Lapointe ajoute : est-ce aller un peu trop loin que de laisser entendre, comme le fait Bienvenu, que Hugo aurait « attaqué » les communards et qu’« enfoncer le père Hugo deviendra l’une des priorités » de Rimbaud ? Notre lecture de « H » tend à le confirmer.

En fait j’avais déjà signalé une attaque de Rimbaud contre Hugo dans un article intitulé «  Chanson de la plus haute tour ou le château romantique »(Parade sauvage numéro spécial hors série, 2008). 

Je montrais en particulier que dans le cinquième sizain du poème «  Chanson de la plus haute tour »

 Ah! Mille veuvages

De la si pauvre âme

Qui n'a que l’image

De la Notre-Dame!

Est-ce que l'on prie

La Vierge Marie ?

: «  qui n’a que l’image de la Notre Dame » renvoie inévitablement au poète auteur universellement connu de Notre Dame de Paris et à sa piété dont Rimbaud s’était déjà moqué dans l’Homme juste. Les veuvages ne font pas allusion à Verlaine comme certains le pensaient. Hugo venait d’enterrer son fils à Paris le 18 mars 1871. Faut-il rappeler que Hugo avait exprimé dans Les Contemplations les douleurs de son âme après la mort de sa fille. Parmi les veuvages il faut donc comprendre ces deuils et la souffrance de l’Exil.

Dans son article Gilles Lapointe analyse les phrases de « H » qui semblent justifier sa thèse. Ainsi il écrit : « L’énoncé suivant, banal en apparence, est cependant hautement significatif – « Sa porte est ouverte à la misère » – et désigne de façon explicite, et même deux fois plutôt qu’une, l’auteur des... Misérables : il est même étonnant que ce fait textuel n’ait pas été jusqu’ici davantage souligné. N’oublions pas que le roman de Hugo a d’abord porté le titre Les misères. »

Il poursuit : « Sous la surveillance d’une enfance » de « H » se rapporte aux soins constants que réclama Hugo, un enfant d’une fragilité si extrême qu’il serait même « né » deux fois ! 

De même : l’expression « Ô terrible frisson des amours novices » pourrait bien évoquer pour sa part les amours déçues de Fantine et d’Éponine, véritables portraits de la misère amoureuse dans Les Misérables.

On est certain que Rimbaud a lu Les Misérables et j’ai pour ma part montré que dans Solde, l’expression « splendeurs invisibles » se trouve dans les Misérables.

Gilles Lapointe ajoute : « L’expression « hydrogène clarteux » pourrait aussi évoquer de manière parodique les «constellations, ces hydres étoilées » et autres visions stellaires qui associent directement Hugo aux corps célestes bourdonnants, aux « flueurs d’astres lactés et essaims d’astéroïdes.

Je laisse au lecteur le soin de découvrir comment Gilles Lapointe dans son  article explique que Hortense est Victor Hugo.

Pour conclure je dirai que l’article m’a convaincu et qu’il est rare d’avoir une nouvelle interprétation décisive d’un poème aussi commenté que « H ».





 




2 commentaires:

  1. Le 22 mai 1885, Rimbaud venait de quitter Harar.

    Nous sommes dans nos études rimbaldiennes; (…), les cervelles se troublent un peu, les nouvelles ne sont pas si mauvaises.

    RépondreSupprimer
  2. Les séjours de Rimbaud à Harar sont connus. Le 22 mai 1885 ( jour de la mort de Victor Hugo) Rimbaud ne vient pas de quitter Harar : il était à Aden.

    RépondreSupprimer