Sur le site de Charleville-Mézières, Rimbaud est présenté comme « le plus
grand marcheur d'Europe » . C'est un fait qu'avant de
s'installer à Aden et Harrar,
il va parcourir à pied, utilisant parfois le train ou le bateau, les
pays suivants : Belgique, Angleterre, Allemagne, Autriche, Italie,
Suède, Hollande. Marseille sera, pour lui, le lieu de plusieurs
étapes. On l'y voit pour la première fois dès 1875. Il est
vraisemblable qu'il soit allé en Espagne, engagé par les Carlistes.
On a plusieurs témoignages sur ce fait un peu ignoré des critiques
marxistes. On le retrouve à Marseille en 1878, alors qu'il se
dirigeait vers une île grecque qu'il n'atteindra pas. Tombé malade,
il fut rapatrié par le consulat de Livourne à Marseille. La ville
phocéenne sera surtout pour le poète la porte de l'orient, le passage
obligé pour quitter « l'Europe aux anciens parapets »
ainsi qu'il est dit dans
son plus célèbre poème Bateau ivre : « Je
regrette l'Europe aux anciens parapets ! ». À la fin du même
poème, il écrit : « Si je désire une
eau d'Europe, c'est la flache »
Chaque voyage est
l'occasion d'apprendre une nouvelle langue : l'anglais,
l'allemand, l'italien , l'espagnol etc.
Rimbaud préfigure son
destin dans la Saison en enfer de 1873 :
« Ma journée est
faite je quitte l'Europe. Je reviendrai
avec des membres de fer, la peau sombre, l'oeil furieux :
sur mon masque on me jugera d'une race forte. J'aurai
de l'or : je serai oisif et brutal, les femmes soignent
ces féroces infirmes retour des pays chauds ». Quand on sait
qu'il reviendra à Marseille pour se faire amputer et soigner par sa
sœur, on est un peu troublé...
En 1878, Rimbaud est chef
de chantier dans une carrière à Chypre.
C'est à partir de 1880
qu'il quitte vraiment l'Europe pour Aden au Yemen et Harar
en Ethiopie. Il apprend l'arabe, réclame le Coran de son
père. Il connaîtra toutes les langues pratiquées en Afrique. Il a
su merveilleusement s'adapter à ces pays, et ne connaîtra jamais
aucun problème avec les africains dont il préférait la compagnie à
celle des occidentaux. Il écrira à sa famille le 6 mai 1883 :
« je perds le goût
pour le climat et les manières de vivre, et même la langue de
l'Europe. »
Notons bien qu'il ne dit
pas : la langue française.
C'est toujours le mot
Europe qui revient dans ses propos.
On ne connait pas de
lettres écrites par lui dans une autre langue que le français et il
publiera un long article de voyages en 1887 dans un journal du Caire
. Il n'avait, en fait, rien oublié de sa langue natale.
Il fera usage de
différentes monnaies locales dont le thaler, mais il préfèrera
l'or qu'il mettra un temps dans une ceinture pour le placer dans une
banque au Caire.
Rimbaud est toujours
actuel, on y reviendra pour d'autres événements comme la réforme
du collège et le problème des migrations. À l'heure où j'écris
ce texte j'ignore quelles seront les suites de la crise grecque qui
risque de changer l'Europe et de faire tomber les anciens
parapets.
JB
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